Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


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Page 115

--Ah! ah! vous avouez que la famille est un �cueil, s'�cria Popiel.

--Non pas! s'�cria Marie-Casimire, presque en col�re. En supprimant la
famille et le mariage, on priverait d'une puissante impulsion le travail
et le progr�s. Nous voulons que les liens du mariage, s'ils deviennent
lourds et p�nibles, puissent �tre rompus, qu'il n'y ait qu'une cha�ne
d'amour entre l'�poux et l'�pouse; mais faire de la femme un bien
commun, ce serait l'abaisser mille fois plus que si on la condamnait �
�tre toute sa vie l'esclave d'un seul. La femme n'est pas la propri�t�
de l'homme, elle est sa compagne et doit �tre plac�e par l'�ducation au
m�me rang que lui.

--Mais si la m�re mal avis�e s'avise d'�tudier l'anatomie ou de
commander un r�giment, r�pliqua Felbe, que deviendront les enfants?

--Je vous ai d�j� dit que l'�tat y pourvoirait, dit Z�non.

--Avec quelles ressources, s'il vous pla�t? insista Felbe.

--L'imp�t existe d�j�, r�pondit Z�non, et aussi, par cons�quent, le
principe que nul ne poss�de rien sans l'approbation de l'�tat, qui
se r�serve le droit de pr�lever dans l'int�r�t de la masse, sur la
propri�t� qu'il reconna�t � chaque personne, autant et parfois plus que
cette personne ne peut donner. Le droit d'expropriation, les taxes sur
l'h�ritage ont la m�me base; il suffit de d�velopper un principe d�j�
reconnu; les fondements de l'�difice sont pos�s. Le jour o� il n'y aura
plus entre les peuples de luttes par les armes, mais par le travail
seulement, le jour o� l'on admettra que le devoir g�n�ral du travail
importe plus � l'�tat que le devoir g�n�ral de la guerre, ce jour-l�,
dis-je, l'�tat, qui, � l'heure qu'il est, exerce, habille et nourrit ses
soldats, instruira, v�tira et nourrira bien plus ais�ment ses ouvriers;
de m�me qu'il construit aujourd'hui des casernes et des arsenaux, il
construira des fabriques, de grands ateliers communs, des bazars, et,
de m�me qu'il paye ses soldats, il donnera aux ouvriers un salaire
r�gulier, proportionn� � leur effort, car les ouvriers sont les arm�es
de l'avenir.

Comme Popiel, Len�tre et Felbe discutaient ses paroles avec une certaine
v�h�mence, chacun selon son sentiment:

--Laissons faire le temps! dit Z�non. Le progr�s ne se r�alise que peu
� peu: chaque pas en avant est suivi d'un pas en arri�re pour les
r�volutions les plus simples. D'abord on combat longtemps les th�ories;
mais, aussit�t que la question se pr�sente devant nous sous une forme
pratique, il faut la r�soudre co�te que co�te! La solution peut �tre
lente, n'importe! elle viendra. Voyez! un premier essai tr�s-�quitable a
�t� fait chez nous avec le partage des terres en Autriche; ce n'est pas
suffisant, mais enfin c'est un jalon pour l'avenir. Il est assez oiseux
de poser des syst�mes; cependant je trouve bon de montrer sans cesse �
l'humanit� le but qu'elle doit atteindre et qu'elle atteindra.

Les beaux r�ves feront leur temps, les n�cessit�s r�elles s'imposeront,
que nous nous en m�lions ou non. La vie de l'humanit� est r�gl�e par des
lois naturelles et fixes qui s'accomplissent irr�sistiblement, qu'on ne
peut presser ni entraver. Qui e�t os� pr�voir au temps des Huss et des
Savonarole l'�re de la libert� religieuse? qui e�t parl� sous Louis XIV
et Fr�d�ric le Grand de restrictions mises au pouvoir du roi? qui
donc, il y a un si�cle, n'aurait cru les privil�ges de la noblesse
invuln�rables et n'e�t trait� d'utopie l'�galit� de toutes les classes
devant la loi? Ceux qui s'engourdissent dans leurs privil�ges finissent
toujours par perdre ce qui faisait leur orgueil. La propri�t� devient de
plus en plus mobile et divis�e. Aussi suis-je persuad� que des mesures
d�cisives seront prises t�t ou tard � son �gard et qu'une communaut�
sage, raisonn�e, n'�tonnera pas plus les hommes de ce temps-l� que nous
ne sommes �tonn�s, nous autres, par ces grands progr�s modernes: la
vapeur rempla�ant le cheval, et l'�clair �lectrique se substituant � la
plume.

Personne ne fut convaincu, mais Marie-Casimire fixa sur son mari un
regard d'esp�rance et de foi profonde.


VIII

Lorsque je visitai en 1862 cette merveilleuse colonie, le Paradis sur le
Dniester, Z�non Mirolawski avait r�alis� ses projets dans la mesure de
ses forces, et il faut avouer que cette utopie mise en pratique �tait de
nature � faire sur le voyageur une tr�s-vive impression.

Marie-Casimire, toujours royalement belle, continuait � comprendre et
� v�n�rer son �poux, qu'elle aidait dans une oeuvre o� la charit�
chr�tienne se joignait au sentiment �clair� autant que g�n�reux de tels
besoins, de telles aspirations de nos jours. Ayant h�rit� des biens
immenses de la famille Dolkonski, Z�non et la noble femme qu'il avait
associ�e � sa t�che vivaient aussi modestement que par le pass� des
seuls revenus de Tymbark. Ils n'avaient r�serv� pour eux que le ch�teau
de Tchernovogrod, qu'ils habitaient; toutes leurs terres s'�taient
transform�es en un petit �tat industrieux, peupl� exclusivement
d'ouvriers qui n'�taient autres que des pauvres de toutes les
nationalit�s venus de leur plein gr� sur ce sol b�ni. Un acte de
fondation r�dig� avec la plus grande sagacit� juridique prot�geait cet
�tat contre tout conflit avec le gouvernement. La population �tait
saine, active et joyeuse; le fils a�n� du couple vertueux, qui donnait
� ces d�sh�rit�s r�concili�s avec la vie l'exemple du travail et du
bonheur, achevait ses �tudes � l'Universit�; j'aper�us le cadet parmi
les faucheurs d'un champ de bl� d'o� partaient des chansons. Entre le
ch�teau et le Dniester florissait une petite ville qui avait arbor� pour
embl�me une fourmili�re. Nulle part on n'y voyait de cabaret.

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 29th Dec 2025, 7:41