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Page 41
Les moissons en seront-elles moins d�truites si vous critiquez et
condamnez la gr�le? La foudre qui frappe un innocent sur le grand
chemin l'�pargnera-t-elle davantage parce que vous lui aurez reproch�
l'immoralit� de son action? Non vraiment, on ne peut que constater le
ph�nom�ne et en prendre note. J'agissais ainsi avec la baronne. Il
y avait en elle un m�lange bizarre d'impressions apparemment
contradictoires: l'avidit� de l'or, la volupt� de la possession �taient
comme paralys�es par la crainte de jouir d'un tr�sor qu'elle idol�trait
sans oser y toucher. C'�tait une mis�rable vie en somme, sans lumi�re,
sans couleur, sans joies, et pourtant la pens�e que cette vie d�t finir
la faisait tressaillir d'angoisse. La terreur de la mort finit par
briser ce roc. Warwara devint d�vote, une fausse d�vote s'entend. Elle
priait, se confessait, brodait des ornements d'�glise, mais sans cesser
pour cela de faire de l'usure et des sp�culations. Quand elle veillait
� ce que ses gens observassent toutes les abstinences, tous les je�nes
prescrits, son avarice fraternisait �videmment avec sa d�votion; elle ne
d�daignait pas non plus la science, pourvu que celle-ci s'accord�t avec
ses principes d'�conomie. Aussi prit-elle parti tout � coup pour le
syst�me hygi�nique qui prescrit l'usage exclusif des v�g�taux. Il
fallait entendre l�-dessus son valet de chambre Martschine. Retroussant
ses manches et se l�chant les l�vres:
--Elle nous donnait de l'herbe � manger, monsieur le bienfaiteur, rien
que de l'herbe, comme aux boeufs (pour Martschine, tout l�gume, sauf la
choucroute, �tait de l'herbe). Mais la r�volution a �clat� � la fin!
Je crois que, si elle ne nous avait pas donn� d'autre viande, nous
l'aurions mang�e elle-m�me!
J'arrivai un jour � Separowze, avant le coucher du soleil, au moment
o� l'on trayait les vaches. De tr�s-loin d�j�, des chants harmonieux
avaient frapp� mon oreille, et, lorsque j'entrai dans la cour, je
m'arr�tai pour mieux entendre s'�lever en choeur une douzaine de voix
justes et fra�ches.
--Des rossignols, n'est-ce pas, que nos jeunes filles? dit Martschine
en retroussant derechef ses manches de chemise. Madame a su qu'elles
buvaient quelquefois du lait tout en trayant les vaches, de sorte que
les pauvrettes ont re�u l'ordre de chanter sans interruption tant que la
besogne dure; celle qui s'arr�te est punie. Madame aime tant la musique
que c'est pour elle le meilleur rem�de quand elle se sent nerveuse. Vous
�tes peut-�tre nerveux aussi? ajouta Martschine en me jetant un regard
si m�fiant que je ne pus m'emp�cher de rire. Eh bien! ici, nous sommes
tous nerveux, acheva-t-il avec un gros soupir.
Warwara, comme tous les gens soup�onneux et �pres, �tait souvent vol�e;
on se faisait une f�te de d�jouer quelque peu sa surveillance. Quand
elle s'en apercevait, c'�tait un nouvel aiguillon pour sa misanthropie.
Je me rappelle qu'elle re�ut une fois devant moi un de ses fermiers,
petit homme maigre et noir dont les yeux de chat disparaissaient sous
d'�pais sourcils. Il toussa, fit un salut, joignit les mains, salua de
nouveau et finit par soupirer bruyamment comme une locomotive qui laisse
�chapper la vapeur.
--Qu'est-il arriv�? dit la baronne, inqui�te. Je t'ai pri� d�j� de ne
pas souffler ainsi. Viens-tu m'annoncer quelque malheur?
--Ah! mon Dieu! s'�cria le fermier d'un ton lamentable, quels temps que
les n�tres! En fut il jamais de plus durs!...
--Tu veux t'excuser de ne pas payer ton fermage... tu cherches des
pr�textes.
--Des pr�textes! Je n'en ai pas besoin. J'ai d'assez bonnes raisons! Il
m'a �t� impossible de me procurer de l'argent, du moins tout l'argent
que je vous dois...
--Comment?... Tu oses?...
--Oui, j'ose n'avoir pas le sou, r�pondit-il en s'enhardissant; il m'a
fallu me saigner aux quatre membres pour vous apporter le peu que voici.
Et il jeta une liasse de billets de banque sur la table.
--Maintenant, retournez mes poches, fouillez-moi comme un sac, vous me
trouverez vide, absolument vide.
Warwara compta les billets, et peu � peu un sourire se dessina sur
ses l�vres. Elle finit par repousser vers le bonhomme une partie de
l'argent.
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