Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


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Page 52

Z�nobius entreprit d'arriver � ses fins en se privant de tout.

Plusieurs domestiques furent cong�di�s; il fit des r�formes de toutes
sortes, et la seigneurie prit une mine plus d�sol�e encore que du temps
de la baronne. L'esprit de cette derni�re semblait toujours flotter
dans les murs qui avaient abrit� son avarice. Toutes les recherches du
bien-�tre et du luxe �taient r�serv�es pour la seule Mika, toujours
couch�e sur ses coussins comme une petite-ma�tresse et plus grondeuse,
plus irascible que jamais. Les soins assidus de Z�nobius �taient re�us
par elle sans l'ombre de reconnaissance; en vain se levait-il d�s l'aube
pour la brosser lui-m�me, en vain la baignait-il chaque semaine avec
des pr�cautions infinies, la s�chant ensuite dans du linge chauff�,
l'emmaillotant comme un poupon de sa pelisse de zibeline pour la porter
dans le lit d'�dredon o� elle consentait � dormir. � table, Mika
recevait du bout des dents les meilleurs morceaux. Si elle les refusait,
Z�nobius suppliait, cherchait � l'amuser, appelait une foule de chiens
imaginaires, Diane, Azor, Jupin, jusqu'� ce que Mika, pouss�e par la
jalousie, e�t surmont� sa r�pugnance et mang� son potage. Il lui tenait
compagnie dans le carrosse o� elle tr�nait, tout comme une noble dame,
disait Piotre; mais rarement elle se d�cidait � sortir, et il fallut que
son gardien, puisqu'il ne pouvait se r�soudre � l'abandonner aux soins
douteux des domestiques, pr�t des habitudes s�dentaires. Plus de visites
au presbyt�re. A peine lui permettait-elle de lire ou de fumer � sa
guise! Combien de fois le pauvre Z�nobius fut-il r�veill� en sursaut, la
nuit, par le cauchemar qui lui montrait Mika courant quelque danger!
Il n'avait plus de repos avant de s'�tre assur� que la b�te endormie
respirait bien. Le m�decin de la maison ne suffisait pas � cette
princesse; on consultait pour elle � Kolomea, m�me � Lemberg; mais rien
ne pouvait vaincre un embonpoint alarmant qui la rendait de jour en jour
plus lourde et plus haletante.

--Plaignez-moi, me dit Z�nobius un jour que j'�tais all� le voir;
plaignez-moi; je me sacrifie � ce maudit animal, et il ne me donne en
�change que du souci, tant de souci que je voudrais le battre jusqu'�
l'assommer; mais que deviendraient mes revenus si je suivais mon envie?

J'entrai avec lui dans le salon o� Mika reposait accabl�e sur ses
fourrures. Elle ne se leva pas pour courir � la rencontre de Z�nobius,
elle ne poussa pas un aboiement joyeux, elle ne remua m�me pas la queue,
comme l'e�t fait tout autre chien � la vue de son ma�tre. L'homme �tait
ici l'esclave de la b�te, et on e�t dit que la b�te s'en rendait compte,
car elle appela Z�nobius d'un grognement sourd, et Z�nobius ob�it � ce
chien qu'il d�testait, parce que le chien �tait riche.

--Vous voyez, me dit-il avec amertume, je re�ois des ordres.

Mika parut comprendre qu'il se plaignait, car, se levant avec une
fureur soudaine, elle se mit � japper en montrant ses dents aigu�s, qui
mordirent Z�nobius de la belle fa�on lorsqu'il essaya de l'apaiser.

Enfin le pauvre diable tomba dans une m�lancolie profonde; il �vitait
ses amis, maigrissait � vue d'oeil.

--Comment, disait M. Kmietowitch, un homme peut-il �tre pouss� par la
cupidit� jusqu'� devenir le valet d'une b�te?

Il y avait trois mois que la baronne �tait morte. Un soir, je faisais au
presbyt�re une partie d'�checs avec la belle Cl�opha, lorsque Z�nobius,
tout de noir v�tu, traversa les champs � grands pas, semblable � un
corbeau sur la neige, et se pr�cipita dans la chambre o� nous �tions
r�unis, la famille du pr�tre et moi. Il avait l'air d�sesp�r�; ses
cheveux tombaient par m�ches �parses sur son p�le visage, il tenait un
pistolet; sans prononcer un mot, il embrassa les genoux de Cl�opha.

--Est-ce que Mika est morte? demandai-je.

Ce fut, je l'avoue, ma premi�re pens�e.

--Que m'importe qu'elle meure! s'�cria-t-il avec emportement. J'en ai
assez de cet ignoble esclavage!...

--Dieu soit lou�! interrompit le pr�tre.

--Dites que vous aurez piti� de moi, Cl�opha; promettez de devenir
ma femme, et je renonce � toutes mes richesses. Je casse la t�te de
Mika,--et il brandit son pistolet...--Cl�opha, le veux-tu?.. J'aime
mieux, pour ma part, m'atteler moi-m�me � la charrue que de renoncer
plus longtemps � ma dignit� d'homme.

La belle fille ne r�pondit pas tout d'abord; ses yeux �taient baiss�s
sur l'�chiquier. Tout � coup, sa main un peu grande, mais bien faite
et blanche comme l'ivoire, sortit de la fourrure dont �tait bord�e sa
kazaba�ka, et poussant un pion avec tranquillit�:

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Books | Photos | Paul Mutton | Tue 23rd Dec 2025, 12:45