Colomba by Prosper Mérimée


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Page 25

�Pourquoi se d�ranger? dit Orso; la place n'est-elle pas � tout le
monde?�

Et il poussa son cheval.

�Brave coeur! dit tout bas Colomba... Mon p�re, tu seras veng�!�

En arrivant sur la place, Colomba se pla�a entre la maison des
Barricini et son fr�re, et toujours elle eut l'oeil fix� sur les
fen�tres de ses ennemis. Elle remarqua qu'elles �taient
barricad�es depuis peu, et qu'on y avait pratiqu� des archere. On
appelle archere d'�troites ouvertures en forme de meurtri�res,
m�nag�es entre de grosses b�ches avec lesquelles on bouche la
partie inf�rieure d'une fen�tre. Lorsqu'on craint quelque attaque,
on se barricade de la sorte, et l'on peut, � l'abri des b�ches,
tirer � couvert sur les assaillants.

�Les l�ches! dit Colomba. Voyez, mon fr�re, d�j� ils commencent �
se garder: ils se barricadent! mais il faudra bien sortir un
jour!�

La pr�sence d'Orso sur le c�t� sud de la place produisit une
grande sensation � Pietranera, et fut consid�r�e comme une preuve
d'audace approchant de la t�m�rit�. Pour les neutres rassembl�s le
soir autour du ch�ne vert, ce fut le texte de commentaires sans
fin.

Il est heureux, disait-on, que les fils Barricini ne soient pas
encore revenus, car ils sont moins endurants que l'avocat, et
peut-�tre n'eussent-ils point laiss� passer leur ennemi sur leur
terrain sans lui faire payer sa bravade.

�Souvenez-vous de ce que je vais vous dire, voisin, ajouta un
vieillard qui �tait l'oracle du bourg. J'ai observ� la figure de
la Colomba aujourd'hui, elle a quelque chose dans la t�te. Je sens
de la poudre en l'air. Avant peu, il y aura de la viande de
boucherie � bon march� dans Pietranera.�



X

S�par� fort jeune de son p�re, Orso n'avait gu�re eu le temps de
le conna�tre. Il avait quitt� Pietranera � quinze ans pour �tudier
� Pise, et de l� �tait entr� � l'�cole militaire pendant que
Ghilfuccio promenait en Europe les aigles imp�riales. Sur le
continent, Orso l'avait vu � de rares intervalles, et en 1815
seulement il s'�tait trouv� dans le r�giment que son p�re
commandait. Mais le colonel, inflexible sur la discipline,
traitait son fils comme tous les autres jeunes lieutenants, c'est-
�-dire avec beaucoup de s�v�rit�. Les souvenirs qu'Orso en avait
conserv�s �taient de deux sortes. Il se le rappelait � Pietranera,
lui confiant son sabre, lui laissant d�charger son fusil quand il
revenait de la chasse, ou le faisant asseoir pour la premi�re
fois, lui bambin, � la table de famille. Puis il se repr�sentait
le colonel della Rebbia l'envoyant aux arr�ts pour quelque
�tourderie, et ne l'appelant jamais que lieutenant della Rebbia:

�Lieutenant della Rebbia, vous n'�tes pas � votre place de
bataille, trois jours d'arr�ts. -- Vos tirailleurs sont � cinq
m�tres trop loin de la r�serve, cinq jours d'arr�ts. -- Vous �tes
en bonnet de police � midi cinq minutes, huit jours d'arr�ts.�

Une seule fois, aux Quatre-Bras, il lui avait dit:

�Tr�s bien, Orso; mais de la prudence.�

Au reste, ces derniers souvenirs n'�taient point ceux que lui
rappelait Pietranera. La vue des lieux familiers � son enfance,
les meubles dont se servait sa m�re, qu'il avait tendrement aim�e,
excitaient en son �me une foule d'�motions douces et p�nibles;
puis, l'avenir sombre qui se pr�parait pour lui, l'inqui�tude
vague que sa soeur lui inspirait, et par dessus tout, l'id�e que
miss Nevil allait venir dans sa maison, qui lui paraissait
aujourd'hui si petite, si pauvre, si peu convenable, pour une
personne habitu�e au luxe, le m�pris qu'elle en concevrait peut-
�tre, toutes ces pens�es formaient un chaos dans sa t�te et lui
inspiraient un profond d�couragement.

Il s'assit, pour souper, dans un grand fauteuil de ch�ne noirci,
o� son p�re pr�sidait les repas de famille, et sourit en voyant
Colomba h�siter � se mettre � table avec lui. Il lui sut bon gr�
d'ailleurs du silence qu'elle observa pendant le souper et de la
prompte retraite qu'elle fit ensuite, car il se sentait trop �mu
pour r�sister aux attaques qu'elle lui pr�parait sans doute; mais
Colomba le m�nageait et voulait lui laisser le temps de se
reconna�tre. La t�te appuy�e sur sa main, il demeura longtemps
immobile, repassant dans son esprit les sc�nes des quinze derniers
jours qu'il avait v�cus. Il voyait avec effroi cette attente o�
chacun semblait �tre de sa conduite � l'�gard des Barricini. D�j�
il s'apercevait que l'opinion de Pietranera commen�ait � �tre pour
lui celle du monde. Il devait se venger sous peine de passer pour
un l�che. Mais sur qui se venger? Il ne pouvait croire les
Barricini coupables de meurtre. � la v�rit� ils �taient les
ennemis de sa famille, mais il fallait les pr�jug�s grossiers de
ses compatriotes pour leur attribuer un assassinat. Quelquefois il
consid�rait le talisman de miss Nevil, et en r�p�tait tout bas la
devise: �La vie est un combat!� Enfin il se dit d'un ton ferme:
�J'en sortirai vainqueur!� Sur cette bonne pens�e il se leva et,
prenant la lampe, il allait monter dans sa chambre, lorsqu'on
frappa � la porte de la maison. L'heure �tait indue pour recevoir
une visite. Colomba parut aussit�t, suivie de la femme qui les
servait.

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 22nd Dec 2025, 6:15