Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


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Page 82

�La monotonie des longues nuits fut, d�s le mois de d�cembre, troubl�e
par le hurlement d'abord lointain, puis plus rapproch�, f�roce,
�pouvantable, d'une meute de loups. La s�r�nade ne nous charma qu'�
demi, d'autant que les b�tes sanguinaires, flairant notre pr�sence, se
mirent � miner de leur mieux l'entr�e de notre demeure. Mon chien devint
inquiet et poussa des cris �tranges. Nous avions allum� des torches, ce
qui ailleurs suffit � disperser les loups, mais dans le cas pr�sent tout
fut inutile; ils continuaient de hurler, de gratter, indiff�rents au
bruit et � la lumi�re. D�j� une paire d'yeux avides brillaient entre les
troncs d'arbres et les pierres entass�s. Je d�crochai donc nos fusils et
dis � Luba:

�--Je tire; toi, charge.

�Puis, pratiquant une sorte de meurtri�re dans la barricade, je regardai
dehors. La lune projetait sur toute la campagne une lumi�re presque
aussi claire que celle du jour. Je pouvais compter les loups. Je tirai
sur l'un d'eux.

�Les rochers r�percut�rent l'�cho, et le loup roula dans le foss�. Je
continuai de tirer, atteignant presque toujours nos farouches agresseurs
qui s'excitaient par des hurlements de plus en plus furieux. Tout � coup
Luba eut l'id�e de lancer un tison parmi eux. Ils s'�cart�rent, et l'une
des b�tes s'enfuit dans la for�t. C'�tait justement la louve que suivait
toute cette meute endiabl�e, car aussit�t les autres s'�lanc�rent
derri�re elle, courant comme des chiens, avec un petit aboiement court
tr�s-particulier. Nous rest�mes encore longtemps derri�re la barricade,
pr�ts au combat; puis je sortis avec pr�caution; mon chien m'avait
pr�c�d�, mais soudain j'entendis un cri terrible, et la pauvre b�te
revint les yeux brillants comme du phosphore, le museau inond� de sang.
Un des loups bless�s l'avait mordu sans doute. Apr�s le renard, le chien
est ce que le loup hait le plus, justement peut-�tre � cause de sa
proche parent� avec lui, comme, par exemple, le Russe et le Polonais
se ha�ssent entre eux plus que ne le feraient des nations tout � fait
�trang�res. Les loups avaient laiss�, � notre porte, sept magnifiques
fourrures; le danger �tant pass�, il n'y avait pas � se plaindre.

�Cependant les jours diminuaient de plus en plus. Les becs-crois�s
s'appr�taient � couver au milieu des glaces; sur un sapin pr�s de notre
g�te, ces oiseaux bizarres avaient b�ti leur joli nid en forme de coupe.
Dans une caverne moussue proche de notre maison, une autre citoyenne du
d�sert jouit presque en m�me temps que dame bec-crois� des plaisirs de
la maternit�; c'�tait une jeune ourse dont les deux petits, vraiment
comiques, roulaient comme deux manchons. Tout occup�e du soin de sa
prog�niture, la m�re ne pensait pas � m'attaquer lorsque je passais
devant sa tani�re et se contentait de me regarder d'un bon petit oeil en
coulisse.

�La f�te de No�l approchait, nous observ�mes le je�ne selon notre
habitude. Lorsque commen�a la sainte nuit, nous �tions pr�s du feu dans
nos habits les plus propres; j'avais construit une petite cr�che pour ne
rien changer aux coutumes famili�res de ce beau jour; nous chant�mes
les kalendi[12] et Luba eut son cadeau de No�l, un berceau que j'avais
taill� de mes mains. Alors elle me fit voir, � son tour, la pauvre
petite layette qu'elle avait cousue, en utilisant son propre linge, pour
l'enfant que nous attendions. Lorsque je pensai que minuit approchait,
nous sort�mes au grand air. La neige couronnait solennellement les
hautes cimes d'une chaste aur�ole argent�e; elle rev�tait les arbres de
brillantes stalactites; sur la blanche plaine apparaissaient �� et l�
de petites lumi�res, et un vague bruit de cloches montait jusqu'� nous,
annon�ant la bonne nouvelle de la naissance du Seigneur aux hommes qui,
entour�s de leurs enfants, c�l�braient en bas, l� o� brillaient les
lumi�res, l� o� tintaient les cloches, la f�te de No�l.

[Note 12: No�ls.]

�Les larmes nous suffoqu�rent, et nous nous agenouill�mes pour prier
avec nos fr�res. En rentrant, Luba me servit un simple repas, qui fut
aussi gai que tout autre r�veillon.

�Notre enfant vint au monde � deux mois de l�, pauvre comme le petit
J�sus. Luba avait jusqu'au dernier moment vaqu� � ses occupations
ordinaires; le 20 f�vrier, tout en pr�parant le d�ner, elle me dit, un
peu p�le, mais toujours souriante:

�--Descends vite chercher du bois.

�Quand je revins, apr�s avoir fendu quelques b�ches, l'enfant �tait n�.
Luba m'avoua qu'elle se sentait faible, mais elle rayonnait de bonheur
et rit d'un air fier en me montrant mon fils; je me mis � rire aussi,
et le chien, remuant la queue, semblait prendre part � notre joie. Luba
baigna son fils elle-m�me. Elle ne garda pas plus le lit que ne le font
nos paysannes. Comme il n'y avait pas de pr�tre chez nous, je baptisai
mon petit Paul au nom du P�re, du Fils et du Saint-Esprit.

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 26th Dec 2025, 9:42