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Page 88
Il se tut, et dans le lointain retentit de nouveau la chanson:
--O toi, ma ch�re �toile,--suspendue � la tente obscure du ciel,--tu
luisais si pure,--lorsque, pour la premi�re fois, je contemplai
la vie.--D�s longtemps tu t'es �teinte,--tous mes efforts sont
vains.--Il faut que sans toi je parcoure le vaste monde.
Basile Hymen inclina tristement la t�te.
--Et maintenant, je suis heureux en effet, pronon�a-t-il apr�s une
pause, avec son �trange sourire.
--Heureux?... Dites-vous vrai? m'�criai-je.
--Eh! vous voyez, j'engraisse, je suis devenu flegmatique,
r�pondit-il,--une fine ironie se jouant autour de ses l�vres,--rien ne
peut troubler mon humeur. A d�faut d'autres biens, je jouis d'une paix
profonde; nul ne peut m'�ter cela. D�j� les propri�taires se sont
succ�d� dans ma vieille seigneurie. Le fils de l'Allemand a voulu
jouer au gentilhomme; il s'est ruin� en trois ans. Que reste-t-il de
l'avarice, des rapines du p�re?
Le mieux, voyez-vous, est de n'avoir ni argent, ni emploi r�gulier. Tout
le monde m'accueille avec un empressement sinc�re, car je rends service
� tout le monde. Je m'entends en droit judiciaire, en �conomie rurale,
quelque peu m�me en m�decine; je ne raconte pas mal; je r�chauffe les
coeurs en chantant nos vieilles chansons. Plaisirs et privations,
j'accepte tout avec la m�me tranquillit�. Hier, une comtesse m'invite;
je suis assis en face d'elle dans un bon fauteuil de velours, devant des
mets d�licats; elle m'emm�ne en voiture jusqu'� la capitale du cercle o�
nous avons affaire. Demain, je d�ne chez le diacre d'un peu de lard,
et je fais avec lui quatre milles � pied. Que m'importe! Peut-�tre
direz-vous que ce sont l� des phrases?
Devant Dieu qui m'entend, je pourrais �tre riche aujourd'hui si je
voulais. Un vieux parent qui me reste a dans la Bukowine une jolie terre
dont je suis le seul h�ritier l�gitime. Il m'a maintes fois appel�
aupr�s de lui pour surveiller l'administration de ses propri�t�s, en
attendant qu'elles m'appartiennent. A quoi bon? Luba ni Paul ne sont
plus. Quelle id�e d'aller prendre la charge de mille soucis: crainte de
l'incendie, crainte de la gr�le, crainte des maraudeurs, crainte des
maladies sur le b�tail, des inondations, que sais-je?... Tel que je
suis, je ne crains rien.
L'orage avait cess�; le rideau de pluie devenait de plus en plus
transparent; le soleil couchant brillait derri�re comme une grosse
lampe. Les paysans s'entretenaient tout bas. Je m'approchai de Basile
Hymen, debout sur le seuil de la maison.
--Vous craignez la propri�t�? lui dis-je en souriant; pourtant vous
poss�dez des habits.
--Non, r�pondit-il, cet habit appartient au tailleur du village, ces
bottes sont � la belle Russine. Il en est de m�me de tout ce qui est sur
moi.
--Ainsi, vraiment, vous n'avez rien en propre, rien?...
--Si fait, dit Basile en promenant autour de lui un regard furtif, comme
s'il e�t craint qu'on ne lui d�rob�t un tr�sor.
Il tira de son sein une petite croix noire et un soulier d'enfant tout
d�chir�:
--Voici ma propri�t�, je l'ai conserv�e jusqu'� ce jour, et j'esp�re que
Dieu permettra qu'elle me suive dans le tombeau. Ma femme a port� la
croix.
Il baisa cette croix et ensuite le petit soulier, puis cacha le tout
avec des pr�cautions infinies; on e�t dit qu'il s'agissait d'un grand et
dangereux secret.
La pluie ne tombait plus; je sortis avec lui. Un arc-en-ciel magnifique
vint r�jouir la terre, qui fumait comme un autel � sacrifice.
--H�las! dit Hymen avec un sourire enfantin, que tout serait beau si
les hommes savaient �tre justes, s'ils s'entr'aidaient au lieu de
s'entre-d�truire, si au lieu du combat il y avait l'amour! Mais nous ne
les changerons pas.
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