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Page 39
--Pas toujours. Il y a une sorte de pauvret� qui, comme la richesse,
�touffe nos �lans, paralyse nos forces.
--Ah! vous �tes aussi des ennemis de la richesse? Vous nourrissez ces
dangereuses id�es modernes qui conduisent au communisme, vous vous
faites l'ap�tre du partage universel?
--Vous vous trompez, madame, r�pondis-je. Je crois impossible de rendre
tout le monde riche, car si chacun �tait riche, tout le monde manquerait
du n�cessaire, personne ne voulant plus travailler. Jusqu'ici,
malheureusement, ni les philosophes, ni les �conomistes, n'ont r�ussi �
r�soudre le grand probl�me d'un partage �quitable de la propri�t�, mais
il me para�t hors de doute que, dans la classe moyenne seulement, la vie
d'un peuple, celle de l'humanit� tout enti�re pousse de saines racines.
La pauvret�, comme la richesse, a toujours arr�t� le progr�s. Richesse
et pauvret� sont les diff�rentes formes de la m�me maladie. La sant�
n'existe que l� o� vous trouvez en �quilibre le travail et le gain,
et l� aussi est la libert�. La propri�t� sans le travail engendre la
tyrannie, et le travail sans la propri�t� conduit � l'esclavage.
--Mais c'est tout � fait selon la nature, d�cida la baronne en roulant
une nouvelle cigarette.
--Le croyez-vous, madame? Moi, je crois tout le contraire. D'o� vient
que les descendants de familles riches d�clinent � la seconde ou
troisi�me g�n�ration, tandis que les descendants des pauvres s'�l�vent
tout aussi s�rement, de sorte que la nature, en somme, tient la balance
�gale entre la richesse et la pauvret�? Il faut que dans la premi�re il
y ait quelque chose de d�moralisant, et dans la seconde une force qui
nous pousse et nous fait aspirer en haut.
--Vous avez raison, r�pliqua la baronne: j'ai eu l'occasion d'observer
cela par moi-m�me. Jetons seulement un coup d'oeil sur notre pays. Voyez
comme tout a chang� ici pour les deux grandes races dominantes, la
noblesse polonaise et le paysan petit-russien, depuis 1848. Notre
noblesse d�choit de plus en plus, tandis que le paysan prosp�re.
--Vous reconnaissez donc que la circulation de l'argent s'accomplit
selon les lois de la nature, tout comme la circulation de la vie?
--C'est pour cela, s'�cria la baronne, c'est pour cela que je remercie
Dieu de n'avoir pas d'enfants qui gaspilleraient les biens que j'ai su
acqu�rir!
--Vous ne pourrez pourtant, madame, emporter votre argent l�-haut.
--Malheureusement non, mais j'ai depuis longtemps r�fl�chi � ce que je
ferais en cas...
Elle fut interrompue par les aboiements d'un petit roquet qui s'�lan�a
dans la chambre. Tout blanc et joliment ras�, il avait une crini�re et
une queue de lion; chaque poil de son corps se h�rissa de col�re � ma
vue, comme s'il e�t voulu me d�chirer:
--Paix, Mika! dit la baronne en le caressant. Regardez cette ch�re
petite b�te, monsieur; tandis que les enfants nous co�tent tant
d'argent, Mika m'a valu un h�ritage de dix mille florins.
--Comment cela?
Madame Bromirska leva ses regards vers le ciel ou plut�t vers le
plafond, o� se balan�aient les toiles d'araign�e.
--L'h�ritage de mon amie, la baronne Zatner. Elle ne voulait confier
ce petit animal qu'� moi seule, qu'elle aimait tendrement; aussi
donna-t-elle l'ordre de me le porter apr�s sa mort avec une somme de dix
mille florins. Mais Mika nous a interrompus... O� en �tions-nous?...
Et la baronne se tourna vers moi en souriant:
--Que voulais-je dire? Oui, la richesse est, en effet, sous certains
rapports, une cause de soucis. On poss�de et on ne jouit pas. Je ne
peux pas manger mon argent; il faudra que je le laisse, sans emporter
seulement une obole pour Caron. C'est triste!
--Eh bien! madame, vous voyez que cette seule pens�e g�te pour vous les
joies de la possession, et peut-�tre y a-t-il des jours o� d'autres
nuages se joignent � celui-l� pour vous attrister. Vous admettez
donc avec moi que les lots s'�galisent et que la nature est juste en
d�finitive. Celui qui, avec une poche vide, a le coeur gai, tient sa
part de f�licit� terrestre. Il donnera plut�t un oeuf sur les deux
qu'il poss�de que le riche n'en donnera un sur soixante, et pourtant le
plaisir de donner est infiniment sup�rieur � celui de recevoir.
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