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Page 40
--Quelles illusions! fit la baronne avec d�dain. Si vous voulez que je
sois sinc�re, j'avouerai que je n'ai ressenti aucun plaisir en faisant
l'aum�ne � votre peintre. Ma grande crainte, c'est que le communisme
ne soit vainqueur � la fin, mais j'esp�re bien ne pas voir cela. Nos
paysans cependant ne se g�nent pas d�j� pour prendre du bois, du bl�,
des fruits, tout ce que Dieu fait cro�tre, et ils ne croient m�me pas
commettre de p�ch�.
--Parce qu'ils s'imaginent que Dieu fait m�rir pour tous les fruits et
les l�gumes, r�pliquai-je; le m�me homme, qui ne vous reconna�t pas le
droit de poser une cl�ture � votre champ, vous rendra fid�lement votre
portefeuille bourr� de billets de banque si le hasard le lui fait
trouver. Je ne justifie pas nos paysans de s'approprier sans scrupule ce
que le riche leur enl�ve, � les entendre; mais rappelons-nous pourtant,
madame, que saint Augustin a dit: �Le superflu du riche est le
n�cessaire du pauvre.�
--J'ai mon opinion sur ce point, r�pliqua la baronne. Vous ferez le
signe de la croix si je vous la dis, car elle n'est ni chr�tienne ni
moderne, mais enfin c'est mon opinion. La mis�re sans adoucissement,
sans esp�rance, sans secours, comme elle existe aujourd'hui, n'est
qu'une cons�quence de l'abolition de l'esclavage. Vous vous �tonnez?
C'est pourtant ainsi. Consid�rez la Russie, l'Am�rique; vous ne pourrez
me donner tort. Autrefois, le planteur soignait, prot�geait son esclave;
le serf, lui aussi, �tait fort bien trait� par son seigneur; chez nous
le noble vint en aide au paysan tant que celui-ci lui appartint; il
l'aidait � reb�tir sa maison d�vor�e par le feu, il lui donnait du bl�
aux �poques de disette. Que fait-il en sa faveur maintenant? Rien. Pour
le pauvre, je le r�p�te, l'esclavage est un bonheur, et jamais de cet
esclavage on ne r�ussira, entendez-vous, � supprimer que les bienfaits;
ses maux subsisteront, quoi qu'on fasse. De m�me que le peuple le plus
fort et le plus riche soumet le plus faible et le plus pauvre, de m�me
en est-il entre les individus. Chacun dispute � l'autre l'air, la
lumi�re, la vie, comme font les arbres dans la for�t. Or, ne vaut-il
pas mieux que le plus faible se rende, que le plus pauvre offre
volontairement sa nuque au pied du riche? Les hommes grossi�rement
organis�s, les hommes du peuple sont form�s par la nature pour nous
servir nous autres, qui sommes d'une constitution plus fine, plus
d�licate. Qu'ils travaillent afin que nous puissions vivre agr�ablement!
C'est justice. Croyez-vous que les splendeurs du monde antique, qui
excitent notre enthousiasme � un si haut degr�, eussent �t� possibles
sans l'esclavage? Chez nous, je parle du temps de la r�publique
polonaise, tout gentilhomme avait les m�mes privil�ges qu'un citoyen
libre de la Gr�ce et de Rome, et le paysan labourait pour lui afin
qu'il p�t se vouer sans r�serve au bonheur de la patrie. Mais les id�es
philanthropiques ont g�t� tout cela; quand il s'est trouv� des nobles
pour p�rorer sur les droits naturels et le contrat social... Bon! vous
savez toutes ces choses mieux que moi, vous savez quelles r�volutions
ces philosophes bienfaisants ont provoqu�es, comment la Pologne a �t�
d�chir�e, comment est n�e la R�volution fran�aise...
--Pardon encore, madame, hasardai-je, mais il me semble que la triple
tyrannie de l'aristocratie, du clerg� et des partisans de la cause
polonaise a produit l'esclavage des paysans, la pers�cution des sectes
dissidentes et des Petits-Russiens, la perte de la Pologne en un mot.
Quant � la France...
--Je ne veux pas me disputer avec vous, interrompit la baronne; je n'ai
pr�tendu dire que mon opinion. Je pr�te volontiers l'oreille, moi aussi,
� celle d'un �tranger, pourvu que la discussion n'entra�ne ni contrainte
ni violence. Cette fa�on de s'�chauffer sur tout ne me pla�t pas; elle
ne me semble propre qu'� exciter du trouble et de l'agitation, tandis
qu'un �change de pens�es discret et mesur� peut contribuer � notre
plaisir et � notre instruction. Finissons-en pour aujourd'hui. Si vous
voulez venir quelquefois tenir compagnie � une vieille femme, vous ferez
une bonne oeuvre. Que le Ciel vous b�nisse!
Elle me baisa au front et me cong�dia de cette fa�on hautaine que les
vieilles dames chez nous ont en commun avec les princes de l'�glise et
autres potentats.
Je regardai instinctivement la pendule. Elle marquait toujours onze
heures et demie, Dieu sait depuis combien de jours!
IX
Depuis, j'allai souvent � Separowze. Mes amis s'en �tonnaient, car,
disaient-ils, qu'est-ce qui peut l'y attirer? La campagne n'est pas
belle; il n'y a point de chasses, et les d�ners de la baronne ne sont
rien moins que succulents. C'�tait vrai, et pourtant je ne m'ennuyais
jamais � la seigneurie. J'y avais d�couvert une collection d'originaux
tels qu'il n'en existe plus peut-�tre nulle part ailleurs qu'en
Gallicie. � elle seule, Warwara e�t suffi sans doute � m'int�resser. Je
p�n�trais, pour ainsi dire, dans les coulisses de sa vie. Tandis que
d'autres, ne la voyant qu'� l'�glise ou dans le monde, pouvaient se
tromper sur son caract�re, confondre le masque avec le visage, moi je
la surprenais � ces heures in�vitables o� les nerfs se d�tendent, o�
l'esprit d'intrigue se repose, o� la com�dienne oublie son r�le, et ce
d�shabill� moral d'une femme prudente, astucieuse entre toutes, avait,
je dois en convenir, le charme le plus piquant pour un observateur. Que
de na�vet� dans la proclamation incessante de son monstrueux �go�sme!
Aussi avais-je renonc� � jamais la contredire.
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