Colomba by Prosper Mérimée


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Page 9

Apr�s trois jours de navigation, on se trouva devant les
Sanguinaires, et le magnifique panorama du golfe d'Ajaccio se
d�veloppa aux yeux de nos voyageurs. C'est avec raison qu'on le
compare � la baie de Naples; et au moment o� la go�lette entrait
dans le port, un maquis en feu, couvrant de fum�e la Punta di
Girato, rappelait le V�suve et ajoutait � la ressemblance. Pour
qu'elle f�t compl�te, il faudrait qu'une arm�e d'Attila v�nt
s'abattre sur les environs de Naples; car tout est mort et d�sert
autour d'Ajaccio. Au lieu de ces �l�gantes fabriques qu'on
d�couvre de tous c�t�s depuis Castellamare jusqu'au cap Mis�ne, on
ne voit, autour du golfe d'Ajaccio, que de sombres maquis, et
derri�re, des montagnes pel�es. Pas une villa, pas une habitation.
Seulement, �� et l�, sur les hauteurs autour de la ville, quelques
constructions blanches se d�tachent isol�es sur un fond de
verdure; ce sont des chapelles fun�raires, des tombeaux de
famille. Tout, dans ce paysage, est d'une beaut� grave et triste.

L'aspect de la ville, surtout � cette �poque, augmentait encore
l'impression caus�e par la solitude de ses alentours. Nul
mouvement dans les rues, o� l'on ne rencontre qu'un petit nombre
de figures oisives, et toujours les m�mes. Point de femmes, sinon
quelques paysannes qui viennent vendre leurs denr�es. On n'entend
point parler haut, rire, chanter, comme dans les villes
italiennes. Quelquefois, � l'ombre d'un arbre de la promenade, une
douzaine de paysans arm�s jouent aux cartes ou regardent jouer.
Ils ne crient pas, ne se disputent jamais; si le jeu s'anime, on
entend alors des coups de pistolet, qui toujours pr�c�dent la
menace. Le Corse est naturellement grave et silencieux. Le soir,
quelques figures paraissent pour jouir de la fra�cheur, mais les
promeneurs du Cours sont presque tous des �trangers. Les
insulaires restent devant leurs portes; chacun semble aux aguets
comme un faucon sur son nid.



IV

Apr�s avoir visit� la maison o� Napol�on est n�, apr�s s'�tre
procur� par des moyens plus ou moins catholiques un peu du papier
de la tenture, miss Lydia, deux jours apr�s �tre d�barqu�e en
Corse, se sentit saisir d'une tristesse profonde, comme il doit
arriver � tout �tranger qui se trouve dans un pays dont les
habitudes insociables semblent le condamner � un isolement
complet. Elle regretta son coup de t�te; mais partir sur-le-champ,
c'e�t �t� compromettre sa r�putation de voyageuse intr�pide; miss
Lydia se r�signa donc � prendre patience et � tuer le temps de son
mieux. Dans cette g�n�reuse r�solution, elle pr�para crayons et
couleurs, esquissa des vues du golfe, et fit le portrait d'un
paysan basan�, qui vendait des melons, comme un mara�cher du
continent, mais qui avait une barbe blanche et l'air du plus
f�roce coquin qui se p�t voir. Tout cela ne suffisant point �
l'amuser, elle r�solut de faire tourner la t�te au descendant des
caporaux, et la chose n'�tait pas difficile, car, loin de se
presser pour revoir son village, Orso semblait se plaire fort �
Ajaccio, bien qu'il n'y v�t personne. D'ailleurs miss Lydia
s'�tait propos� une noble t�che, celle de civiliser cet ours des
montagnes, et de le faire renoncer aux sinistres desseins qui le
ramenaient dans son �le. Depuis qu'elle avait pris la peine de
l'�tudier, elle s'�tait dit qu'il serait dommage de laisser ce
jeune homme courir � sa perte, et que pour elle il serait glorieux
de convertir un Corse.

Les journ�es pour nos voyageurs se passaient comme il suit: le
matin, le colonel et Orso allaient � la chasse; miss Lydia
dessinait ou �crivait � ses amies, afin de pouvoir dater ses
lettres d'Ajaccio. Vers six heures, les hommes revenaient charg�s
de gibier; on d�nait, miss Lydia chantait, le colonel s'endormait,
et les jeunes gens demeuraient fort tard � causer.

Je ne sais quelle formalit� de passeport avait oblig� le colonel
Nevil � faire une visite au pr�fet; celui-ci, qui s'ennuyait fort,
ainsi que la plupart de ses coll�gues, avait �t� ravi d'apprendre
l'arriv�e d'un Anglais, riche, homme du monde et p�re d'une jolie
fille; aussi il l'avait parfaitement re�u et accabl� d'offres de
services; de plus, fort peu de jours apr�s, il vint lui rendre sa
visite. Le colonel, qui venait de sortir de table, �tait
confortablement �tendu sur le sofa, tout pr�s de s'endormir; sa
fille chantait devant un piano d�labr�; Orso tournait les
feuillets de son cahier de musique, et regardait les �paules et
les cheveux blonds de la virtuose. On annon�a M. le pr�fet; le
piano se tut, le colonel se leva, se frotta les yeux, et pr�senta
le pr�fet � sa fille:

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 28th Apr 2025, 19:27