Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


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Page 14


IV

Warwara donna en ces circonstances � sa m�re une premi�re preuve d'amour
filial; elle prit madame Gondola dans sa maison. Les mauvaises langues
pr�tendirent que c'�tait en qualit� de femme de charge.

Jamais veuve ne porta le deuil avec plus de plaisir que Warwara, car
chaque miroir lui r�p�tait que les cr�pes noirs faisaient valoir son
teint �blouissant. Du reste, elle se d�dommagea d'une ann�e de retraite
forc�e par les plaisirs de l'ann�e qui suivit. M. de Lindenthal avait
demand� sa main; elle r�pondit avec autant de gr�ce que de fermet�
qu'elle voulait rester libre, mais qu'elle ne lui d�fendait pas
d'embellir ses jours.

Warwara n'�tait �conome que de son propre argent. Elle acceptait sans
scrupule les f�tes que Lindenthal lui donnait, elle acceptait sa loge au
th��tre de Lemberg, de m�me qu'elle lui permettait de la conduire aux
bals du gouverneur et des magnats. Retournait-elle � Separowze? Toute la
contr�e �tait sur le qui-vive, car ce devait �tre le signal de quelques
splendides r�jouissances, et jamais l'attente de l'honn�te noblesse
campagnarde ne fut d��ue; aujourd'hui encore, ceux de ses membres qui
ont surv�cu � cette �poque racontent les f�eries imagin�es par la
baronne Bromirska. Elle monta une fois avec Lindenthal dans un tra�neau
qui repr�sentait un ours blanc emport� par six chevaux noirs. V�tue
comme une czarine, coiff�e d'un kalpak �lev� � plumes de h�ron, elle
jetait � la foule enthousiaste des poign�es de ducats qui ne sortaient
pas de ses coffres. Sur l'�tang gel�, on construisit au mois de janvier
un petit palais de glace dont le portail �tait pr�c�d� de deux dauphins
crachant des flammes. Au carnaval c'�tait des bals masqu�s, des cort�ges
o� figurait Warwara en V�nus triomphante sur un char de forme antique.
L'�t� suivant eurent lieu des r�gates tout � fait extraordinaires, les
bateaux finissant par donner la chasse � une baleine de carton qui fut
tra�n�e ensuite, � l'aide de harpons d'argent, devant la reine de la
f�te. Sur une estrade se tenaient des musiciens en costumes turcs et,
lorsque la nuit se r�pandit, l'�tang et ses bords �tincel�rent soudain
de lanternes de couleurs comme pr�lude au plus brillant des feux
d'artifice.

Dans le tourbillon d'une pareille vie, Warwara n'oubliait pas
l'administration de ses terres; en m�me temps elle augmentait ses
revenus par d'habiles sp�culations. Rien n'�chappait � sa surveillance
�pre et impitoyable. Le fermier de son moulin ne pouvant payer
exactement, avait demand� en vain un sursis; en vain sa femme
s'�tait-elle jet�e aux pieds de la baronne; il fut accus�, condamn� et
une commission vint de Kolomea pour proc�der � l'ex�cution l�gale. Tout
�tant fini, ces messieurs furent pri�s de d�ner � la seigneurie, selon
un vieil usage auquel ne pouvait �chapper la baronne, bien qu'elle le
d�sapprouv�t. Quelle surprise pour Warwara lorsque, entrant dans la
salle � manger, elle se trouva en face de Maryan Janowski! Le jeune
homme impressionnable rougit jusqu'aux yeux; la femme froide, prudente
et hardie, perdit elle-m�me quelque peu contenance. N�anmoins elle se
remit promptement, lui tendit la main et s'�cria:

--Quel heureux hasard!

Puis elle for�a M. Janowski de s'asseoir aupr�s d'elle � table et quand,
le d�ner termin�, les convives prirent place � la table de jeu, Warwara
appela Maryan aupr�s d'elle sur un petit divan turc, � l'autre extr�mit�
du salon.

--Dites-moi avant tout, mon ami, demanda-t-elle avec aisance, pourquoi,
puisque nous sommes si proches voisins, vous ne m'avez jamais rendu
visite?

--Je vous prie, madame la baronne, de consid�rer ma position...

--Vous �tes mari�, c'est vrai! dit Warwara d'un ton moqueur.

--Ce n'est pas seulement cela, r�pondit Maryan avec calme, je suis
encore greffier du tribunal de Kolomea.

--Je ne comprends pas...

--Vous ne comprenez pas que je suis pauvre et que vous �tes riche? Vous
ne comprenez pas qu'un honn�te homme ne saurait �tre tent� par le r�le
de parasite?

--Je d�sire pourtant vous voir, dit la baronne, sa main blanche comme
l'hermine mollement pos�e sur celle de Maryan, vous voir tr�s-souvent...
Je ne vous ai pas oubli�, moi, bien que vous paraissiez, ajouta-t-elle
tr�s-bas, avoir effac� tout � fait de votre coeur certains souvenirs qui
me sont chers.

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 19th Dec 2025, 3:08