Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


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Page 79

�Apr�s nous �tre d�salt�r�s, nous mont�mes sur la hauteur o� se
dessinait le curieux monument que nous avions pris pour un ch�teau. Ce
n'�tait pas un ch�teau �lev� par la main des hommes, mais un de ces
rochers comme il n'est pas rare d'en rencontrer dans les Karpathes,
et dont les cavernes, les passages, les degr�s, d'une grandeur toute
architecturale, sont l'oeuvre de l'eau d�vastatrice qui a jadis creus�
ces masses calcaires. On pr�tend qu'elles ont servi de temples aux
pa�ens, que plus tard les asc�tes chr�tiens y abrit�rent leurs vertus;
ce qui est certain, c'est qu'au temps des invasions de Mongols et de
Tartares, de m�me qu'au temps des guerres contre les Turcs, elles ont
cach� bien des fugitifs et que de nos jours les brigands en ont fait
maintes fois leurs forteresses.

�Des contes fabuleux concernant ces antres ont cours parmi le peuple.
Celui-ci fut longtemps la prison d'une princesse retenue en otage; dans
celui-l�, des nymphes, v�tues de leurs cheveux noirs comme d'un manteau
de zibeline, entra�nent les jeunes gens et les font mourir sous leurs
caresses.

�C'�tait une de ces formations �tranges que le hasard nous pr�sentait.
Trois rochers, � l'arrangement desquels on e�t pu croire qu'une
pr�voyance humaine avait pr�sid�, formaient sur le plateau une
majestueuse demeure. L'un deux, du c�t� de l'ouest, �tait d�tach� des
deux autres qui sortaient, comme il arrive fr�quemment pour les arbres,
de la m�me racine; ils se s�paraient ensuite, puis �taient reli�s pr�s
de la cime par une sorte de pont. Le rocher du milieu �tait muni d'un
donjon naturel, tandis que son voisin, s'abaissant doucement vers l'est,
formait un escalier de g�ants. En tournant autour de ce myst�rieux
monument des forces primitives, nous d�couvr�mes huit entr�es
diff�rentes. Luba chercha du bois de sapin et pr�para des torches que
j'allumai pour descendre dans l'int�rieur. L� je trouvai quelques
cavernes et une enfilade d'ouvertures qui conduisaient � des galeries
encombr�es. Des ossements �pars de tous c�t�s indiquaient que les b�tes
fauves y avaient fait carnage. Pendant mes explorations, ma femme avait
tourn� le rocher du c�t� de l'est, o� il formait une sorte d'autel qui
avait bien pu servir de pierre � sacrifice. Du c�t� sud, une nouvelle
entr�e s'arrondissait en arc comme une porte d'�glise; � cette place, un
foss� large et profond d�fendait le rocher. Nous p�mes le franchir sur
un tronc de ch�ne �norme qui faisait office de passerelle.

�Tandis que Luba se reposait dans les hautes herbes, j'entrai, tenant
une torche d'une main, un pistolet de l'autre. Je me vis dans une grande
salle vo�t�e; une br�che me permit d'atteindre un autre compartiment
rempli de d�combres. J'allais rebrousser chemin, lorsque de larges
degr�s qui montaient m'apparurent; en faisant le signe de la croix, je
m'y engageai avec pr�caution. Au premier �tage, pour ainsi dire, de
ce labyrinthe, il y avait un r�duit qui recevait la lumi�re par deux
ouvertures � peine plus grandes que les meurtri�res d'un vieux ch�teau;
tout autour, des bancs de pierres garnissaient les parois. Une porte
�troite, deux marches encore, puis le pont de pierre a�rien qui, jet�
au-dessus du pr�cipice b�ant, conduisait au rocher du milieu. Sur le
second rocher, je trouvai une autre chambre presque semblable � la
premi�re, mais mieux a�r�e. J'atteignis enfin au plus haut sommet, au
donjon de ce palais qui dominait la contr�e sur une vaste �tendue. Mon
oeil, �bloui d'abord par le soleil, erra bient�t, enivr�, par-dessus les
for�ts bruissantes, jusqu'aux montagnes voisines avec leurs murailles de
granit verd�tre o� scintillaient mille cristaux de quartz dans la lueur
rose du soir. Au loin, vers l'ouest, un tapis diapr� semblait jet� au
milieu de la for�t; c'�tait sans doute la prairie florissante d'une
polonina[11], o� paissaient les vaches. Des corbeaux fendaient l'air
comme d'�tranges papillons noirs.

[Note 11: Pacage.]

�Plus loin se d�veloppait la ligne sublime des Karpathes, sombres et
nues au sommet, ceintes � la base d'une zone de for�ts bleues et de
quelques ravins �tincelants de neige. Le soleil se d�roba, le soir
commen�ait � tomber sur ces hauteurs et le froid augmentait d�j� pour
moi d'une mani�re sensible, tandis que des rayons dor�s ruisselaient
encore dans les vall�es, dessinant distinctement les moindres d�tails,
m�me par del� les promontoires bois�s, dans la plaine sans bornes comme
le ciel, un village, dont les fermes et les granges avaient l'air de
maisons de cartes; la rivi�re qui le traversait brillait comme un
serpent qui se chauffe au soleil. Lorsque je redescendis, Luba,
envelopp�e dans sa pelisse, me regardait en souriant; la pauvrette avait
froid.

�--Dieu soit lou�! dit-elle, te voici revenu. Allons-nous encore
marcher? Je suis si lasse!

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 26th Dec 2025, 2:58