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Page 1
UN TESTAMENT
La pire pauvret�, c'est l'avarice du riche.
--Un testament insens�, un testament qui crie contre le ciel! avait
coutume de dire le notaire Batschkock chaque fois qu'il �tait question
des volont�s derni�res de la baronne Bromirska; jamais un �tre sorti
des mains de Dieu et dou� d'une dose quelconque de bon sens ne fit
d'absurdit� semblable! Il y a de quoi rire! Prendre pour h�ritier un
quadrup�de! Il y a de quoi mourir de rire!--Le notaire, par parenth�se,
ne laissait jamais �chapper l'occasion de rire avec bruit. Cette affaire
de testament m�rite du reste d'�tre racont�e:
I
Dans le chef-lieu d'un cercle de la Gallicie occidentale vivait, il n'y
a pas bien longtemps, un employ� polonais du nom de Gondola, qui, moins
par son m�rite qu'� force de pers�v�rance (il comptait plus de quarante
ann�es de service), finit par �tre nomm� commissaire du cercle. Sa
femme, une grande Polonaise, maigre � faire peur, lui avait donn� une
fille qui eut d'abord la mine d'une petite boh�mienne, promettant �
peine de devenir gentille, ce qui ne l'emp�cha point d'�tre � dix ans
tout � fait supportable, piquante � quatorze ans, et, vers l'�ge de
seize ans, une beaut�. Gondola lui-m�me e�t �t� dans l'ancienne Rome
un gladiateur de bonne mine, et � Potsdam un de ces grenadiers dont
Fr�d�ric-Guillaume se plaisait � immortaliser les larges �paules en
ajoutant leur portrait � la galerie du ch�teau. Sa nuque �tait celle
d'un taureau; ses mains eussent �trangl� le lion de N�m�e, ou roul� un
plat d'�tain comme une gaufre; quant � sa t�te, elle e�t fait honneur
au sultan Soliman. Cette inqui�tante vigueur �tait temp�r�e par
l'expression mielleuse de la physionomie; personne n'avait le sourire
plus humble, l'�chin� plus souple que M. Gondola. Bien qu'il par�t ne
jamais se soucier de l'avenir et tenir uniquement � jouir de la vie
en d�pensant ses revenus avec toute l'�l�gante l�g�ret� d'un vrai
gentilhomme polonais, il s'entendait � profiter de sa position et �
remplir ses coffres. Sa femme et sa fille, la Panna Warwara, l'aidaient
de leur mieux; elles �taient ing�nieuses � d�couvrir toujours de
nouvelles ressources, mais il les surpassait encore en habilet�. Avant
1848, les plaintes des paysans contre leurs propri�taires remplissaient
les bailliages galliciens; et toutes ces plaintes, sans exception,
passaient par les mains de M. Gondola. Il �tait donc naturel que les
gentilshommes lui fissent la cour. On ne lui donnait pas le bonjour, on
se jetait � ses pieds, en paroles, cela va sans dire, mais il comprenait
ces paroles � la fa�on de certaines dames de th��tre qui tendent la main
quand on leur offre son coeur. S'agissait-il par exemple d'un paysan
� demi mort, assomm� par un seigneur qui prenait tous les saints de
l'�glise romaine � t�moin de son innocence, M. Gondola �tait bien trop
poli pour rudoyer le coupable. Non, il lui offrait un fauteuil et se
contentait de faire observer en soupirant que c'�tait l� une mauvaise
affaire sur laquelle se prononceraient les tribunaux. L�-dessus, le
tyran de village croyait d�j� sentir autour de son cou les deux grandes
mains du commissaire; il rougissait, perdait haleine, suppliait,
implorait, mais sans r�ussir � �mouvoir ce repr�sentant int�gre de
l'autorit�.
--Vous avez l�, commen�ait d'un air indiff�rent M. Gondola, des chevaux
superbes et une jolie voiture. Que vous �tes heureux! Un pauvre diable
de ma sorte n'a jamais l'occasion de conduire en si bel �quipage sa
femme et son enfant!
Cette simple r�flexion produit l'effet d�sir�; depuis lors, la voiture
est toujours aux ordres de M. Gondola; il s'en sert pour aller lever
ses impositions; sa femme et sa fille en profitent pour des parties de
campagne; mais cela ne suffirait pas � d�sarmer M. Gondola. Chaque fois
que le gentilhomme vient en ville, il lui fait l'honneur d'accepter un
bon d�jeuner. L'aubergiste juif offre les mets les plus exquis, les
meilleurs vins de sa cave, et, le repas termin�, Gondola pousse la
d�licatesse jusqu'� sortir dans la rue pour laisser le gentilhomme
r�gler la note. Madame Gondola montre la m�me d�licatesse quand le
seigneur envoie une provision de farine, de beurre, de pommes de terre,
du gibier ou un petit cochon; elle compte scrupuleusement si le nombre
des objets envoy�s s'accorde bien avec l'�num�ration qu'en a faite
le donateur, ne manque jamais de demander au commissionnaire s'il
appartient � la Soci�t� de temp�rance, le loue si sa r�ponse est
affirmative, l'exhorte s�v�rement dans le cas contraire, mais sous aucun
pr�texte ne lui offre un verre de bi�re. Le donateur vient-il rendre
visite � ces dames, elles gardent un silence digne; c'est � peine si
madame Gondola se d�fend quand il baise sa main dure et osseuse. Enfin
M. le commissaire se d�cide cependant � trouver que le paysan a exag�r�
les s�vices dont il pr�tend avoir �t� victime, et il le renvoie avec un
peu d'argent, tr�s-peu, pour se faire soigner.
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