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Page 15
�Est-ce l'usage ici, dit miss Nevil en souriant, que les
demoiselles portent ce petit instrument dans leur corset?
-- Il le faut bien, r�pondit Colomba en soupirant. Il y a tant de
m�chantes gens!
-- Et auriez-vous vraiment le courage d'en donner un coup comme
cela?� Et miss Nevil, le stylet � la main, faisait le geste de
frapper, comme on frappe au th��tre, de haut en bas.
�Oui, si cela �tait n�cessaire, dit Colomba de sa voix douce et
musicale, pour me d�fendre ou d�fendre mes amis... Mais ce n'est
pas comme cela qu'il faut le tenir; vous pourriez vous blesser, si
la personne que vous voulez frapper se retirait.� Et se levant sur
son s�ant: �Tenez, c'est ainsi, en remontant le coup. Comme cela
il est mortel, dit-on. Heureux les gens qui n'ont pas besoin de
telles armes!�
Elle soupira, abandonna sa t�te sur l'oreiller, ferma les yeux. On
n'aurait pu voir une t�te plus belle, plus noble, plus virginale.
Phidias, pour sculpter sa Minerve, n'aurait pas d�sir� un autre
mod�le.
VI
C'est pour me conformer au pr�cepte d'Horace que je me suis lanc�
d'abord in medias res. Maintenant que tout dort, et la belle
Colomba, et le colonel, et sa fille, je saisirai ce moment pour
instruire mon lecteur de certaines particularit�s qu'il ne doit
pas ignorer, s'il veut p�n�trer davantage dans cette v�ridique
histoire. Il sait d�j� que le colonel della Rebbia, p�re d'Orso,
est mort assassin�; or on n'est pas assassin� en Corse, comme on
l'est en France, par le premier �chapp� des gal�res qui ne trouve
pas de meilleur moyen pour vous voler votre argenterie: on est
assassin� par ses ennemis; mais le motif pour lequel on a des
ennemis, il est souvent fort difficile de le dire. Bien des
familles se ha�ssent par vieille habitude, et la tradition de la
cause originelle de leur haine s'est perdue compl�tement.
La famille � laquelle appartenait le colonel della Rebbia ha�ssait
plusieurs autres familles, mais singuli�rement celle des
Barricini; quelques-uns disaient que, dans le XVIe si�cle, un
della Rebbia avait s�duit une Barricini, et avait �t� poignard�
ensuite par un parent de la demoiselle outrag�e. � la v�rit�,
d'autres racontaient l'affaire diff�remment, pr�tendant que
c'�tait une della Rebbia qui avait �t� s�duite, et un Barricini
poignard�. Tant il y a que, pour me servir d'une expression
consacr�e, il y avait du sang entre les deux maisons. Toutefois,
contre l'usage, ce meurtre n'en avait pas produit d'autres; c'est
que les della Rebbia et les Barricini avaient �t� �galement
pers�cut�s par le gouvernement g�nois, et les jeunes gens s'�tant
expatri�s, les deux familles furent priv�es, pendant plusieurs
g�n�rations, de leurs repr�sentants �nergiques. � la fin du si�cle
dernier, un della Rebbia, officier au service de Naples, se
trouvant dans un tripot, eut une querelle avec des militaires qui,
entre autres injures, l'appel�rent chevrier corse; il mit l'�p�e �
la main; mais, seul contre trois, il e�t mal pass� son temps, si
un �tranger, qui jouait dans le m�me lieu, ne se f�t �cri�: �Je
suis Corse aussi!� et n'e�t pris sa d�fense. Cet �tranger �tait un
Barricini, qui d'ailleurs ne connaissait pas son compatriote.
Lorsqu'on s'expliqua, de part et d'autre, ce furent de grandes
politesses et des serments d'amiti� �ternelle; car, sur le
continent, les Corses se lient facilement; c'est tout le contraire
dans leur �le. On le vit bien dans cette circonstance: della
Rebbia et Barricini furent amis intimes tant qu'ils demeur�rent en
Italie; mais de retour en Corse, ils ne se virent plus que
rarement, bien qu'habitant tous les deux le m�me village, et quand
ils moururent, on disait qu'il y avait bien cinq ou six ans qu'ils
ne s'�taient parl�. Leurs fils v�curent de m�me en �tiquette,
comme on dit dans l'�le. L'un, Ghilfuccio, le p�re d'Orso, fut
militaire; l'autre, Giudice Barricini, fut avocat. Devenus l'un et
l'autre chefs de famille, et s�par�s par leur profession, ils
n'eurent presque aucune occasion de se voir ou d'entendre parler
l'un de l'autre.
Cependant, un jour, vers 1809, Giudice lisant � Bastia, dans un
journal, que le capitaine Ghilfuccio venait d'�tre d�cor�, dit,
devant t�moins, qu'il n'en �tait pas surpris, attendu que le
g�n�ral *** prot�geait sa famille. Ce mot fut rapport� �
Ghilfuccio � Vienne, lequel dit � un compatriote qu'� son retour
en Corse il trouverait Giudice bien riche, parce qu'il tirait plus
d'argent de ses causes perdues que de celles qu'il gagnait. On n'a
jamais su s'il insinuait par l� que l'avocat trahissait ses
clients, ou s'il se bornait � �mettre cette v�rit� triviale,
qu'une mauvaise affaire rapporte plus � un homme de loi qu'une
bonne cause. Quoi qu'il en soit, l'avocat Barricini eut
connaissance de l'�pigramme et ne l'oublia pas. En 1812, il
demandait � �tre nomm� maire de sa commune et avait tout espoir de
le devenir, lorsque le g�n�ral *** �crivit au pr�fet pour lui
recommander un parent de la femme de Ghilfuccio. Le pr�fet
s'empressa de se conformer aux d�sirs du g�n�ral, et Barricini ne
douta point qu'il ne d�t sa d�convenue aux intrigues de
Ghilfuccio. Apr�s la chute de l'empereur, en 1814, le prot�g� du
g�n�ral fut d�nonc� comme bonapartiste, et remplac� par Barricini.
� son tour, ce dernier fut destitu� dans les Cent-Jours; mais,
apr�s cette temp�te, il reprit en grande pompe possession du
cachet de la mairie et des registres de l'�tat civil.
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