Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


Main
- books.jibble.org



My Books
- IRC Hacks

Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare

External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd

books.jibble.org

Previous Page | Next Page

Page 17

--Si je l'expliquais, vous me comprendriez mal peut-�tre. Je ne veux pas
avant toutes choses que vous me m�prisiez.

--D�cid�ment, vous �tes fou! Je n'aurais jamais cru les hommes si
romanesques. O� avez-vous pris tout cela? Dans _Werther_?

Tout en faisant une moue de d�dain, elle approchait ses l�vres du visage
de Maryan qui sentit la fra�cheur de son haleine et recula.

L�-dessus, elle le toisa fi�rement de bas en haut et secoua la t�te
comme pour dire:

--Attends! tu me demanderas � genoux ce que tu feins de d�daigner
aujourd'hui.

Cette femme, malgr� toute sa perspicacit�, n'entendait rien aux
scrupules de la conscience.

--Il m'aime pourtant, disait-elle r�veuse, il me d�sire et il me fuit!..

Bromirski avait laiss� une assez belle biblioth�que � laquelle Maryan
empruntait parfois des livres. Un jour Warwara, feuilletant certain
volume de Mickiewicz qu'il venait de rapporter, vit une marque autour de
quatre vers qui peuvent se traduire ainsi:

�Mon �me, le souvenir habite en toi, comme un vautour.--Il dort pendant
la temp�te du sort et tu es sauve.--Mais le repos et la confiance te
sont-ils rendus,--Aussit�t, tu saignes sous des serres impitoyables.�

--Pourquoi, demanda Warwara, pourquoi donc avoir marqu� ce passage?

Maryan s'en d�fendit.

--C'est inutile de nier, s'�cria-t-elle, vous l'avez marqu�, vous
dis-je! De quel souvenir �tes-vous tourment�? Qu'avez-vous perdu? A quoi
bon saigner et vous d�battre?

--Il est donn� au po�te, r�pondit Maryan d'une mani�re �vasive, de
rendre dans la langue des anges la souffrance muette de l'homme...

--Continuerez-vous � parler par �nigmes? interrompit Warwara avec
emportement. Pr�tendez-vous, monsieur, vous jouer de moi? Assez de
phrases sentimentales! Si je vous plais comme autrefois... alors... ces
vers sont superflus, je ne vous ai pas repouss�! Si vous ne tenez plus
� moi, que signifient ces soupirs, ces allusions, ces aveux � demi
�touff�s qui agacent mes nerfs et qui commencent, entendez-vous... �
m'ennuyer?

Maryan �clata enfin:

--Faut-il vous dire que je vous aime?

--Vous ne pouvez pourtant vous attendre raisonnablement � ce que je le
dise la premi�re?

--O� nous conduirait ma folie? Vous �tes libre, mais moi...

--Ah! nous y voici! vous voudriez m'�pouser! dit Warwara avec un rire
moqueur; mes richesses ne vous feraient pas honte si je vous offrais de
les partager, de monter du rang de petit greffier � celui de ma�tre de
Separowze!

Maryan �tait devenu tr�s-p�le.

--Je vous l'avais bien dit que vous me comprendriez mal, r�pondit-il
avec hauteur; heureusement, je peux prouver par mes actes que...

Il s'interrompit, salua et sortit tranquillement de la chambre.

Warwara s'effor�a en vain de le rappeler; elle parut trop tard � la
fen�tre ouverte, il d�passait d�j� d'un pas rapide l'all�e de peupliers;
il n'eut garde de se retourner pour voir flotter un mouchoir blanc, il
fut sourd � la voix qui pronon�ait son nom avec un m�lange de pri�re et
d'angoisse. Son orgueil avait triomph� encore une fois, mais le triomphe
ne devait pas �tre de longue dur�e.

Lorsque M. de Lindenthal se pr�senta ce soir-l� chez la baronne il ne
fut pas re�u, et le lendemain Warwara se leva les yeux rouges. Si Maryan
se f�t tra�n� � ses genoux, elle l'e�t repouss� peut-�tre; les d�dains
du jeune homme irritaient son amour-propre. Elle pensait comme
Talleyrand que chaque homme, de m�me que chaque chose, a son prix et
le fait qu'un pauvre petit scribe e�t consid�r� comme une offense
l'hypoth�se d'�tre enrichi par ses mains la laissait confondue. A tout
prix, il fallait vaincre cette insolence. D'ailleurs elle aimait Maryan
autant qu'il lui �tait possible d'aimer, avec une sorte d'�nergie
semblable � de l'avidit�. Elle le poursuivit d�sormais, comme don Juan
put poursuivre une fille aux abois. Son unique pens�e du matin au soir
�tait de le rencontrer, et elle le rencontrait, comme si sa volont�
implacable e�t forc� les �v�nements. Chaque fois elle le saluait
affectueusement; elle s'arr�tait m�me, dans l'espoir qu'il l'aborderait,
et Maryan passait d'un air sombre. Une fois, sur la route imp�riale, �
quelque distance de la ville, elle fit arr�ter sa voiture et cria:

Previous Page | Next Page


Books | Photos | Paul Mutton | Fri 19th Dec 2025, 22:19