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Page 50
La derni�re protestation s'�tait �teinte sur les l�vres refroidies de
Warwara. Tout � coup, elle appela faiblement Mika. La petite chienne
s'approcha du lit, flaira le drap et se retira vite. En vain sa
ma�tresse lui donna-t-elle les noms les plus tendres, elle ne reparut
plus. Alors ce coeur de pierre se brisa: Warwara sanglota tout haut.
Ainsi se pass�rent les derniers jours qu'elle eut encore � vivre, si
l'on peut appeler vivre cette lutte effroyable entre l'�me pr�te �
partir et le corps qui se r�volte encore. Enfin l'heure sonna qui efface
toutes les douleurs, qui apporte la d�livrance au plus m�chant comme au
meilleur, Mika se mit � pousser sous le lit des hurlements lamentables:
--Qu'as-tu, ma pauvre b�te?... murmura sa ma�tresse. Faim, peut-�tre...
Mais Hermine, �clatant d'un rire impitoyable:
--Les chiens hurlent, dit-elle, quand il y a des mourants dans la
maison.
--Je ne meurs pas, g�mit la baronne, non, je ne meurs pas, je ne veux
pas mourir! Qu'on aille chercher le pr�tre, ajouta-t-elle quelques
instants apr�s.
Quand la cuisini�re de Separowze entra au presbyt�re, j'y �tais
justement en visite; nous nous h�t�mes de r�pondre � l'appel de la
mourante. Mais il �tait trop tard. L'agonie avait commenc�.
Martschine lui ayant dit:--On est all� chercher Sa R�v�rence M.
Kmietowitch,--Warwara r�pliqua d'une voix que personne ne reconnut:--Qui
est celui-l�?--comme si elle e�t entendu son nom pour la premi�re fois.
Hermine s'approcha du lit:
--Elle meurt! dit-elle tout bas, c'est fini.
Et avec une f�rocit� inou�e:
--Me direz-vous enfin, reprit-elle, o� est le testament?
Sur ce visage de morte passa un sourire malicieux, effrayant.
--Le testament est... il est en bonnes mains...--r�pondit-elle avec
fermet�. Tu n'auras rien... non, rien... pas une vieille pantoufle...
Puis, t�tant la couverture des deux mains:
--O� est mon argent?... soupira-t-elle, on m'a pris mon argent...
Lorsque j'entrai avec le pr�tre, elle venait de mourir. La seigneurie
semblait avoir �t� mise au pillage, et tout le d�sordre qui suit une
orgie r�gnait dans la chambre mortuaire. Warwara n'avait pas cette
beaut� paisible et solennelle que j'ai vue � la plupart des morts; ses
traits �taient absolument d�figur�s: personne n'avait song� � lui fermer
les yeux. Le pr�tre se mit en pri�res; les serviteurs s'agenouill�rent
� son exemple. Au dernier _Amen_, Z�nobius parut sur le seuil avec le
grand m�decin de Lemberg. Tandis que celui-ci s'approchait du lit, puis
haussait les �paules, le jeune parent pauvre de la baronne pronon�a
un fervent _Pater noster_; il se pencha vers sa tante et lui ferma
pieusement les yeux. Le soleil couchant projetait un dernier rayon d'or
sur la main ouverte de la morte. Les ducats dont elle avait �t� si avare
n'eussent pas brill� davantage.
Je reconduisis M. Kmietowitch au presbyt�re. Nous marchions c�te � c�te
en silence, quand un cort�ge fun�bre nous rejoignit. Nous nous range�mes
pour le laisser passer.
--Qui donc enterre-t-on? demandai-je.
--Un paysan de Separowze, me r�pondit M. Kmietowitch; dans la contr�e,
il �tait connu pour le pire des ivrognes. �coutez comme sa veuve le
pleure.
En t�te du cort�ge marchait un homme portant la croix; puis les chantres
suivaient avec le diacre; six gar�ons robustes portaient le cercueil
couvert de grosse toile blanche, et derri�re le cercueil, venait la
veuve, les cheveux �pars, les v�tements d�chir�s. Le long cort�ge d'amis
et de voisins, arm�s de fusils et de pistolets pour la plupart, faisait
penser � des cosaques pr�ts au combat plut�t qu'� des paysans en deuil.
Les bruyantes lamentations des pleureuses se m�laient au murmure des
pri�res et aux sons d�chirants du _trembit_[4]. Quand tout eut fait
silence, la veuve recommen�a ses sanglots et ses g�missements; en m�me
temps, elle se tordait les mains, s'arrachait les cheveux.
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