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Page 95
Bient�t la vieille Patrowna reprit:
--Il y a quelque part un tr�sor enfoui; si je pouvais le d�terrer!...
--Sorci�re, dit d'un ton railleur l'un des voisins de Mamelyk, tu
ferais mieux de d�gager ta pelisse qui est entre les mains du juif.
Tu grelottes, ma parole! J'avais toujours cru que les sorci�res ne
sentaient pas le froid, les jet�t-on dans l'eau.
--J'ai d�j� report� l'argent l'autre jour, r�pondit Patrowna, mais
il pla�t au juif de ne plus se souvenir de notre march�; puisque le
seigneur le prot�ge, que peut faire contre lui une pauvre vieille?
--Nous verrons bien! s'�cria Z�non avec �nergie.
Cette fois, il n'y eut personne qui ne le regard�t, stup�fait.
--P�re, dit Azaria, s'adressant � Mamelyk, il nous faudrait de la pluie!
--Aussi notre cur� doit-il faire une procession pour qu'il en tombe,
r�pliqua gravement le p�re.
--A quoi bon? interrompit Z�non; Dieu gouverne le monde selon des lois
immuables, les lois de la nature.
Et soudain, ce ne fut plus le simple cultivateur qui parla, mais le
savant, qui, pour expliquer � ses auditeurs �merveill�s l'origine de la
pluie, de l'orage et de la gr�le, donnait une forme simple et claire aux
v�rit�s qu'il enseignait. Pendant que Z�non parlait ainsi, le docteur
Len�tre sortit de la cabane et se mit � �couter avec les autres.
--Bien, jeune homme, tr�s-bien! dit-il en lui tendant la main. Qui donc,
ajouta-t-il, a pu vous apprendre toutes ces choses? Pl�t � Dieu que vous
eussiez beaucoup de pareils parmi le peuple!
--Il sait bien lire, dit Azaria, non sans une certaine complaisance.
--Prenez donc tous exemple sur lui, fit le m�decin. T�chez d'apprendre,
vous aussi. Vous verrez dans l'histoire que Piast, qui n'�tait qu'un
simple paysan, m�rita de devenir roi. J'esp�re vous revoir, jeune homme.
Ayant adress� ce dernier salut � Z�non, M. Len�tre remonta en voiture.
C'�tait un homme de bien, anim� de ce pur enthousiasme pour les libres
institutions et pour l'humanit� qui semble �tre particulier � ceux de sa
nation.
--Eh bien! dit Patrowna apr�s qu'ils eurent tous regard� la voiture
s'�loigner, puisque vous savez tant de choses, ami Paschal, quand
aurons-nous de la pluie?
--Demain, r�pondit Z�non, car le vent souffle du sud, et je vois au loin
monter des brumes.
Comme il plut en effet le lendemain matin, le savoir de Z�non fut
reconnu par tous les campagnards, et l'autorit� de l'�tranger grandit
encore d�s le dimanche suivant, o� il eut l'occasion de faire preuve de
force physique, apr�s avoir montr� d�j� sa clairvoyance.
En se rendant � l'�glise, il passa, en compagnie de la vieille Patrowna,
chez le cabaretier juif qui retenait en gage la pelisse de cette
derni�re.
--Voici ton argent, lui dit-il, rends le manteau.
--Le manteau? glapit le fripon; quel manteau? Je ne sais ce que vous
voulez dire.
--Le rendras-tu sur-le-champ?
--J'ai � servir mes h�tes, r�pondit le juif en versant de l'eau-de-vie
aux paysans qui remplissaient le cabaret, et je n'ai nulle envie de
plaisanter.
D�j� Z�non l'avait saisi par sa barbe rousse et secou� de la belle
mani�re. Le juif cria, la table fut renvers�e, l'eau-de-vie se r�pandit
� flots sur le plancher.
--Dis, veux-tu restituer le bien des pauvres? r�p�tait Z�non.
--Je le veux bien, je le veux bien! g�mit le mis�rable.
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