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Page 22
On pourra s'�tonner de l'humilit� avec laquelle les supportait madame
Bromirska. Mais, � cette �poque, l'empire d'Hermine �tait d�finitivement
�tabli: la baronne, qui jusque-l� ne s'�tait attach�e � aucune femme,
aimait jusqu'� la rudesse de cette suivante au franc parler qui ne la
flattait jamais, tout en lui marquant un d�vouement absolu. Elle ne
l'avait pas d�cid�e sans peine � l'accompagner en Italie. Hermine lui
avait reproch� de sacrifier sa r�putation � un aventurier, de s'afficher
comme une courtisane, d'oublier la derni�re pudeur et avait fini par
d�clarer qu'elle ne tremperait pas dans un tel scandale, qu'elle s'en
irait. Les pri�res, les larmes de la baronne eurent raison de ces
scrupules qui n'�taient peut-�tre que les susceptibilit�s d'un despote
oblig� � l'improviste de partager le pouvoir; elle resta, mais en
t�moignant � l'intrus un d�dain �crasant, une froideur glaciale dont
il affectait de ne pas s'apercevoir. Peu � peu l'attitude de cette
singuli�re personne se modifia; elle observait Maryan et le m�pris qu'il
lui avait inspir� d'abord se changeait insensiblement en piti�. Plus
d'une fois la baronne, qui l'emmenait partout avec elle, au th��tre, �
la promenade, la traitant comme une soeur, remarqua, non sans en prendre
ombrage, l'expression des yeux noirs d'Hermine lorsqu'ils s'arr�taient
sur Maryan.
D�j� la f�licit� des amants s'obscurcissait de quelques nuages: chez
chacun d'eux commen�aient � s'�veiller lentement des instincts ennemis
qui semblaient vouer ces deux �tres unis par la passion � une haine
future, � des hostilit�s r�ciproques et implacables. Maryan �tait plus
amoureux que jamais, et cependant il avait des lueurs de raison, rares
et fugitives sans doute, qui lui permettaient de discerner toutes les
noirceurs, toutes les bassesses du caract�re de Warwara. Son avarice
surtout le r�voltait. Dans la pauvret� m�me, il avait toujours �t�
g�n�reux. Un mendiant lui tendait-il la main, il donnait son dernier
sou, sans demander d'abord:
--Es-tu digne d'�tre secouru? N'es-tu pas mis�rable par ta propre faute?
Warwara au contraire e�t consid�r� comme une faiblesse coupable de venir
en aide � un fain�ant; elle engageait les infirmes � se faire recevoir
dans quelque hospice, les vagabonds � travailler; celui-ci �tait trop
bien v�tu, il devait mentir, les haillons de celui-l� indiquaient une
vie de d�sordre abject.
Il �tait curieux de l'entendre, en ces circonstances, faire de la
morale comme si elle-m�me e�t �t� sans reproche. L'assemblage des deux
�pith�tes pauvre et honn�te la faisait rire; elle trouvait ces qualit�s
inconciliables.
--On ne doit jamais se laisser entra�ner par le sentiment, disait-elle,
jamais!
Maryan sifflait entre ses dents au lieu de r�pondre; ce langage �tait
si d�plac� dans la bouche d'une femme jeune, belle, aim�e! Une sorte de
m�lancolie l'envahit peu � peu.
--Est-il malade? se demandait Warwara.
L'�v�nement donna raison aux craintes qui la tourmentaient; une ann�e �
peine s'�tait �coul�e dans des voyages et des plaisirs de toutes sortes,
quand soudain, au milieu d'une f�te, le sang jaillit des l�vres du jeune
homme avec une violence �pouvantable. On e�t dit que le rouge torrent
de la vie voulait s'�chapper jusqu'� la derni�re goutte. Les m�decins
furent appel�s en toute h�te. Warwara s'enfuit; elle avait peur; elle
ne voulait pas assister au d�nouement terrible, et puis certains ennuis
pouvaient s'ensuivre pour elle. L'accident �tait survenu � Vienne.
--Il faut, dit-elle � Hermine, que nous partions pour Separowze; il
pourra m'y rejoindre, s'il gu�rit.
--Partez, r�pondit Hermine, moi je reste.
A la profonde surprise de sa ma�tresse, elle s'obstina dans cette
r�solution: personne ne savait pr�parer aussi bien qu'elle des pilules
de glace, ses soins �taient n�cessaires au malade, elle ne le quitterait
pas, c'�tait une question d'humanit�.
Quand, � la fin du quatri�me jour, le p�ril fut conjur�, Maryan promena
autour de lui un regard �teint en pronon�ant le nom de Warwara. Ce fut
Hermine qui r�pondit; il la regarda, sourit avec tristesse et lui tendit
une main tremblante, presque diaphane, sur laquelle tomba un baiser
mouill� de pleurs.
Warwara revint pour la convalescence avec de grandes d�monstrations de
tendresse et de joie. Tandis qu'agenouill�e devant le lit de repos o�
gisait Maryan, elle lui parlait des angoisses qu'elle avait ressenties,
Hermine la regardait avec des yeux qui s'�largissaient dans l'obscurit�
comme ceux d'une b�te de proie. La baronne se releva pour allumer une
cigarette dont la fum�e fit aussit�t tousser Maryan.
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