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Page 12
M. Alphonse me tira dans l'embrasure d'une fen�tre, et me dit en
d�tournant les yeux: �Vous allez vous moquer de moi... Mais je ne
sais ce que j'ai... je suis ensorcel�! le diable m'emporte!�
La premi�re pens�e qui me vint fut qu'il se croyait menac� de
quelque malheur du genre de ceux dont parlent Montaigne et madame
de S�vign�:
�Tout l'empire amoureux est plein d'histoires tragiques�, etc. Je
croyais que ces sortes d'accidents n'arrivaient qu'aux gens
d'esprit, me dis-je � moi-m�me.
�Vous avez trop bu de vin de Collioure, mon cher monsieur
Alphonse, lui dis-je. Je vous avais pr�venu.
-- Oui, peut-�tre. Mais c'est quelque chose de bien plus
terrible.�
Il avait la voix entrecoup�e. Je le crus tout � fait ivre.
�Vous savez bien mon anneau? poursuivit-il apr�s un silence.
-- Eh bien! on l'a pris?
-- Non.
-- En ce cas, vous l'avez?
-- Non... je... Je ne puis l'�ter du doigt de cette diable de
V�nus.
-- Bon! vous n'avez pas tir� assez fort.
-- Si fait... Mais la V�nus... elle a serr� le doigt.�
Il me regardait fixement d'un air hagard, s'appuyant �
l'espagnolette pour ne pas tomber.
�Quel conte! lui dis-je. Vous avez trop enfonc� l'anneau. Demain
vous l'aurez avec des tenailles. Mais prenez garde de g�ter la
statue.
-- Non, vous dis-je. Le doigt de la V�nus est retir�, reploy�;
elle serre la main, m'entendez-vous?... C'est ma femme, apparem-
ment, puisque je lui ai donn� mon anneau... Elle ne veut plus le
rendre.�
J'�prouvai un frisson subit, et j'eus un instant la chair de
poule. Puis, un grand soupir qu'il fit m'envoya une bouff�e de
vin, et toute �motion disparut.
Le mis�rable, pensai-je, est compl�tement ivre.
�Vous �tes antiquaire, monsieur, ajouta le mari� d'un ton
lamentable; vous connaissez ces statues-l�... il y a peut-�tre
quelque ressort, quelque diablerie, que je ne connais point... Si
vous alliez voir?
-- Volontiers, dis-je. Venez avec moi.
-- Non, j'aime mieux que vous y alliez seul.�
Je sortis du salon.
Le temps avait chang� pendant le souper, et la pluie commen�ait �
tomber avec force. J'allais demander un parapluie, lorsqu'une
r�flexion m'arr�ta. Je serais un bien grand sot, me dis-je,
d'aller v�rifier ce que m'a dit un homme ivre! Peut-�tre,
d'ailleurs, a-t-il voulu me faire quelque m�chante plaisanterie
pour appr�ter � rire � ces honn�tes provinciaux; et le moins qu'il
puisse m'en arriver, c'est d'�tre tremp� jusqu'aux os et
d'attraper un bon rhume.
De la porte je jetai un coup d'oeil sur la statue ruisselante
d'eau, et je montai dans ma chambre sans rentrer dans le salon. Je
me couchai; mais le sommeil fut long � venir. Toutes les sc�nes de
la journ�e se repr�sentaient � mon esprit. Je pensais � cette
jeune fille si belle et si pure abandonn�e � un ivrogne brutal.
Quelle odieuse chose, me disais-je, qu'un mariage de convenance!
Un maire rev�t une �charpe tricolore, un cur� une �tole, et voil�
la plus honn�te fille du monde livr�e au Minotaure! Deux �tres qui
ne s'aiment pas, que peuvent-ils se dire dans un pareil moment,
que deux amants ach�teraient au prix de leur existence? Une femme
peut-elle jamais aimer un homme qu'elle aura vu grossier une fois?
Les premi�res impressions ne s'effacent pas, et j'en suis s�r ce
M. Alphonse m�ritera bien d'�tre ha�...
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