Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


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Page 64

�--Que vois-je? s'�cria-t-elle; une pareille sc�ne dans cette honn�te
maison!...

�--Seule je suis coupable! sanglota Eudoxie se jetant � ses pieds: je
l'ai entra�n�, je l'ai s�duit...

�Tout cela me paraissait incompr�hensible. Il fallut, pour m'ouvrir
les yeux, que la m�re se m�t � parler de l'honneur de la famille, de
r�paration, de la b�n�diction du pr�tre qui pouvait tout purifier. Je
m'�lan�ai hors de la chambre, sautai en selle et partis au galop.

�Le lendemain, Solfki, solennellement v�tu de noir, le sabre au flanc,
le sourcil fronc�, parut chez moi.

�--Voici, commen�a-t-il, une belle conduite! Perdre une femme estimable
et de noble origine, la d�shonorer!... fi! Je viens de la part des deux
dames de Klodno. Tu n'as qu'une chose � faire, �pouser Eudoxie.

�--L'�pouser? Et pourquoi? demandai-je tout confus.

�--Parce qu'en ne l'�pousant pas tu ferais quelque chose de pis que de
d�laisser une femme au d�sespoir: tu abandonnerais ton enfant!...

�Tant d'impudence fit bouillir tout mon sang dans mes veines.

�--Tu esp�res me faire accroire cela, balbutiai-je, quand c'est toi...

�--La prends-tu? interrompit Solfki.

�--Garde-la! r�pondis-je.

�--Alors, s'�cria-t-il avec une feinte indignation, alors tu es un
dr�le!

�Il tira son �p�e.

�--Nous nous battrons, entends-tu, nous nous battrons!

�A la fin, je perdis patience.

�--Non, lui dis-je, nous ne nous battrons pas, mais je te rosserai de la
belle mani�re.

�En parlant, je lui avais arrach� son grand sabre, que je cassai comme
une latte, puis, d�crochant mon b�ton de philosophe, j'administrai une
correction suffisante � mon ami Solfki.

�Tous ces tableaux grotesques sont �voqu�s par l'apparition dans les
mains du crieur de mes livres d'�cole, de mon b�ton et du sabre cass� de
l'amant heureux d'Eudoxie.

�Et maintenant ce sont mes tableaux qui passent aux griffes de ces
avides brocanteurs. Un juif maigre, dont les boucles frontales
brillent comme des saucisses sortant de la po�le, regarde l'un d'eux
d�daigneusement et le jette sous la table. Je ressens une envie violente
de le renverser lui-m�me d'un coup de poing, mais ma femme m'arr�te et,
relevant la petite toile m�pris�e, me la montre avec un sourire. C'est
une mauvaise gouache tout effac�e repr�sentant une seigneurie. Au
premier plan se d�tache un grand poirier; dans cette seigneurie est n�e
Luba; elle �tait assise sur ce poirier, quand je lui donnai tout mon
coeur. Il y avait six ans que je ne l'avais vue, gr�ce � la sotte
histoire de madame de Klodno d'abord, et puis Luba �tait � son tour
all�e � Lemberg pour y achever son �ducation. Je rendais visite � ses
parents de temps � autre. Trois jeunes filles embellissaient la maison
de leur pr�sence, l'une blanche et blonde comme un ange du ciel, l'autre
ch�taine avec des cheveux de soie ondoyants et des yeux bleus doux et
profonds, puis ma Luba, qui m�rite un portrait � part.

�J'arrive � cheval,--c'�tait au mois d'octobre 1824. Tandis que
j'attache ma jument dans la cour, une petite poire me tombe sur le nez.
A peine ai-je eu le temps de regarder en l'air, que j'en re�ois une
seconde, et du grand poirier qui se dresse devant la seigneurie toute
une pluie de poires tombe sur moi, tandis que retentissent des �clats de
rire... Quels �clats de rire! Luba seule peut rire ainsi. En effet, elle
est dans l'arbre comme un oiseau, tout au sommet. Je distingue sa robe
d'�toffe claire, et je crie:

�--Luba! Es-tu vraiment l�? Descends vite, descends donc!...

�--Je viens! r�pond-elle en se balan�ant de branche en branche, jusqu'�
la plus basse, qui forme une large fourche, o� elle s'assied comme dans
un fauteuil. Elle me tourne le dos; seul son petit pied est visible au
bord de sa jupe chiffonn�e. Tout � coup, elle se retourne et me regarde.
Nous nous taisons, �tonn�s.

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Books | Photos | Paul Mutton | Wed 24th Dec 2025, 17:32