Les Fleurs du Mal by Charles Baudelaire


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Page 2

Baudelaire habitait dans l'�le Saint-Louis, sur le quai d'Anjou, en ce
vieil et triste h�tel Pimodan plein de souvenirs somptueux et
nostalgiques. Il avait choisi l� un appartement compos� de plusieurs
pi�ces tr�s hautes de plafond et dont les fen�tres s'ouvraient sur le
fleuve qui roule ses eaux glauques et indiff�rentes au milieu de la vie
morbide et fi�vreuse. Les pi�ces �taient tapiss�es d'un papier aux
larges rayures rouges et noires, couleurs diaboliques, qui
s'accordaient avec les draperies d'un lourd damas. Les meubles �taient
antiques, voluptueux. De larges fauteuils, de paresseux divans
invitaient � la r�verie. Aux murs des lithographies et des tableaux
sign�s de son ami Delacroix, pures merveilles presque sans importance
alors, mais que se disputeraient aujourd'hui � coups de millions les
princes de la finance am�ricaine.

Au temps de Baudelaire, c'est-�-dire vers le milieu du dix-neuvi�me
si�cle, l'�le Saint-Louis ressemblait par la paix silencieuse qui
r�gnait � travers ses rues et ses quais � certaines villes de province
o� l'on va nu-t�te chez le voisin, o� l'on s'attarde � bavarder au
seuil des maisons et � y prendre le frais par les beaux soirs d'�t� �
l'heure o� la nuit tombe. Artistes et �crivains allaient se dire
bonjour sans quitter leur costume d'int�rieur et fl�naient en n�glig�
sur le quai Bourbon et sur le quai d'Anjou, si parfaitement d�serts que
c'�tait une joie d'y regarder couler l'eau et d'y boire la lumi�re.

Un jour, Baudelaire, coiff� uniquement de sa noire chevelure, prenait
un bain de soleil sur le quai d'Anjou, tout en croquant de d�licieuses
pommes de terre frites qu'il prenait une � une dans un cornet de
papier, lorsque vinrent � passer en cal�che d�couverte de tr�s grandes
dames amies de sa m�re, l'ambassadrice, et qui s'amus�rent beaucoup �
voir ainsi le po�te picorer une nourriture aussi d�mocratique. L'une
d'elles, une duchesse, fit arr�ter la voiture et appela Baudelaire.

--� C'est donc bien bon, demanda-t-elle ce que vous mangez l�?

--Go�tez, madame, dit le po�te en faisant les honneurs de son cornet de
pommes de terre frites avec une gr�ce supr�me. �

Et il les amusa si bien par ce r�gal inattendu et par sa conversation
qu'elles seraient rest�es l� jusqu'� la fin du monde.

Quelques jours plus tard, la duchesse rencontrant Baudelaire dans le
salon d'une vieille parente � elle, lui demanda si elle n'aurait pas
l'occasion de manger encore des pommes de terre frites.

--� Non, madame, r�pondit finement le po�te, car elles sont, en effet,
tr�s bonnes, mais seulement la premi�re fois qu'on en mange. �

Cette petite anecdote racont�e par les historiens du po�te est devenue
classique; mais nous n'avons pu r�sister au plaisir de la r�p�ter ici.

Baudelaire, plus ou moins pauvre, car la fortune laiss�e par son p�re
avait �t� d�vor�e rapidement, fut toujours plein de d�licatesse et dou�
de cet esprit de finesse fait de belle humeur et d'ironie souriante.
Cependant ses embarras d'argent devenus chroniques, aussi bien que son
�tat maladif, rendirent lamentables les derni�res ann�es du po�te.
Frapp� de paralysie g�n�rale, ayant perdu la m�moire des mots, apr�s
une longue agonie, il s'�teignit � quarante-six ans. Sa m�re et son ami
Charles Asselineau �taient � son chevet. Ses oeuvres lui ont surv�cu,
mais la place d'honneur qu'il m�ritait par son g�nie parmi les
romantiques ne lui fut vraiment accord�e qu'� l'aube de ce si�cle. On
l'avait tenu jusqu'alors pour un tr�s habile ciseleur de phrases, le
Benvenuto Cellini des vers, mais c'�tait presque un incompris, un
n�vros�.

Il commen�a, dit-on, par �tonner les sots, mais il devait �tonner bien
davantage les gens d'esprit en laissant � la post�rit� ce livre
immortel: _les Fleurs du Mal._


Henry FRICHET.




AU LECTEUR


La sottise, l'erreur, le p�ch�, la l�sine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 29th Mar 2025, 14:27