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Page 9
--Je m'envelopperai dans mes esp�rances.
--Qu'esp�rez vous donc?
--Une place pour ne pas mourir de faim.
--Oui, dans l'avenir, mais tout de suite?
Maryan baissa les yeux en souriant.
--Que voulez-vous? un pauvre diable de ma sorte doit se contenter du
pain quotidien.
--Vous m'avez paru cependant � table aimer assez les sucreries?
--Elles ne sont pas faites pour moi; il y a tant de choses plus douces
auxquelles je ne puis aspirer!
--C'est que vous manquez de courage.
--Le courage risque parfois de ressembler � de l'insolence.
--Votre langage est celui d'un homme d'honneur, mais si je vous
disais...
Elle avait �teint la lumi�re, et Maryan sentit deux l�vres br�lantes
contre les siennes, dans ses bras un corps fr�missant.
Warwara sortit de la chambre de Maryan, en marchant avec pr�caution sur
la pointe des pieds.
Arriv�e devant sa propre chambre, elle respira, d�posa sur le seuil la
chandelle �teinte qu'elle tenait et descendit dans la cour pour demander
des allumettes au juif. Comme il faisait nuit, elle n'avan�ait qu'�
t�tons. Dans toutes les voitures ronflaient des nez invisibles, formant
un concert �trange qui rappelait un peu l'ouverture du _Tannhauser_.
Tout � coup, un petit cercle de feu illumina le visage bouffi et la
brillante perruque noire du baron. Warwara put remarquer que ce vieux
dr�le se penchait tant�t sur un pied, tant�t sur l'autre pour regarder
dans les voitures transform�es en dortoirs, quand il ne s'accroupissait
pas pour surprendre par les fen�tres basses, �clair�es au dedans, les
secrets de toilette d'une Suzanne quelconque.
--Monsieur le baron, dit-elle tout haut, je vous prierai de me donner de
la lumi�re.
--Comment! vous ici, mademoiselle!... Je vous croyais endormie.
--Il a, pensa Warwara, d�j� regard� par ma fen�tre.
Le baron tira son briquet de sa poche et lui remit ce qu'elle demandait.
--Cela vous suffit?
--Tout � fait.
--Alors, je peux baiser aussi la petite main?...
--Toutes les deux si vous voulez.
Il la regarda s'�loigner.
--Quelle charmante cr�ature! Et elle pourrait embellir ma vie... Si ce
freluquet n'�tait pas ici! Il ne semble pas lui d�plaire, quoiqu'il
n'ait pas le sou! Ces petites personnes-l� pourtant aiment les belles
robes, les pelisses de fourrure, les diamants...
La m�ditation du baron fut interrompue par la lumi�re qui brilla soudain
� la fen�tre de Warwara, dont on avait n�glig�, non sans intention
peut-�tre, de fermer les rideaux. L'artificieuse fille posa son miroir
� c�t� de la chandelle, sur une petite table, et proc�da lentement �
se d�shabiller, d�nouant d'abord ses lourds cheveux et y promenant ses
doigts avec complaisance, puis d�tachant sa robe, qu'elle posa sur une
chaise; apr�s quoi, elle fit voir par le mouvement le plus naturel ses
�paules virginales et se mit � tresser l�g�rement les ondes d'or qui
avaient envelopp� jusque-l� sa poitrine. Bromirski suivait tous ses
mouvements, et il sentait se serrer de plus en plus les cordes qui le
liaient pour jamais.
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