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Page 56
--Tu es un voleur des champs, Gabris, r�pliqua tranquillement le
vieillard.
--Non, non, un voleur d�robe en cachette; moi, je ne me cache pas.
--C'est encore vrai, affirma le bonhomme d'un air fin; il prend tout au
grand jour, � la clart� du soleil.
--Et qu'est-ce que je prends?
--Tout ce que le bon Dieu fait cro�tre.
Chacun se mit � rire, et Gabris comme les autres.
--Mais, dit-il, r�fl�chissez donc! Est-ce Dieu qui a trac� la limite des
champs? Il fait m�rir les fruits pour tout le monde. Qui donc est le
voleur? N'est-ce pas celui qui accapare ce qui appartient � tous et qui
l�gue sa proie apr�s lui � ses h�ritiers? Oh! c'est bien diff�rent si
l'on a soi-m�me cr�� quelque chose en dehors du bon Dieu. Il va sans
dire que celui qui abat les arbres, qui les taille et qui se b�tit une
maison, est bien le ma�tre de cette maison, et que celui qui tanne la
peau d'un veau et s'en fabrique des bottes est bien le ma�tre de ces
bottes. Personne ne lui disputera cela, pas plus que l'argent qu'il
gagne.
--Bon! pensai-je, nous avons affaire ici � l'un de ces philosophes selon
la nature, qui donnent aux Polonais le droit d'appeler nos paysans des
communistes. Vous ne prenez donc que les fruits de la terre? demandai-je
tout haut.
--Comme vous dites, mon doux petit seigneur; personne n'a jamais eu
besoin de fermer ses coffres devant moi; je n'ai jamais pris d'argent.
--Mais, d'apr�s votre propre raisonnement, le champ qu'un homme cultive
lui appartient tout comme son argent.
--Non.
--Ne le cultive-t-il pas de ses mains?
--Il n'a qu'� laisser la terre � elle-m�me, d�cida Gabris avec un
sourire rus�: elle produit sans que l'homme s'en m�le. Est-ce qu'on
ne nous parle pas d'un temps o� personne ne poss�dait de champs, ni
seulement d'abri? La commune seule �tait propri�taire, pour ainsi dire.
--Ce temps-l� est pass�.
--Malheureusement! Les Polonais, les seigneurs, out arrang� les choses �
leur fa�on, mais ce n'est pas pour le mieux. Notre Basile Hymen pourrait
l�-dessus vous en raconter long; ils ont pris jusqu'� sa chemise, et on
peut s'�tonner qu'ils ne lui aient pas enlev� en outre la peau du corps
pour la tendre sur un tambour comme font les Tartares.
--Ce Basile Hymen est donc bien malheureux?
--Pas pr�cis�ment, parce qu'il n'a jamais perdu la t�te; mais tout a �t�
si mal pour lui, qu'on ne peut presque s'emp�cher de rire quand on pense
au guignon dont il a �t� la victime ni plus ni moins que le paysan du
vieux conte.
--De quel conte?
--Gabris vous le contera, monsieur le bienfaiteur, dit le vieux paysan;
il a la langue bien pendue, et que ferions-nous, sinon l'�couter,
puisqu'il pleut encore � verse?
Gabris, le voleur des champs, s'assit sur la pierre de l'�tre, balan�a
ses genoux de droite � gauche et commen�a:
�Il y avait une fois un paysan qui poss�dait une belle maison, des
terres, tout ce que peut d�sirer un homme de campagne, et, les bonnes
ann�es se succ�dant, il mit beaucoup d'argent de c�t�; mais un incendie
vint d�truire sa maison de fond en comble. Il s'en soucia peu; ses
terres lui restaient et aussi son magot; il avait cach� celui-ci, pour
plus de s�ret�, dans un saule au bord de l'eau. Survient une inondation
qui ravage ses champs, noie ses b�tes et emporte le saule qui renfermait
l'argent; au pauvre diable il ne reste rien que la vie sauve; il en est
r�duit � se faire messager. Une fois, la nuit l'ayant surpris en route,
il re�oit l'hospitalit� chez un propri�taire, homme de coeur, juste et
g�n�reux. A table, il raconte ses malheurs en d�tail; aussit�t le ma�tre
de la maison regarde sa femme. Le saule arrach� par l'inondation avait
flott� jusque chez eux, et, en le coupant pour faire des b�ches, on
avait trouv� le magot. S'�tant consult�s sur les moyens de lui rendre
son bien, sans avouer pour cela qu'ils se le fussent un instant
appropri�, les deux �poux creus�rent un grand pain, y gliss�rent tout
l'argent que le hasard leur avait apport�, puis, remettant ce pain au
messager, ils lui dirent:
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