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Page 69
�--Ah! oui! murmura-t-il. On dit qu'il n'y a pas de gens pleinement
satisfaits. Je ne sais si c'est une v�rit�, mais j'�tais content le jour
o� Luba entra dans ma maison; peut-�tre l'homme exige-t-il trop. A l'un
ne suffit pas le gouvernement du monde--voyez Napol�on;--celui-l� veut
au moins dominer dans son village, celui-ci aspire � de fabuleuses
richesses. Moi je me contentais du lot humain tel que la nature l'a
trac�; c'est le meilleur, en somme. J'avais une femme, une vraie femme,
non pas une poup�e, non pas une dame, non pas une bigote, une coquette,
une savante, non, vous m'entendez bien, une femme, bonne et simple, et
sinc�re. Elle n'avait pas honte de m'aimer; elle n'�tait pas trop fi�re
pour montrer cet amour. Nous �tions des gens fort occup�s, l'un et
l'autre: j'administrais ma terre, elle avait soin de l'int�rieur o� tout
marchait comme sur des roulettes, gr�ce � son activit�, � l'affection
qu'elle savait inspirer et qui produisait l'ob�issance. Elle
s'int�ressait � toutes mes affaires, assistait � tous mes march�s.
Pleine d'�gards pour Salomon Zanderer, elle ne manquait jamais, aussit�t
qu'il paraissait, de lui offrir le caf�, ce qu'il consid�rait comme un
grand honneur, et de le taquiner gaiement pour faire jaillir l'�tincelle
de cette sagacit� juive aiguis�e par le Talmud.
�Par exemple, elle lui disait:--Comment se fait-il que Dieu ait d�fendu
le vol par la voix de Mo�se, quand il l'a commis lui-m�me en d�robant au
pauvre Adam une de ses c�tes pour en tirer la femme?
�Et Salomon de r�pondre, avec son imperturbable sourire:
�--Appelle-t-on voleur quiconque prend un m�tal ignoble pour le
remplacer par de l'or?
�Jamais l'un de nous deux ne quittait la maison sans l'autre. Un jour je
devais aller � la ville et la voiture �tait d�j� pr�te:
�--Faut-il vraiment que j'aille seul? dis-je � Luba. C'est bien
ennuyeux. Ne me feras-tu pas la gr�ce...
�--Non, non, interrompit ma femme, il m'est impossible de m'absenter
aujourd'hui; nous avons la grande lessive.
�--La lessive! c'est diff�rent.
�Je me l�ve, je prends cong� d'elle, mais je ne vais que jusqu'� la
porte:
�--Est-ce donc si press�, Luba, d'aller � la ville?
�--Tu dois le savoir.
�--Alors, � bient�t!
�--A bient�t!
�Je suis d�j� en voiture, Luba me fait signe de la fen�tre.
�--Non, d�cid�ment, d�telez, dis-je au cocher.
�Jamais nous ne passions le temps aussi agr�ablement qu'en t�te-�-t�te.
Il me suffisait pour ma part de contempler Luba; elle avait le secret
d'�tre toujours charmante et cela d'une mani�re nouvelle, soit qu'elle
s'ass�t, soit qu'elle march�t, soit qu'elle r�fl�chit �tendue sur le
divan, soit qu'elle �criv�t devant sa petite table. Je ne concevais pas
que d'autres eussent besoin de spectacles, de promenades, de concerts,
de soir�es, de courses en tra�neau, de chasses, de voyages. Chaque
saison variait nos simples plaisirs: l'�t�, je prenais mon bonnet, elle
son chapeau de paille, et nous nous en allions du c�t� du village. Les
chaumi�res d�labr�es avec leurs toits de chaume noirci avaient un air de
f�te, gr�ce aux arbres fruitiers en fleur ou charg�s de cerises et de
pommes vermeilles qui semblaient sourire � travers le feuillage comme
de frais visages d'enfants. Les ondulations lentes du bl�, l'�clat
du soleil qui effleurait les �pis nous �merveillaient toujours; nous
�coutions le chant de la caille, nous voyions la perdrix couver ses
oeufs dans un sillon, nous observions la souris qui sort de son trou un
petit museau inquiet, nous suivions le jeu des sauterelles quand elles
s'�levaient sous nos pas par centaines pour retomber � terre l'instant
d'apr�s:
�--N'ayez donc pas peur! leur disait Luba.
�Elle aimait faire avec moi de longues promenades � cheval. Alors nous
laissions nos montures nous emporter bride abattue dans la steppe o�
rien ne bornait leur course ni notre horizon. Lorsque la terre fumait
sous les sabots retentissants et qu'aucun arbre, aucun buisson
n'apparaissait dans l'espace illimit�, nous �prouvions le sentiment de
gens qui chevaucheraient dans le ciel bleu. Si un orage nous surprenait,
Luba rejetait en arri�re ses tresses tremp�es de pluie et qu'avait
d�nou�es la temp�te, avec des cris de joie qui se m�laient au fracas des
�l�ments furieux.
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