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Page 85
� Paul voyait le bon Dieu partout, dans le glorieux �clat du jour, et
sous la tente nocturne sem�e d'�toiles. Un jour il me dit:
�--De quoi donc a-t-il l'air, le bon Dieu?
�Je dus lui dire pour le contenter qu'il avait un long manteau blanc,
des cheveux blancs et une belle grande barbe.
�Aux premiers jours de l'�t�, Paul, qui jouait dehors, rentra
pr�cipitamment dans la caverne o� je fendais du bois, en criant tout
�mu:
�--Papa! papa! le bon Dieu est venu!
�Je laissai tomber ma hache.
�--O� est-il? demandai-je � mon tour; � quoi ressemble-t-il?
�--Il a un grand manteau, r�pliqua Paul avec assurance, et des cheveux
blancs et une grande barbe blanche, et il m'a pris dans ses bras pour
m'embrasser, et il a pleur�.
�Je sortis, et sur le seuil je rencontrai en effet, drap� dans son
caftan, mon vieil ami Salomon Zanderer, le Juif.
�Les bergers que j'avais accueillis s'�taient empress�s de raconter aux
veill�es d'hiver la l�gende de l'homme sauvage qui avait pass� deux
ann�es dans une caverne de montagne avec sa femme et son enfant. Le
bruit de notre �trange existence se r�pandit et arriva enfin chez mon
fid�le _faktor_, qui devina bien vite qu'il s'agissait de nous et qui se
mit en route pour nous chercher. Salomon s'�tait jet� � mes pieds; je
l'embrassai avec tendresse. Tous les deux nous pleurions. Alors accourut
Luba. Le jour et la nuit se pass�rent en causeries interminables.
�Salomon nous persuada de redescendre dans la plaine. Personne,
pr�tendait-il, ne songeait � me poursuivre. En notre absence la
r�volution et le chol�ra avaient boulevers�, ravag� la Gallicie, qui
fut, en 1831, le th��tre de d�sordres si nombreux que personne ne
songeait � les punir. On aurait eu trop � faire. Mon aventure avait �t�
effac�e par la tourmente.
�Nous retourn�mes donc � Kolomea conduits par notre digne _faktor_,
qui me pr�ta les premiers fonds n�cessaires pour le m�tier
d'entremetteur,--entremetteur entre les seigneurs et les Juifs; je me
chargeais de la vente du b�tail et des chevaux, des terres et du bl�...
Mais faut-il vraiment que je vous dise la fin? Le seul souvenir de
certaines �preuves fait horreur... En parler est presque impossible.
Voyez-vous, le temps ne nous apprend pas seulement � souffrir; il nous
enseigne aussi � souffrir en silence...�
Nous n'os�mes insister, mais Basile Hymen vit bien, � l'expression de
nos visages, que nous �tions curieux de savoir le reste. Il reprit donc
avec un soupir:
�--D'abord, tout alla bien, je pus rendre � mon Juif ce que je lui
devais, mais j'�tais trop honn�te... on n'aime pas pour entremetteur en
affaires un trop honn�te homme, il n'y a pas moyen de gagner assez par
son interm�diaire.
�Un jour il m'arriva de passer dans le voisinage de mon ancienne
seigneurie. Je m'en approchai furtivement, � la faveur des t�n�bres,
comme un voleur. Une maison neuve s'�levait � la place de celle que
j'avais fait sauter, tout �tait chang�, je ne retrouvai que le vieux
pommier et je l'embrassai comme un ami. Ah! quelle amertume de voir
r�gner des �trangers l� o� ont v�cu et sont morts nos anc�tres, l� o�
nous avions nous-m�mes r�v� de vieillir en paix! Le nouveau propri�taire
�tait Allemand; il avait �t� mandataire[14] d'un comte polonais; il
avait vol� son ma�tre, maltrait� ses paysans et th�sauris� en se privant
de tout, ce qui lui avait permis � la fin d'�tre propri�taire � son
tour.
[Note 14: Intendant.]
�Moi j'�tais enguignonn�. Le proverbe dit vrai: L'adversit� tient ferme
par les pieds et les mains celui qu'elle a une fois saisi.
�Ne pouvant rien faire comme entremetteur, j'essayai moi-m�me du trafic
des chevaux; on me payait mal et j'avais � payer exactement; je fus
dup� par les uns, harcel� par les autres jusqu'� la saisie, jusqu'� la
prison... Oui, j'allai une fois en prison pour dettes. Chez nous on
avait faim et la parole ne peut rendre ce qui se passait en moi lorsque
mon enfant, un rayon de ga�t� dans ses yeux bleus, accourait � ma
rencontre, criant:
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