Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


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Page 113

Marie-Casimire embrassa Z�non avec un tendre respect et une religieuse
�motion.

--Il est donc vrai, dit-elle, que les grandes pens�es viennent du coeur!


VII

Sept ann�es s'�taient �coul�es depuis le jour o� Z�non avait quitt�, en
compagnie de sa jeune femme, le monde, son �clat, ses vanit�s et ses
orages, pour aller chercher la paix au vieux ch�teau de Tymbark, que son
p�re lui avait donn� en dot, dans la sauvage solitude des Karpathes.
Marie-Casimire �tait devenue m�re de deux beaux gar�ons; elle les avait
nourris elle-m�me, elle avait �veill� par ses tendres enseignements leur
esprit et leur coeur; elle dirigeait le m�nage d'une main diligente et
trouvait encore le temps de prendre part aux �tudes de Z�non, qui, tout
en creusant son grand probl�me social, �tudiait les langues anciennes et
modernes. Leur vie �tait simple; ils recevaient peu de visites; l'h�te
habituel du ch�teau �tait le vieux Mirolawski, lequel, devenu veuf,
ne pouvait pas plus se passer de ses petits-enfants qu'il n'avait pu
autrefois se passer de son fils.

Les agitations de 1846 et 1848, la guerre hongroise de 1849 n'avaient
produit sur cette heureuse famille que l'effet d'�clairs lointains
glissant sur le pur horizon.

Un soir de d�cembre 1852, se trouvait r�uni dans le grand salon de
Tymbark un cercle plus nombreux que de coutume. Marie-Casimire, dont la
beaut� s'�tait magnifiquement d�velopp�e, occupait le divan aupr�s
de son beau-p�re. A leurs pieds jouaient les deux petits gar�ons. Le
m�decin Len�tre se tenait debout devant le po�le; � cheval sur un si�ge,
Popiel grima�ait derri�re ses lunettes bleues; il avait beaucoup voyag�
aux d�pens de son protecteur, le comte Dolkonski; il avait �tudi� �
Vienne, � Heidelberg, � Paris, puis figur� dans cette derni�re ville sur
les barricades, aux journ�es de F�vrier; il avait compt� en Hongrie dans
les rangs de la l�gion polonaise, pour aller de l� faire connaissance en
Angleterre avec certains r�fugi�s russes, qui le consid�raient comme un
parfait nihiliste. A ses c�t�s se renversait, dans un grand fauteuil, M.
Felbe, ing�nieur allemand.

Z�non, qui aimait marcher en parlant, errait � travers le salon. Tous
ces gens s'entretenaient de la derni�re r�volution fran�aise, qu'avait
termin�e un coup d'�tat.

--Les r�volutions futures, dit le docteur, seront des r�volutions
sociales, et plus terribles que les pr�c�dentes par cons�quent. La
question de la propri�t� laisse toutes les autres bien loin en arri�re.
Qu'est-ce que la libert� politique quand l'esclavage mat�riel subsiste
aupr�s d'elle? On en a fini avec le combat contre la noblesse;
maintenant va commencer la lutte contre le capital.

--Il me semble que cette lutte est aussi vieille que l'humanit� m�me,
fit observer Marie-Casimire. Nous voyons en pr�sence aujourd'hui, comme
il y a six mille ans, les riches et les pauvres, les tyrans et les
esclaves, le luxe et l'indigence; devant cet immuable �tat de choses, on
se demande vraiment s'il peut �tre question de progr�s pour l'humanit�!

--Permettez, comtesse, dit l'ing�nieur Felbe en se levant; il me semble
que le mal que vous signalez grandit avec la civilisation: plus nous
nous rapprochons de l'�tat de nature, moins nous avons de besoins, moins
par cons�quent existe la v�ritable pauvret�.

Le docteur Len�tre s'emporta:

--Belle id�e de nous faire l'�loge de l'�tat de nature! Votre �ge d'or
ne serait que l'ineptie et la grossi�ret� pour tous! Je soutiens, moi,
que l'humanit� avance et s'�l�ve toujours, non pas tr�s-vite peut-�tre,
mais enfin nous avons fait un chemin respectable du despotisme, de
l'esclavage et de la brutalit� � l'instruction, au droit, � la libert�,
� la morale...

--D'ailleurs, ricana Popiel, � quoi bon vous �chauffer? Qu'importe que
l'humanit� avance ou r�trograde? Que sommes-nous, faibles atomes parmi
des millions de mondes? Un jour dispara�tra toute la population de
cette terre, �vanouie elle-m�me comme une bulle de savon qui cr�ve, et
l'univers n'en ira pas plus mal. Figurez-vous une goutte de ros�e de
moins dans l'immensit� d'une prairie...

--Laissez faire le bon Dieu, interrompit doucement Z�non.

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 29th Dec 2025, 3:43