Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


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Page 30

--Il est parti, r�pondit la boh�mienne.

--Parti? pour me rejoindre au th��tre peut-�tre?...

--Non, pour Kolomea.

--Mais il n'a pas un kreutzer sur lui!

--Il est parti cependant!

Warwara retourna dans la chambre, fouilla partout, compta son or,
inspecta son �crin. Il n'avait rien emport�! Ayant constat� cela, elle
tomba �plor�e dans un fauteuil.

Le vide laiss� par ce d�part lui devint de jour en jour plus sensible.
Mirosoff et sa soeur l'importunaient; elle avait pris l'Italie en
grippe. Sans m�me dire adieu � ses amis, elle quitta Rome brusquement et
passa quelques mois � Paris. L'�t� la retrouva, comme de coutume, dans
sa seigneurie de Separowze. Le premier soin de la baronne avait �t� de
s'informer de Maryan. Elle apprit que, gravement malade, celui-ci avait
�t� recueilli par un pauvre ma�tre d'�cole du voisinage. Elle lui
�crivit une lettre pleine de tendres reproches: Maryan ne r�pondit pas;
elle �crivit de nouveau, se plaignant de son ingratitude. Point de
r�ponse encore.

Alors elle cessa d'implorer l'amant et s'adressa au d�biteur, le priant
de lui rendre par fractions la somme qu'il lui devait. M�me silence. Le
temps s'�coula. Peu � peu elle parut oublier le pauvre Maryan Janowski,
mais une rencontre inattendue vint rafra�chir sa m�moire.

C'�tait par une apr�s-midi d'automne. La baronne avait fait en compagnie
de sa fid�le Hermine une assez longue promenade et retournait chez elle,
fatigu�e. Les rayons du soleil ruisselaient ti�des et clairs sur le
feuillage devenu rare et qui brillait des plus beaux tons de pourpre;
comme un fleuve d'or roulaient les feuilles tomb�es que l'on foulait aux
pieds et que le vent poussait devant lui par tourbillons; le ciel �tait
d'un bleu p�le admirablement limpide, mais dans l'air flottait une odeur
lourde et stup�fiante qui rappelait un peu l'�glise et tout autant la
cave. Le lointain �tait barr� par une de ces murailles basses et
grises que forment les brumes en s'amoncelant; des fils de la Vierge
s'accrochaient aux chaumes et aux herbes dess�ch�es; un vol de grues se
dirigeait vers le sud; bient�t on n'en vit plus qu'un triangle noir qui
se dessina sur le ciel, tandis que de temps � autre les cris stridents
des oiseaux voyageurs retentissaient dans le lointain comme un appel de
d�tresse.

Une cigogne retardataire perch�e sur une grange faisait tristement
claquer son bec; on e�t dit la cr�celle de bois du vendredi saint. Aucun
oiseau ne gazouillait plus; l'oeil e�t vainement cherch� dans l'espace
l'aile diapr�e d'un papillon: c'en �tait fait de la danse des moucherons
� travers les flammes rouges du soir, c'en �tait fait du concert des
grillons et du bourdonnement des abeilles. Un solennel silence r�gnait
dans la nature et faisait penser � ce calme qui se r�pand sur le visage
d'un mort apr�s qu'est exhal� le dernier soupir. Au milieu de ce
silence, sous ces mourantes lueurs, Warwara vit tout � coup Maryan
assis sur un banc de bois au seuil d'une maisonnette; ses mains �taient
jointes devant lui; ses grands yeux bleus lev�s vers le ciel semblaient
suivre le vol des oiseaux de passage qui �migraient vers le sud. Et
qu'il �tait p�le! A peine tenait-il encore � la terre!

La baronne frissonna, fondit en larmes, puis elle rebroussa chemin
pr�cipitamment. Il lui �tait impossible de passer devant le spectre de
celui qu'elle avait aim�.

Aux premi�res neiges, elle regagna Lemberg. L�, elle apprit, dans une
f�te chez le gouverneur, de la bouche de certain gentilhomme qui
avait des terres dans le voisinage de Kolomea, que Maryan Janowski
n'atteindrait pas le printemps, et qu'il e�t manqu� du strict n�cessaire
si quelques amis d'autrefois, entre autres un vieux juif ancien factotum
de son p�re, ne l'avaient point secouru. Le lendemain, Warwara se rendit
chez un procureur, qu'elle chargea de poursuivre Maryan selon la loi.
Lorsque celui-ci re�ut la sommation, il ne fit que sourire et d�chira le
papier en deux morceaux qu'il jeta au feu.

--L'affaire peut se discuter, lui dit le ma�tre d'�cole qui
l'h�bergeait. Ne la remettrez-vous pas entre les mains d'un avocat?

--Oh! dit Maryan avec un nouveau sourire, j'ai d�j� le meilleur
des avocats, celui contre lequel tous les tribunaux du monde sont
impuissants, la mort.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 21st Dec 2025, 15:42