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Page 2
Le cours de la proc�dure se modifie si le plaignant a la bonne
id�e d'amadouer la justice par le don d'une vieille poule ou d'une
soixantaine d'oeufs. M. Gondola est trop �quitable pour m�priser les
petits, et le gentilhomme s'aper�oit � sa prochaine visite que son
affaire va mal tourner, � moins qu'il ne s'assure de l'intervention des
dames, laquelle est gagn�e d'ordinaire par deux robes de soie de Lyon.
Il peut arriver encore qu'un juif riche demande � M. Gondola
l'autorisation d'enterrer selon la religion de Mo�se avant le coucher
du soleil quelque membre de sa famille qui vient de rendre l'�me. C'est
contraire � la loi: celui qui est charg� de la faire ex�cuter le renvoie
sans mis�ricorde, la premi�re fois du moins. La seconde fois, on
l'�coute en se moquant de lui et du prix qu'il offre pour obtenir une
dispense. Soyez s�r que le juif reviendra une troisi�me fois, tremblant
comme la feuille, compter les cinquante ducats qu'exige le commissaire.
A peine aura-t-il eu le temps de soupirer, qu'on en exigera cent autres
pour l'h�pital, ou l'orphelinat, ou toute autre maison de charit�. S'il
est marchand, il lui sera permis d'envoyer aux dames de la toile, des
�toffes, que sais-je? Cette famille n'est pas fi�re et n'a garde de rien
d�daigner. Du reste, M. Gondola fait apporter de temps en temps, au
grand jour, dans sa propre cuisine, le bois destin� au bailliage; il
bourre ses poches de papier, de plumes, de cire � cacheter et autres
bagatelles dont regorgent les bureaux, sans oublier par-ci par-l� une
bouteille d'encre, bien qu'on �crive peu dans sa maison; mais sa femme
sait faire de tout un commerce lucratif. N�anmoins il n'y a jamais
d'argent au logis, le commissaire ne perdant pas de vue les devoirs de
repr�sentation qu'entra�ne son emploi et aimant pour son compte � vivre
comme un pacha.
La Panna Warwara avait grandi dans le milieu que nous venons de d�crire;
en outre, elle entendait chaque jour appeler gueux quiconque ne
poss�dait rien; elle voyait son p�re se courber jusqu'� terre devant
telles gens riches qu'il d�signait dans l'intimit� de la famille,
toutes portes closes, sous le nom de coquins. �tait-il question d'un
�tranger?--Qu'est-ce qu'il a? demandait M. Gondola.--Une fille se
mariait-elle?--Quels sont ses biens?
Le premier jouet de Warwara enfant avait �t� deux ducats tout neufs
que son p�re, revenant d'une tourn�e, lui jeta sur les genoux. Warwara
n'aimait pas la musique, on ne l'entendit jamais fredonner une chanson;
les romans ne l'attiraient gu�re, la po�sie l'ennuyait. Elle apprit au
contraire avec plaisir les langues: apr�s l'allemand, le fran�ais, puis
le russe et m�me un peu d'italien. A dix-huit ans, Voltaire �tait son
auteur favori. Elle lisait volontiers; mais jamais un caract�re noble,
une aventure touchante ne fixait son attention; ce qui la frappait,
c'�tait le tableau de la puissance, du faste. Aucune illusion, aucune
fantaisie ne dora jamais sa jeunesse; elle ne connut pas non plus, en
revanche, ces amers d�senchantements qui attendent � son d�but dans la
vie une �me confiante; elle ne prit jamais un joli gar�on d'esprit pour
un demi-dieu, ni un tronc d'arbre �clair� par la lune pour une colonne
d'argent. Pour elle, une for�t �tait un lieu o� l'on coupe du bois et le
bluet des bl�s une mauvaise herbe. Bref, cette fille avis�e voyait les
choses comme elles sont. Il �tait impossible au plus fin de la tromper
par un masque; elle reconnaissait aussit�t le vrai visage qu'on lui
cachait. Ce qui l'amusait singuli�rement, c'�tait l'incons�quence des
hommes en g�n�ral, qui, sans cesse occup�s � dissimuler leurs vices, �
feindre des vertus qu'ils n'ont pas, � para�tre meilleurs et plus beaux
que la nature ne les a faits, sont toujours dispos�s cependant � prendre
le fard d'autrui pour les couleurs ing�nues de la sant�.
S�re de sa propre sup�riorit�, Warwara �tait r�solue � profiter sans
mis�ricorde de la sottise humaine, afin d'acqu�rir une haute position
sociale; mais elle n'�tait pas encore fix�e sur le choix des moyens.
D'abord elle essaya son pouvoir sur ses parents, qu'elle dominait �
l'�gal l'un de l'autre, puis sur les jeunes officiers et employ�s
du bailliage, qui �taient entre ses mains comme autant de moineaux
prisonniers dans celles d'un enfant. Elle fit de nombreuses conqu�tes,
mais sut fuir tout ce qui ressemblait � une intrigue amoureuse. Son but
�tait un riche mariage, et elle n'avait pas tard� � d�couvrir avec sa
perspicacit� ordinaire que les filles romanesques se marient rarement.
Elle passait pour vertueuse et m�me pour prude, mais sa vertu n'�tait
que de la froideur.
Les sc�nes sanglantes de 1846 lui fournirent l'occasion de montrer
toute la force de son caract�re et l'inflexibilit� de son coeur.
L'insurrection polonaise contre l'Autriche avait �t� promptement
suivie de celle des paysans contre leurs seigneurs. Des massacres
�pouvantables, qui commenc�rent dans les provinces de l'ouest, eurent
lieu au nom de l'empereur, pour qui le peuple, s'armant de faux et de
fl�aux, avait pris parti. Beaucoup de gentilshommes durent se r�fugier
avec leurs familles et leurs serviteurs, dans les villes de province,
sous la protection de ce m�me gouvernement qu'ils avaient entrepris
d'abattre. La r�volution cependant n'�tait pas encore dompt�e; les
troupes autrichiennes avaient abandonn� aux insurg�s Cracovie et
Podgorze; un corps polonais avan�ait sur Tarnow. L'agglom�ration dans
les chefs-lieux de tant de gens, qui avaient en somme pris part � la
conspiration, parut dangereuse aux baillis, et ils s'empress�rent
d'�conduire au plus vite ces r�fugi�s, qui, les circonstances aidant,
pouvaient si facilement se changer en rebelles.
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