|
Main
- books.jibble.org
My Books
- IRC Hacks
Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare
External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd
|
books.jibble.org
Previous Page
| Next Page
Page 96
Un des palefreniers de la seigneurie, qui buvait dans un coin, se leva
insolent et agressif:
--Qui diable es-tu? demanda-t-il � Z�non. Quelque brigand qui s'ennuie
d'attendre la potence? L�che ce juif, dr�le!
--Qui je suis? r�pondit Z�non. Je suis celui que Dieu envoie pour
prot�ger les petits et pour traiter selon leur m�rite les chenapans de
ton esp�ce.
Parlant ainsi, Z�non souleva le palefrenier comme un sac et le jeta par
la fen�tre.
Cependant le juif s'�tait relev� avec peine en se frottant les genoux.
Il fit les excuses les plus plates et les plus ridicules, apporta la
pelisse de Patrowna et aida m�me celle-ci � l'endosser.
Cet incident produisit une vraie r�volution parmi les juifs de la
contr�e. Le bruit courut jusqu'en Pologne que le Messie �tait venu.
Au nord de Tcheremchow �tait situ�e, de l'autre c�t� d'une for�t
de sapins, certaine chapelle consacr�e � une vierge noire, image
miraculeuse qui attirait de nombreux p�lerins. Z�non, �tant all� y
entendre la messe, fut r�volt� de voir, apr�s l'office, les paysans se
presser autour de l'autel pour offrir, en m�me temps que des mains, des
pieds, des maisons, des bestiaux, taill�s en bois, en cire ou en mie
de pain, beaucoup d'argent, de miel, de lait, d'oeufs, de fruits, de
volailles et autres denr�es que les P�res, pr�pos�s au service de la
chapelle, ne se faisaient aucun scrupule d'accepter au nom de leur
patronne. Une sainte col�re s'empara de Z�non � la vue de cette
profanation d'un lieu de pri�re. S'�lan�ant sur les marches de l'autel:
--Croyez-vous, dit-il aux paysans, croyez-vous, pauvres fous, pouvoir
s�duire le Ciel par des pr�sents? Et vous, imposteurs, ajouta-t-il en
s'adressant aux moines, pensez-vous qu'il soit chr�tien d'entretenir
l'aveuglement de ce peuple stupide et d'en profiter?...
--Que veut-il? arr�tez le sacril�ge, arr�tez le poss�d�! criait-on de
toutes parts.
--C'est vous, r�pondit Z�non, c'est vous seuls qui �tes poss�d�s du
diable. Dieu me permettra de purifier son temple.
Renversant les pr�sents, il les foula aux pieds, p�le-m�le, puis il
d�tacha sa ceinture de cuir et, servi par son agilit�, par sa force
hercul�enne, par le z�le qui le transportait, il eut vite dispers� la
foule � grands coups de cette lani�re vengeresse.
Le soir m�me, Z�non �crivit � son p�re une premi�re lettre. La lettre
�tait r�dig�e en fran�ais sur un chiffon de papier que lui procura
l'obligeante Azaria; elle fut remise � un boucher juif, qui se rendait �
Ostrowitz. La menace d'une vol�e de coups de b�ton en cas d'inexactitude
fit au juif le m�me effet que la promesse d'un pourboire, et la missive
de Z�non arriva heureusement � Pan Mirolawski. Elle �tait ainsi con�ue:
�P�re ch�ri, je me trouve bien o� je suis, car je travaille comme un
paysan, et j'ai d�j� eu l'occasion de rosser un juif, un valet et nombre
de faux d�vots. Je gagne de bonnes journ�es; le pain bis me para�t plus
savoureux que vos p�t�s de Strasbourg. Que Dieu vous prot�ge! Je vous
baise les mains.
�Votre fils respectueux et affectionn�,
�Z�NON.�
Pan Mirolawski r�pondit par le m�me boucher, qui fut exact encore, bien
que cette fois il e�t re�u un large pourboire:
�Mon unique Z�non, un mot seulement, tant j'ai peur que ta m�re ne me
surprenne en train de t'�crire. Tu es bien portant, Dieu soit lou�!
Continue de vivre � ta guise en faisant le bien, en redressant les
torts. Ne nous m�nage pas, nous autres seigneurs. Si un danger te
menace, d�p�che-moi vite un messager � cheval. Je t'embrasse mille fois.
�Ton p�re, qui se passe si difficilement de ta ch�re pr�sence.�
Il ne s'�coulait pas une seule journ�e sans que Z�non s'�cart�t du
village pour aller dans la for�t prochaine se livrer � ses m�ditations,
qui �taient d'un ordre assez �trange. Tout un monde, riche en
merveilles, �tait en train d'�clore dans son �me. Il lui manquait encore
la lumi�re; mais il sentait sa force et comptait bien p�n�trer t�t ou
tard les brouillards qui lui cachaient le soleil �ternel. Un jour qu'il
r�vait, �tendu sur la mousse, dans sa retraite silencieuse, il d�couvrit
une fourmili�re �norme, dont il se mit � contempler les moeurs. D'abord
il n'avait vu qu'un tas d'aiguilles de sapin, de feuilles mortes, de
brins de bois et de menus cailloux, qui s'�levait � trois pieds environ
au-dessus du sol et o� couraient diligentes, de �� de l�, des bestioles
innombrables; mais il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour d�couvrir
dans cette construction baroque un arrangement fort sage, dans ce
tourbillon confus un projet r�fl�chi. Il vit une petite ville, une
r�publique parfaitement organis�e. Le g�te, ext�rieurement si simple,
�tait � l'int�rieur divis� selon les besoins des habitants, qui
eux-m�mes formaient des classes diverses o� l'�galit� semblait r�gner
sous le rapport du logement et de la nourriture, mais o� chacun avait
ses devoirs, ses travaux particuliers. Cette petite merveille l'attirant
de plus en plus, il remarqua que certaines fourmis s'occupaient
exclusivement de la garde des plus jeunes membres de leur soci�t�, les
poussant au soleil, les ramenant bien vite dans les profondeurs abrit�es
quand la pluie commen�ait � tomber. Il constata que d'autres fourmis
veillaient aux portes de la ville et que, la nuit venue, elles fermaient
ces portes avec soin; il suivit les ouvriers dans leurs travaux: des
milliers de petits personnages aventureux s'en allaient chasser et
rapportaient, en unissant leurs efforts, des victimes d'une taille bien
sup�rieure � la leur. Quel habile am�nagement de garde-manger! Avec quel
soin �taient rang�s les vivres et choisis les mat�riaux de construction!
Il lui arriva de surprendre une fourmi de la classe des ouvri�res en
pr�sence d'un petit brin de bois qui devait repr�senter pour elle une
poutre: elle l'examinait minutieusement de tous c�t�s; d�sesp�rant
de r�ussir seule � l'�branler, elle s'�loigna en toute h�te. Chemin
faisant, elle rencontra deux autres fourmis, et imm�diatement les fines
cr�atures se livr�rent � un entretien tr�s-vif, en s'aidant pour cela
de leurs longues antennes. Toutes trois de courir en diff�rentes
directions; il ne leur fallut pas beaucoup de temps pour rassembler
une vingtaine de leurs pareilles autour de la poutre. Z�non admira
la constance avec laquelle la bande active et r�solue cherchait �
transporter sa conqu�te, en s'y prenant chaque fois d'une fa�on
nouvelle. Enfin les messagers ayant fait leur devoir, une colonne de
cent individus environ accomplit l'oeuvre difficile avec une c�l�rit�
surprenante. Cependant deux autres fourmis, se rencontrant, s'arr�taient
et se livraient � un dialogue �videmment oiseux, car il ne produisait
rien.
Previous Page
| Next Page
|
|