Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


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Page 32

Le malade se retourna, et regardant l'oiseau familier:

--Oui, oui, dit-il, elle vient me parler d'un pays o� il n'y a plus
d'hiver, plus d'orages, plus de douleurs, plus de d�ceptions... Ne
connais-tu pas la croyance populaire? L'hirondelle qui entre dans la
chambre en volant est une messag�re de paix, une messag�re de mort...

--Pourquoi ces tristes pens�es?

--Elles ne sont pas tristes, Th�ofie; elles me sont tr�s-douces. Cette
nuit, j'ai r�v� que je volais, moi aussi, et, tandis que je m'�levais
de plus en plus haut, la terre se d�roulait au-dessous de moi comme une
broderie bigarr�e; les rivi�res n'�taient plus que des fils d'argent, et
les nuages voguaient dans l'azur comme des cygnes sur une nappe d'eau.
S'envole-t-on quand on est mort? Je voudrais m'envoler.

Le m�me jour, il fut saisi d'une grande faiblesse, mais refusa de se
coucher. Il sourit lorsque les huissiers de Kolomea entr�rent pour
saisir ses meubles au nom de la baronne Bromirska; il les observa en
souriant toujours, tandis qu'ils inscrivaient consciencieusement ses
habits r�p�s, son linge us�, ses vieilles bottes.

--Le reste m'appartient, dit sa femme, mettant la justice � la porte.

L'hirondelle �tait sortie depuis longtemps, mais Maryan croyait toujours
l'entendre; il la cherchait � travers la chambre. La nuit, il demanda
une fois � boire, puis voulut s'habiller. On lui ob�it, on lui donna ses
v�tements, on le porta jusqu'� la fen�tre.

--Laisse entrer, dit-il � sa femme, l'odeur des fleurs nouvelles... J'ai
senti le printemps!... Que c'est doux, que c'est bon!...

Th�ofie h�sitait � ouvrir la fen�tre, mais Maryan fit un mouvement des
paupi�res qui signifiait:--D�sormais, peu importe...--Et la fen�tre fut
ouverte.

--Ne la referme, dit le mourant, qu'apr�s que je ne serai plus, afin que
mon �me puisse s'envoler.

Il resta quelque temps tranquille, comme s'il e�t respir� avec d�lices
l'air embaum�. Tout � coup, sa t�te se renversa, et il se mit � chanter
tout bas:

Petite moissonneuse,
Aiguise ta faucille;
Dans la steppe, belle fille,
Le froment est m�r!

Au matin revinrent l'huissier, le clerc et le juge du village. Ils
avaient re�u l'ordre expr�s de conduire en prison Maryan Janowski, la
baronne Bromirska ayant demand�, outre la saisie, la contrainte par
corps. Th�ofie les conduisit dans la chambre fun�bre, o� br�laient six
grands cierges autour de Maryan, qui, p�le, paisible, plus beau que
jamais, les mains jointes sur les fleurs qui jonchaient sa poitrine,
semblait dormir. La fen�tre �tait rest�e ouverte, et, sur le rebord,
l'hirondelle, famili�rement perch�e, jetait son petit cri doux et triste
devant le catafalque drap� de noir.

--Le voici, dit avec amertume madame Janowska. Conduisez-le en prison si
vous voulez.

Les trois hommes firent le signe de la croix et s'agenouill�rent pour
r�citer une pri�re.


VII

Lorsque Warwara re�ut le billet de mort � marges noires, elle
s'�vanouit, et, longtemps apr�s qu'elle fut revenue � elle, ses larmes
coul�rent en abondance. Hermine resta pelotonn�e dans un coin jusqu'au
soir et du soir jusqu'au matin, sans rien dire. Le lendemain, elle fit
offrir le saint sacrifice pour le repos de l'�me du d�funt et pria de
tout son coeur.

Le premier rayon du soleil d'�t� ramena la baronne � Separowze. Elle
apprit que madame Janowska habitait encore la maison o� �tait mort
Maryan et r�solut d'aller lui rendre visite. La veuve, en grand deuil,
la re�ut avec plus de surprise que d'indignation; elle r�pondit � toutes
les questions qui lui furent pos�es sur les derniers moments de son
mari. Warwara, ayant fini de l'interroger, regarda, non sans quelque
embarras, ses ongles roses et murmura timidement:

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 21st Dec 2025, 19:26