Colomba by Prosper Mérimée


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Page 17

Il �tait clair qu'Agostini n'avait point �crit la lettre mena�ante
au maire; les della Rebbia en accusaient les Barricini et vice
versa. De part et d'autre on �clatait en menaces, et la justice ne
savait de quel c�t� trouver les coupables.

Sur ces entrefaites, le colonel Ghilfuccio fut assassin�. Voici
les faits tels qu'ils furent �tablis en justice: le 2 ao�t 18..,
le jour tombant d�j�, la femme Madeleine Pietri, qui portait du
pain � Pietranera, entendit deux coups de feu tr�s rapproch�s,
tir�s, comme il lui semblait, dans un chemin creux menant au
village, � environ cent cinquante pas de l'endroit o� elle se
trouvait. Presque aussit�t elle vit un homme qui courait, en se
baissant, dans un sentier des vignes, et se dirigeait vers le
village. Cet homme s'arr�ta un instant et se retourna; mais la
distance emp�cha la femme Pietri de distinguer ses traits, et
d'ailleurs il avait � la bouche une feuille de vigne qui lui
cachait presque tout le visage. Il fit de la main un signe � un
camarade que le t�moin ne vit pas, puis disparut dans les vignes.

La femme Pietri, ayant laiss� son fardeau, monta le sentier en
courant, et trouva le colonel della Rebbia baign� dans son sang,
perc� de deux coups de feu, mais respirant encore. Pr�s de lui
�tait son fusil charg� et arm�, comme s'il s'�tait mis en d�fense
contre une personne qui l'attaquait en face au moment o� une autre
le frappait par-derri�re. Il r�lait et se d�battait contre la
mort, mais ne pouvait prononcer une parole, ce que les m�decins
expliqu�rent par la nature de ses blessures qui avaient travers�
le poumon. Le sang l'�touffait; il coulait lentement et comme une
mousse rouge. En vain la femme Pietri le souleva et lui adressa
quelques questions. Elle voyait bien qu'il voulait parler, mais il
ne pouvait se faire comprendre. Ayant remarqu� qu'il essayait de
porter la main � sa poche, elle s'empressa d'en retirer un petit
portefeuille qu'elle lui pr�senta ouvert. Le bless� prit le crayon
du portefeuille et chercha � �crire. De fait le t�moin le vit
former avec peine plusieurs caract�res; mais, ne sachant pas lire,
elle ne put en comprendre le sens. �puis� par cet effort, le
colonel laissa le portefeuille dans la main de la femme Pietri,
qu'il serra avec force en la regardant d'un air singulier, comme
s'il voulait lui dire, ce sont les paroles du t�moin: �C'est
important, c'est le nom de mon assassin!�

La femme Pietri montait au village lorsqu'elle rencontra M. le
maire Barricini avec son fils Vincentello. Alors il �tait presque
nuit. Elle conta ce qu'elle avait vu. Le maire prit le
portefeuille, et courut � la mairie ceindre son �charpe et appeler
son secr�taire et la gendarmerie. Rest�e seule avec le jeune
Vincentello, Madeleine Pietri lui proposa d'aller porter secours
au colonel, dans le cas o� il serait encore vivant; mais
Vincentello r�pondit que, s'il approchait d'un homme qui avait �t�
l'ennemi acharn� de sa famille, on ne manquerait pas de l'accuser
de l'avoir tu�. Peu apr�s le maire arriva, trouva le colonel mort,
fit enlever le cadavre, et dressa proc�s-verbal.

Malgr� son trouble naturel dans cette occasion, M. Barricini
s'�tait empress� de mettre sous les scell�s le portefeuille du
colonel, et de faire toutes les recherches en son pouvoir; mais
aucune n'amena de d�couverte importante.

Lorsque vint le juge d'instruction, on ouvrit le portefeuille, et
sur une page souill�e de sang on vit quelques lettres trac�es par
une main d�faillante, bien lisibles pourtant. Il y avait �crit:
Agosti..., et le juge ne douta pas que le colonel n'e�t voulu
d�signer Agostini comme son assassin. Cependant Colomba della
Rebbia, appel�e par le juge, demanda � examiner le portefeuille.
Apr�s l'avoir longtemps feuillet�, elle �tendit la main vers le
maire et s'�cria: �Voil� l'assassin!� Alors, avec une pr�cision et
une clart� surprenantes dans le transport de douleur o� elle �tait
plong�e, elle raconta que son p�re, ayant re�u peu de jours
auparavant une lettre de son fils, l'avait br�l�e, mais qu'avant
de le faire, il avait �crit au crayon, sur son portefeuille,
l'adresse d'Orso, qui venait de changer de garnison. Or, cette
adresse ne se trouvait plus dans le portefeuille, et Colomba
concluait que le maire avait arrach� le feuillet o� elle �tait
�crite, qui aurait �t� celui-l� m�me sur lequel son p�re avait
trac� le nom du meurtrier; et � ce nom, le maire, au dire de
Colomba, aurait substitu� celui d'Agostini. Le juge vit en effet
qu'un feuillet manquait au cahier de papier sur lequel le nom
�tait �crit; mais bient�t il remarqua que des feuillets manquaient
�galement dans les autres cahiers du m�me portefeuille, et des
t�moins d�clar�rent que le colonel avait l'habitude de d�chirer
ainsi des pages de son portefeuille lorsqu'il voulait allumer un
cigare; rien de plus probable donc qu'il e�t br�l� par m�garde
l'adresse qu'il avait copi�e. En outre, on constata que le maire,
apr�s avoir re�u le portefeuille de la femme Pietri, n'aurait pu
lire � cause de l'obscurit�; il fut prouv� qu'il ne s'�tait pas
arr�t� un instant avant d'entrer � la mairie, que le brigadier de
gendarmerie l'y avait accompagn�, l'avait vu allumer une lampe,
mettre le portefeuille dans une enveloppe et la cacheter sous ses
yeux.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 21st Dec 2025, 14:45