Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


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Page 15

--War... madame!...

--Point de paroles, interrompit Warwara; donnez-moi des preuves
s�rieuses de repentir, et je verrai si je dois vous pardonner.

Elle lui pardonna, car il revint souvent. Bien que l'honn�tet� m�t un
sceau sur ses l�vres, il laissait lire dans ses yeux bien des choses
qui, reli�es et dor�es sur tranche, se nomment de la po�sie. Maryan
�tait trop fier pour parler de ce qui reposait au plus profond de son
�me, comme dans un s�pulcre; il employait donc tous les moyens pour ne
pas se laisser entra�ner � de p�rilleuses conversations. Il y avait par
exemple un �chiquier sur la petite table devant le divan turc. Maryan
pla�ait cet �chiquier entre lui et Warwara, qui toutes les fois
l'amenait � se rendre.

--Comment peut-on jouer aussi mal? dit-elle un jour; il n'y a pas de
plaisir � vous battre. Faites donc attention!

--Je suis tout attention, r�pliqua Maryan et c'est justement ce qui me
trouble.

--A quoi faites-vous donc attention?

--A vos mains.

Ses mains �taient en effet fort belles. Elle le savait et sourit.

--Quand vous tenez suspendue au-dessus du damier cette main qui pourrait
�tre un chef-d'oeuvre de statuaire, continua le jeune homme, j'ai
toujours l'impression qu'il vous serait aussi facile de toucher ma
poitrine et de saisir mon coeur.

--Ah! et qu'en ferais-je?

--Une pelote � �pingles peut-�tre.

Un jour Maryan vint dans l'apr�s-midi. Il faisait si beau que Warwara ne
voulut pas le retenir � jouer et proposa une promenade.

Elle mit son grand chapeau de paille, prit son ombrelle et s'en alla
ga�ment avec lui � travers les ondes m�rissantes des bl�s, du c�t� du
village d'Antoniowska. Le soleil br�lait, l'air �tait lourd � �touffer,
de grands nuages blancs se gonflaient comme des voiles et montaient vite
sans qu'on sent�t le souffle qui les poussait en avant. Les oiseaux
se taisaient, on n'entendait que le coassement des grenouilles et la
chanson des cigales. Par un temps semblable, on cherche l'ombre. Warwara
s'assit sur la lisi�re d'un verger; Maryan se tenait debout � quelques
pas, la regardant mordiller un �pi de bl�:

--Je suis fatigu�e, dit-elle; cette chaleur est insupportable.

--Nous aurons de l'orage, r�pliqua Maryan sans se rapprocher.

--Croyez-vous?

Comme le silence se prolongeait:

--En pareil cas, pensa la baronne, la litt�rature est la meilleure
ressource.--Et elle entama une comparaison entre les romans fran�ais et
anglais � laquelle Maryan ne s'attendait gu�re; il s'y jeta cependant �
corps perdu pour sortir d'embarras. Tous deux parlaient avec tant de feu
qu'ils ne remarqu�rent pas ce qui se passait au ciel. De grosses gouttes
de pluie les avertirent de gagner le village. Warwara cherchait en vain
� s'abriter sous son ombrelle; une forte gr�le se m�lait � des torrents
d'eau.

--Nous serons lapid�s! criait-elle.

Maryan l'entra�na, �perdue, jusqu'� la plus proche chaumi�re qui se
cachait sous les pommiers et les buissons de syringa. Il en poussa
la porte, et aussit�t une grosse poule mouchet�e, effray�e de cette
irruption, sauta sur la table avec des gloussements de d�tresse, puis de
la table sur le po�le o� elle continua de s'agiter.

--Les gens de la maison doivent �tre aux champs, dit la baronne, et moi
je suis tremp�e; si l'on pouvait faire un peu de feu pour se s�cher!

Maryan eut vite trouv� du bois r�sineux et quelques brins de fagot qui
remplirent le po�le de p�tillements pareils aux coups de fusils d'une
bataille.

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 19th Dec 2025, 18:27