Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


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Page 80

�--Ma ch�rie, lui r�pondis-je, remercions Dieu, en effet, qui a
construit aux pauvres fugitifs une arche tout pr�s de son ciel; tu peux
te reposer, nous resterons ici.

�Ma femme me sauta au cou; nous �tions encore heureux en ce moment.

�--Ici, continuai-je, nous serons en s�ret�, il y a au moins un si�cle
que le pied de l'homme n'a foul� ce sol.

�--Comment le sais-tu? demanda Luba.

�--Parce qu'aucun sentier ne se laisse deviner et surtout parce qu'il
ne cro�t de plantain nulle part; le plantain pousse sous les pas de
l'homme, il dispara�t l� o� l'homme ne se fait plus voir.

�J'allumai du feu dans la chambre de l'�tage sup�rieur, et la fum�e
sortit � souhait par une ouverture du plafond, puis je fis un lit de
feuilles et de mousse; je remplis d'eau nos bouteilles de campagne, et,
ayant conduit ma femme dans sa nouvelle demeure, je bourrai la fen�tre
de mousse, je barricadai toutes les issues avec des pierres apport�es
d'en bas � grand'peine, apr�s quoi je partis en qu�te de notre souper.
La nuit tomba sans que la for�t m'e�t offert aucun gibier; il fallut
nous contenter de poires sauvages que Luba fit cuire dans la cendre.
Ayant mang� tant bien que mal, nous nous �tend�mes sur le lit que
j'avais fabriqu�, sous nos �paisses fourrures; j'avais pos� mon fusil
pr�s de ma t�te, les pistolets � mes c�t�s, � nos pieds dormait le
chien-loup. Pour la premi�re fois depuis notre fuite, nous sentions
au-dessus de nous un autre toit que celui du ciel. Longtemps j'entendis
bruire la for�t, longtemps j'aper�us par la crevasse du plafond les
�toiles paisibles.


VI

�Le lendemain je m'�veillai de bonne heure, pris ma carnassi�re, jetai
encore un regard sur Luba qui dormait vermeille, les bras crois�s
sous la nuque et les l�vres entr'ouvertes, ce qui montrait ses dents
blanches: puis, sifflant tout bas mon chien, je partis pour la chasse.
Mais pendant la nuit Dieu avait b�ti autour de nous un second palais
dont les murs gris s'�levaient jusqu'au ciel; devant moi tourbillonnait
une �paisse fum�e semblable � celle d'un incendie de for�t. Ma�tre
renard rentrait de quelque �quip�e nocturne; je ne fis qu'entrevoir ses
oreilles, puis il se glissa dans le foss� qui entourait notre refuge.
Bient�t cependant le brouillard rougissant tomba peu � peu; un vent vif
s'�tait lev�; des voiles se d�tachaient de chaque rocher, de chaque
sapin; sous le r�seau de la gel�e blanche brillaient les buissons et les
fleurs. Je traversai le ravin qui s�parait notre montagne de la for�t et
n'eus pas de peine � atteindre une clairi�re form�e par la temp�te. On
e�t dit un abatage r�gulier, sauf que les troncs �taient � demi pourris
et couverts de champignons v�n�neux entrem�l�s d'une flore �blouissante.
De tels endroits sont aim�s des chevreuils, qui viennent y pa�tre apr�s
le lever et le coucher du soleil. Je me posai donc en embuscade derri�re
un h�tre.

�Un pic aux couleurs cramoisie, blanche et noire voltigeait de tronc en
tronc, frappant chacun d'eux de son bec pointu; d'ailleurs, le silence
�tait complet. Mes pr�visions ne m'avaient pas tromp�: un beau chevreuil
entra lentement dans la clairi�re; lorsqu'il fut � vingt pas de moi je
tirai, et il tomba dans l'herbe; avec un cri aigu, le pic s'envola.
Chemin faisant, sous les grands h�tres, je cueillis des champignons
blancs dont je remplis mon carnier, et tout ce riche butin fut d�pos�
aux pieds de Luba encore endormie. A mon approche, elle ne fit pas un
mouvement; elle ouvrit les yeux et sourit:

�--Nous voici, dit-elle, pourvus pour une semaine enti�re.

�Ayant vaqu� d'abord � l'essentiel, j'am�nageai notre maison. J'y
construisis, avec des quartiers de roc, un �tre ouvert comme ceux de nos
paysans, juste au-dessous de la crevasse du plafond; un gen�vrier �tay�
de deux pierres nous servit de tournebroche; je fortifiai contre les
invasions des b�tes fauves ceux des compartiments du rocher qui devaient
nous servir de garde-manger; il n'y avait du reste qu'une seule issue �
d�fendre, les autres ayant �t� obstru�es d�j� par des �croulements. Luba
voulait m'aider � transporter les pierres d'en bas.

�--Que fais-tu? m'�criai-je; pense � la ch�re petite vie dont tu es
d�positaire!

�De grosses larmes coul�rent sur ses joues brunes.

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 26th Dec 2025, 5:16