La Vénus d'Ille by Prosper Mérimée


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Page 11

Il �tait pr�s de huit heures quand on se disposa � partir pour
Ille. Mais d'abord eut lieu une sc�ne path�tique. La tante de
mademoiselle de Puygarrig, qui lui servait de m�re, femme tr�s
�g�e et fort d�vote, ne devait point aller avec nous � la ville.
Au d�part, elle fit � sa ni�ce un sermon touchant sur ses devoirs
d'�pouse, duquel sermon r�sulta un torrent de larmes et des
embrassements sans fin. M. de Peyrehorade comparait cette
s�paration � l'enl�vement des Sabines. Nous part�mes pourtant, et,
pendant la route, chacun s'�vertua pour distraire la mari�e et la
faire rire; mais ce fut en vain.

� Ille, le souper nous attendait, et quel souper! Si la grosse
joie du matin m'avait choqu�, je le fus bien davantage des �quivo-
ques et des plaisanteries dont le mari� et la mari�e surtout
furent l'objet. Le mari�, qui avait disparu un instant avant de se
mettre � table, �tait p�le et d'un s�rieux de glace. Il buvait �
chaque instant du vieux vin de Collioure presque aussi fort que de
l'eau-de-vie. J'�tais � c�t� de lui, et me crus oblig� de
l'avertir:

�Prenez garde! on dit que le vin...�

Je ne sais quelle sottise je lui dis pour me mettre � l'unisson
des convives.

Il me poussa le genou, et tr�s bas il me dit:

�Quand on se l�vera de table..., que je puisse vous dire deux
mots.�

Son ton solennel me surprit. Je le regardai plus attentivement, et
je remarquai l'�trange alt�ration de ses traits.

�Vous sentez-vous indispos�? lui demandai-je.

-- Non.�

Et il se remit � boire.

Cependant, au milieu des cris et des battements de mains, un
enfant de onze ans, qui s'�tait gliss� sous la table, montrait aux
assistants un joli ruban blanc et rose qu'il venait de d�tacher de
la cheville de la mari�e. On appelle cela sa jarreti�re. Elle fut
aussit�t coup�e par morceaux et distribu�e aux jeunes gens, qui en
orn�rent leur boutonni�re, suivant un antique usage qui se
conserve encore dans quelques familles patriarcales. Ce fut pour
la mari�e une occasion de rougir jusqu'au blanc des yeux. Mais son
trouble fut au comble lorsque M. de Peyrehorade, ayant r�clam� le
silence, lui chanta quelques vers catalans, impromptus, disait-il.
En voici le sens, si je l'ai bien compris:

�Qu'est-ce donc, mes amis? Le vin que j'ai bu me fait-il voir
double? Il y a deux V�nus ici...�

Le mari� tourna brusquement la t�te d'un air effar�, qui fit rire
tout le monde.

�Oui, poursuivit M. de Peyrehorade, il y a deux V�nus sous mon
toit. L'une, je l'ai trouv�e dans la terre comme une truffe;
l'autre, descendue des cieux, vient de nous partager sa ceinture.�

Il voulait dire sa jarreti�re.

�Mon fils, choisis de la V�nus romaine ou de la catalane celle que
tu pr�f�res. Le maraud prend la catalane, et sa part est la
meilleure. La romaine est noire, la catalane est blanche. La
romaine est froide, la catalane enflamme tout ce qui l'approche.�

Cette chute excita un tel hourra, des applaudissements si bruyants
et des rires si sonores, que je crus que le plafond allait nous
tomber sur la t�te. Autour de la table il n'y avait que trois
visages s�rieux, ceux des mari�s et le mien. J'avais un grand mal
de t�te; et puis, je ne sais pourquoi, un mariage m'attriste
toujours. Celui-l�, en outre, me d�go�tait un peu.

Les derniers couplets ayant �t� chant�s par l'adjoint du maire, et
ils �taient fort lestes, je dois le dire, on passa dans le salon
pour jouir du d�part de la mari�e, qui devait �tre bient�t
conduite � sa chambre, car il �tait pr�s de minuit.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 14th Dec 2025, 14:13