Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


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Page 86

�--Papa, n'est-ce pas, tu apportes du pain?

�Tout gentilhomme que je fusse, je ne craignis pas de faire les plus
vils m�tiers: il s'agissait de nourrir les miens; cela ennoblissait
tout... Mais aucune de mes entreprises n'aboutit. Lorsque je me d�cidai
� porter les morts, faute de mieux, les �pid�mies firent tr�ve dans le
pays, personne ne voulut plus mourir; il en �tait ainsi pour tout.

�Luba devint p�le et se fl�trit: le chagrin, la honte lui brisaient le
coeur; de sa part, du reste, jamais une plainte. Quand j'entrais, elle
volait dans mes bras comme autrefois, en plaisantant et en riant,--oui,
du m�me bon rire. J'oubliais alors tous mes soucis et je me reprenais �
esp�rer.

�Un soir j'apportai tout juste assez de pain pour Paul. Luba et moi nous
avions faim, mais nous n'y songions ni l'un ni l'autre, trop heureux de
voir le cher petit monter gravement sur son escabeau pour prendre ce
ch�tif repas. Tout � coup, Paul se leva, et s'approchant de moi:

�--Papa, dit-il, je veux que tu manges aussi!

�Et ses petits doigts d�tachaient quelques miettes qu'il me glissa de
force dans la bouche:

�--Toi aussi, maman!

�Luba dut mordre � son pain.

�--Qu'il est bon! me dit tout bas ma femme, il te ressemble.

�--Mon Dieu! que dis-tu l�? r�pondis-je, il a ton coeur et ton rire; il
a tout de toi, tout.

�Et Paul, qui nous �coutait, �clata de rire, et Luba se joignit � lui,
tandis que de grosses larmes descendaient sur mes joues.

�Je r�vai bien de retourner dans notre d�sert, mais la saison �tait trop
avanc�e; la neige avait �difi� ses blancs remparts; il fallait attendre
le printemps pour l'ex�cution de ce projet. Et quand le printemps
vint...

�H�las! l'homme est sur terre comme une bulle sur l'onde. Figurez-vous
un mis�rable r�duit o� tout manque, o� l'eau g�le dans la cruche, o�
une femme se meurt, sans m�decin, sans rem�des. Minuit allait sonner,
lorsque Luba se dressa tout � coup, rejeta en arri�re ses cheveux
d�nou�s, me regarda de ses beaux yeux noirs qui brillaient d'une flamme
surnaturelle et pronon�a tout bas:

�--Paul!...

�--Il dort, r�pondis-je.

�Elle r�fl�chit une seconde, puis reprit timidement:

�--J'aurais voulu l'embrasser encore une fois, je ne me sens pas bien.

�Je lui apportai l'enfant; elle le baisa, le contempla, le baisa de
nouveau, puis je le remis, dormant toujours, sur son petit grabat.

�--Pourquoi fait-il si clair? demanda Luba, les paupi�res largement
ouvertes. Cet �clat m'aveugle.

�Je me jetai � genoux devant son lit, pleurant, priant, en proie � une
terreur indicible.

�--Basile, cher, me dit-elle en se penchant vers moi et m'entourant de
ses bras qui br�laient de fi�vre, n'aie donc pas peur; tu vois bien, je
suis contente, je me sens heureuse, si heureuse... mais ne pleure donc
pas.

�Et elle se remit � rire faiblement, d'un rire si doux et si tendre que
je n'en avais pas entendu de pareil depuis le jour de nos noces. C'�tait
l'alouette qui s'�l�ve dans le ciel. Avec ce rire sur les l�vres elle
mourut.


VIII

�Si mon Juif, presque � bout de ressources lui-m�me, n'y avait pourvu,
je n'aurais pu faire enterrer ma femme. Salomon garda l'enfant chez lui
jusqu'� ce que f�t achev�e la triste c�r�monie. Lorsque Paul revint, il
me demanda d'abord:

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 26th Dec 2025, 18:19