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Page 63
�Je rencontrai chez des voisins une veuve coquette, et je perdis la
t�te. Ma vie se passait � ses pieds. Elle s'appelait Eudoxie de Klodno;
elle n'�tait ni jolie ni spirituelle; mais elle savait s'habiller, ou
plut�t ne pas s'habiller; on la trouvait toujours en n�glig�; je crois
qu'elle allait m�me au bal ou � l'�glise dans ce d�sordre piquant, qui
�tait son unique m�rite. J'en conclus qu'elle devait �tre une V�nus, et
j'ajoutai lib�ralement � ce nom, sans le moindre motif, ceux d'Aspasie
et d'H�lo�se. Nous nous promenions au clair de la lune, je lui donnais
des s�r�nades, je fis sur ses charmes une ode latine qu'elle ne comprit
pas heureusement. Ai-je besoin d'ajouter que je la v�n�rais comme
on v�n�re les saints? Jamais amant plus platonique ne fut plus
grossi�rement dup�.
�Elle s'entendait � jouer avec cette flamme sainte comme les enfants
aiment jouer avec le feu. Assez longtemps, cela lui parut dr�le, puis,
tandis que je me faisais encore scrupule de baiser son bras blanc, elle
s'avisa de me trouver tout � coup ennuyeux: mon respect lui �tait �
charge, elle b�illait devant mes po�tiques transports. Je dois dire
que la pauvre femme m'avertit de son mieux que j'eusse � changer de
mani�res; elle ne m'�pargna pas les agaceries; mais je m'obstinais �
ne rien comprendre, et pour chaque encouragement, pour chaque caresse
qu'elle m'accordait, je faisais une nouvelle ode latine.
�Mon meilleur ami �tait � cette �poque un brillant Polonais du nom de
Solfki. Je ne manquai pas de pr�senter cette moiti� de mon coeur �
madame de Klodno. Apr�s �tre all� chez elle une fois avec moi, il y
retourna seul, et bient�t je remarquai que les deux �tres qui m'�taient
si chers chuchotaient ensemble en me regardant; ils riaient de moi.
Quand je commen�ais mes divagations ordinaires, Eudoxie s'asseyait � sa
toilette pour arranger ses cheveux, et Solfki se mettait � siffler un
air badin. J'�tais au d�sespoir; mes odes devinrent des �l�gies. Tout
en sentant que j'�tais de trop, j'aurais continu� n�anmoins � porter ma
triste figure chez Eudoxie et � troubler innocemment ses t�te-�-t�te
avec Solfki, si mon brave Salomon ne m'e�t averti.
�--�tes-vous aveugle? me dit-il. La dame veut vous prendre dans ses
filets comme un sot poisson, parce que vous avez un h�ritage en r�serve,
tandis qu'elle a d�j� gaspill� le sien. Elle n'a pas manqu� d'amants
tandis que vivait son mari, et maintenant Solfki a remplac� les autres.
�Je ne sais � quelles extr�mit�s m'aurait conduit une si cruelle
d�sillusion, si ma m�re n'�tait morte sur ces entrefaites. Mon chagrin
d'amour fut effac� par une douleur plus grande. Je pensai que je n'y
survivrais pas; mais il n'est point de d�chirement auquel l'homme ne
puisse survivre. J'�tais devenu le ma�tre,--le ma�tre � dix-huit ans!
Par bonheur, il n'y avait que de vieux serviteurs � la seigneurie; tous
m'avaient vu na�tre et continuaient � me traiter en enfant. Parfois
m�me, ils abusaient de leur empire sur moi. Si je commandais d'atteler,
la cuisini�re accourait, tenant sa cuill�re � pot comme un sceptre:
�--Est-il possible que monsieur veuille sortir par un temps pareil? Non,
non, monsieur prendrait froid. Mieux vaut qu'il reste � la maison.
�--En tout cas, d�clarait le valet de chambre, monsieur ne sortira pas
avec ces habits-l�. Il lui faut absolument un manteau � capuchon.
�--C'est exposer beaucoup les chevaux et le carrosse, reprenait le
cocher; n'importe, j'attellerai, mais � une condition: Monsieur ne
s'en ira pas ainsi v�tu pour faire le fanfaron. S'il ne s'habille pas
autrement, que Dieu me punisse si j'attelle!
�Et je partais empaquet� comme un poupon que l'on porte au bapt�me. Ma
soeur se serait charg�e � elle toute seule de me r�genter. Je ne sais
ce que je serais devenu sans le secours de Salomon Zanderer, mon
g�nie tut�laire. Il e�t �t� f�cheux, d'ailleurs, que j'eusse trop
d'ind�pendance; vous allez en juger.
�Une apr�s-midi accourut chez moi le cosaque de madame de Klodno, charg�
d'une lettre. Il s'agissait d'un rendez-vous... d'un rendez-vous implor�
en termes si tendres que je ne songeai pas, je l'avoue, � faire la
moindre r�sistance. Je m'enfuis, afin que personne n'e�t le temps de me
retenir. Il faisait nuit quand j'atteignis la seigneurie voisine, dont
toutes les fen�tres �taient dans une obscurit� profonde. Attachant mon
cheval � la cl�ture, je montai pr�cipitamment l'escalier: une porte
�tait ouverte, celle de sa chambre... Elle �tait seule, �tendue sur
un divan, � peine envelopp�e d'un nuage de mousseline, et, dans le
cr�puscule voluptueux qui l'entourait, elle me parut plus belle encore
que par le pass�. A ma vue, elle jeta un cri, se leva pr�cipitamment,
m'entoura de ses bras et m'�touffa de baisers. Je ne pouvais prononcer
un mot et me laissai attirer sur le divan aupr�s d'elle. Au moment m�me,
une lumi�re qui n'�tait pas celle de la lune tomba sur le visage alt�r�
d'Eudoxie. Sa m�re �tait debout au milieu de la chambre, un flambeau �
la main:
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