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Page 71
�Luba, qui avait un morceau de pain dans sa poche, le partagea gaiement
avec moi, et nous nous ass�mes sur le seuil de la maison pour prendre
aussi notre repas. Au moment m�me arrivait, bride abattue, un cavalier;
quand la poussi�re, en tombant, me permit de distinguer ses traits, je
reconnus mon ami Urbanovitch, le m�me qui avait bu � nos noces dans le
soulier de Luba. Il n'avait pas mis pied � terre qu'une britska vint
d�poser devant la seigneurie un autre compagnon des jours heureux,
Jadezki; puis un troisi�me encore, Pan Gadomski, se glissa comme un
furet dans la maison. On aurait pu croire qu'ils s'�taient donn�
rendez-vous. L'�vangile le dit: �L� o� il y a un cadavre se rassemblent
les aigles.�
�Bient�t d'autres amis arriv�rent; ils auraient eu honte d'assister � la
vente et avaient, par cons�quent, attendu, r�unis au cabaret, la fin de
cette cruelle ex�cution; maintenant ils accouraient pour nous consoler
et nous donner des conseils; quant � nous aider, nul n'y songeait.
�L'indignation s'empara de moi. Comment, en effet, �tais-je tomb�
dans le malheur? Je n'�tais ni un joueur, ni un d�bauch�; je ne me
connaissais qu'une passion, celle d'avoir des amis, et qu'une faiblesse,
celle d'obliger tout le monde; c'�taient mes amis qui m'avaient d�vor�.
Ils m'aimaient, sans doute, mais l'amiti� peut devenir importune � la
longue. Chaque jour ils envahissaient ma demeure, m'emp�chant m�me
d'�changer un mot avec ma femme; une fois nous pr�mes le parti de nous
absenter, mais la maudite engeance resta derri�re nous dans la maison;
nous les retrouv�mes festoyant et chantant � tue-t�te au milieu de leurs
libations: �Longue vie � nos h�tes, longue vie � leurs enfants!� Je ne
savais pas me d�barrasser d'eux; j'avais le coeur trop faible, oui, trop
tendre et trop compatissant en toute circonstance. Il me suffisait de
lire dans la gazette le r�cit d'un malheur quelconque pour ne pas dormir
de la nuit. Il m'�tait impossible de renvoyer un pauvre, de refuser
quelque chose � un voisin. Si encore je n'avais fait que partager avec
les autres! Mais je leur eusse donn� jusqu'� ma derni�re chemise;
j'�tais homme � me faire raser pour que le prochain e�t une perruque.
Luba, malgr� sa grande bont�, ne tombait pas dans les m�mes exag�rations
de sentiment. Je me rappelle qu'apr�s l'incendie d'une ville de
l'Ukraine, incendie qui avait laiss� des milliers de mis�rables sans
asile, je lui dis dans l'exc�s de mon �motion:
�--Peux-tu souffrir d'�tre si chaudement v�tue de fourrures quand tant
d'autres ont froid?
�--Je les plains, r�pondit Luba, mais ma pelisse ne peut suffire � mille
personnes, elle est faite pour une seule, et je ne suis pas f�ch�e
d'�tre celle-l�.
�Au fond elle avait raison, et moi j'�tais absurde. Si un de mes amis
admirait chez moi un fusil, je m'�criais:--Prends-le!--Oui, j'aurais
donn� les tuiles de la toiture, les semelles de mes bottes; � la fin mes
amis ne me demand�rent plus ce qui leur faisait envie; ils prirent
sans fa�on tous les objets � leur convenance. S'ils avaient soif, ils
buvaient de mon vin; je les nourrissais, je les v�tissais, je payais
leurs dettes, je leur pr�tais tout mon argent, et quand je n'avais plus
d'argent je signais des lettres de change o� je me portais caution pour
eux.
�Quand j'allai une premi�re fois chez les vampires juifs, ce fut encore
� leur intention. Et maintenant ils �taient l� group�s autour de moi,
cet Urbanowitch, ce Jadeski, ce Gadomski, fumant leurs cigares et
m'exhortant avec une bienveillance hautaine.
�--Comment as-tu pu faire de si folles d�penses? me demanda Jadeski
en lan�ant une bouff�e de fum�e.--Le malheureux! A qui ai-je donn� ce
pr�cieux tableau hollandais repr�sentant une femme qui p�le des pommes,
et tant d'autres choses, jusqu'� ma pipe d'�cume de mer?... A peine
avait-il souri en murmurant:--Pas mauvaise cette pipe!--Et d�j� elle
�tait � lui! M'a-t-il jamais offert en �change une noisette? Non, mais
il critiquait tout ce qui m'appartenait:--Ta maison n'a aucun style,
commen�ait-il � dire en arrivant.--A table rien n'�tait bon; mon
vin �tait toujours frelat�, bien qu'il en vid�t pour le moins deux
bouteilles; la toilette de Luba n'�tait jamais de son go�t. Si elle
portait des couleurs sombres, il lui demandait d'un ton ironique:
�--De qui, madame, �tes-vous en deuil?
�Si elle avait sa kazaba�ka rouge:
�--J'esp�re, disait-il, que le taureau est rentr�.
�Quand nous �tions seuls, � la chasse, il s'arr�tait soudain, et les
deux mains sur mes �paules:
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