Le legs de Caïn by Leopold Ritter von Sacher-Masoch


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Page 112

La courageuse fille n'h�sita pas: elle descendit dans la cour, o� Z�non
attendait sa r�ponse, et dit en passant aupr�s de lui:

--Je suis pr�te.

Puis elle revint sur ses pas et demanda, toujours � voix basse, du m�me
air indiff�rent:

--L'heure?...

--A dix heures, sur la terrasse, r�pondit Z�non en d�tournant la t�te.

A dix heures, un tra�neau de paysan s'arr�ta devant la petite porte du
jardin: le cocher, dont il e�t �t� impossible de reconna�tre les traits
sous le vaste bonnet de peau d'agneau qui descendait jusque sur son
nez, n'�tait autre que Pan Mirolawski, complice de l'enl�vement de
Marie-Casimire, comme il l'avait �t� de la fuite de son fils. Annul�
toute sa vie par une femme imp�rieuse, le bonhomme trouvait piquant de
jouer un r�le sur ses vieux jours.

La comtesse Marie parut sur la terrasse envelopp�e d'une pelisse, et la
sorci�re Patrowna, sortant d'un buisson couvert de neige, la conduisit
jusqu'au tra�neau, telle qu'une myst�rieuse figure du destin. A la porte
se tenaient Z�non et Mordica�. Le premier se jeta passionn�ment � genoux
et baisa les pieds de la jeune comtesse avant de la placer dans le
tra�neau. Le juif s'�tait �lanc� � c�t� du cocher.

--Mon philtre a donc r�ussi! murmura Patrowna � l'oreille de Z�non.

Un claquement de fouet, un bruit de clochettes, et l'heureux couple vola
au galop � travers la plaine blanche. Personne ne dit un mot pendant le
voyage.

De temps en temps, Marie-Casimire serrait la main de son amant, assis
sur la paille aupr�s d'elle. Ce ne fut qu'en atteignant Ostrowitz, o�
ils s'arr�t�rent dans la maison du garde, que Paschal le paysan se fit
conna�tre pour Z�non Mirolawski. Elle ne t�moigna ni joie ni trop grande
surprise. Press�e contre son coeur, elle lui dit:

--Qui que tu sois, je t'aime; je me suis livr�e sans conditions � un
paysan; je suivrai le fils du seigneur d'Ostrowitz � travers le monde,
qu'il me m�ne par un chemin de d�lices ou par un chemin de douleur.

Pan Mirolawski b�nit les deux jeunes gens, puis il leur dit:

--Je retourne sans plus tarder � Tchernovogrod. On doit �pargner
l'inqui�tude au coeur d'un p�re; d'ailleurs, je n'en ai pas fini encore
avec le m�tier d'entremetteur.

Rest�s seuls dans la maison du garde, Z�non et Marie-Casimire revinrent
avec ivresse sur les premi�res p�rip�ties de leur amour �clos dans un
champ de bl� comme une idylle biblique; le jeune Mirolawski passa, sans
plus tarder, de ces douces r�miniscences, au r�cit des r�ves exalt�s,
des projets g�n�reux qui l'avaient d�termin� � quitter le toit paternel
et conduit par cons�quent aupr�s de Marie.

--Ma bien-aim�e, lui dit-il, veux-tu t'associer � mon oeuvre? Certes je
n'esp�re pas r�ussir � supprimer la mis�re autour de moi: toutes les
aum�nes que nous r�pandrions, en nous privant nous-m�mes du n�cessaire,
ne soulageraient qu'un bien petit nombre de malheureux; leur effet
s'�teindrait avec nous, et nous nous serions expos�s volontairement
aux plus dures privations personnelles pour n'arriver peut-�tre qu'�
encourager l'insouciance et la paresse. Je ne te demande donc pas de
tout sacrifier � l'humanit�, mais seulement de renoncer, pour l'amour
d'elle, au superflu, d'�tre � la fois sa bienfaitrice et son exemple.
Proscrivons le luxe, qui ne peut �tre acquis que par l'esclavage et la
souffrance d'autrui; cherchons ensemble, avec une sainte ferveur, la
solution du plus triste et du plus compliqu� de tous les probl�mes, et,
lorsque nous croirons l'avoir trouv�, consacrons notre vie et nos biens
� mettre en pratique ce que nous aurons nomm�, dans la sinc�rit� de
notre conscience, la sagesse et la justice. Comprends-tu?

--Mon bien-aim�, r�pondit Marie-Casimire, suspendue � ses l�vres comme
l'ap�tre Jean � celles de J�sus, je t'ai dit que je te suivrais partout,
que je t'ob�irais en tout. Mais, dis-moi, qui donc t'a inspir� ces
belles et s�rieuses pr�occupations � l'�ge o� d'ordinaire la jeunesse ne
se soucie que de ses plaisirs?

--C'est l'amour, r�pondit Z�non. Mon p�re et ma m�re m'ont aim�, chacun
� sa mani�re, plus que je ne le m�ritais. Elle �tait s�v�re et il �tait
faible, mais tous deux ne vivaient que pour mon bien. J'ai grandi ainsi
dans une atmosph�re de tendresse, de d�vouement et de reconnaissance; ma
reconnaissance, il est vrai, s'adressait surtout � mon p�re, qui prenait
la responsabilit� de mes fautes d'enfant, au risque de s'attirer des
reproches et de l'ennui. Pour lui �pargner cela, j'aurais fait tout au
monde. J'en conclus que la bont� est puissante sur les coeurs. Nous
pratiquerons la bont�: quiconque se sent aim� devient n�cessairement
capable d'aimer les autres.

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 29th Dec 2025, 1:53