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Page 1
�Ce Timon estoit un citoyen d'Ath�nes, lequel avoit vescu environ la
guerre du P�lopon�se; comme l'on peult juger par les com�dies de Platon
et d'Aristophanes, esquelles il est moqu� et touch� comme malveuillant
et ennemy du genre humain, refusant et abhorrissant toute compagnie et
communication des autres hommes, fors que d'Alcibiades, jeune, audacieux
et insolent, auquel faisoit bonne ch�re, et l'embrassoit et baisoit
volontiers, dequoy s'esbahissant Ap�mantus, et lui en demandant la cause
pourquoi il ch�rissoit ainsi ce jeune homme l� seul, et abominoit tous
les autres: �Je l'aime, r�pondit-il, pour autant que je s�ay bien et
suis seur qu'un jour il sera cause de grands maulx aux Ath�niens.� Ce
Timon recevoit aussi quelque fois Ap�mantus en sa compagnie, pour autant
qu'il �toit semblable de moeurs � luy, et qu'il imitoit fort sa mani�re
de vivre. Un jour doncques que l'on c�l�broit � Ath�nes la solennit� que
l'on appelle Cho�s, c'est-�-dire la feste des morts, l� o� on fait des
effusions et sacrifices pour les trespassez, ils se festoyoient eulx
deux ensemble tout seuls, et se prit Ap�mantus � dire: �Que voici un
beau banquet, Timon;� et Timon lui respondit: �Oui bien, si tu n'y
estois point.�
�L'on dit qu'un jour, comme le peuple estoit assembl� sur la place pour
ordonner de quelque affaire, il monta � la tribune aux harangues, comme
faisoient ordinairement les orateurs quand ils vouloient haranguer
et prescher le peuple; si y eut un grand silence et estoit chacun
tr�s-attentif � ou�r ce qu'il voudroit dire, � cause que c'�toit une
chose bien nouvelle et bien estrange que de le veoir en chaire. A la
fin, il commence � dire: �Seigneurs Ath�niens, j'ai en ma maison une
petite place o� il y a un figuier auquel plusieurs se sont desj� penduz
et �tranglez, et pour autant que je veulx y faire bastir, je vous ai
bien voulu advertir devant que faire couper le figuier, � cette fin que
si quelques-uns d'entre vous se veulent pendre, qu'ils se d�peschent.�
Il mourut en la ville d'Hales, et fut inhum� sur le bord de la mer.
Si advint que, tout alentour de sa s�pulture, le village s'�boula,
tellement que la mer qui alloit flottant � l'environ, gardoit qu'on
n'e�t s�eu approcher du tombeau, sur lequel il y avoit des vers engrav�s
de telle substance:
Ayant fini ma vie malheureuse,
En ce lieu-cy on m'y a inhum�;
Mourez, m�chants, de mort malencontreuse,
Sans demander comment je fus nomm�.
On dit que luy-mesme feit ce bel �pitaphe; car celui que l'on all�gue
commun�ment n'est pas de lui, ains est du po�te Callimachus:
Ici je fais pour toujours ma demeure,
Timon encor les humains ha�ssant.
Passe, lecteur, en me donnant male heure,
Seulement passe, et me va maudissant.
�Nous pourrions escrire beaucoup d'autres choses dudit Timon, mais ce
peu que nous en avons dit est assez pour le pr�sent.�
(_Vie d'Antoine_, par Plutarque, traduction _d'Amyot_.)
Malgr� quelques rapprochements qu'on pourrait trouver, � la rigueur,
entre le _Timon_ de Shakspeare et un dialogue de Lucien qui porte le
m�me titre, nous pensons que cet �pisode de Plutarque lui a suffi pour
composer sa pi�ce. C'est dans sa propre imagination qu'il a trouv�
le d�veloppement du caract�re de Timon, celui d'Ap�mantus, dont la
misanthropie contraste si heureusement avec la sienne; la description
du luxe et des prodigalit�s de Timon au milieu de ses flatteurs, et sa
sombre rancune contre les hommes, au milieu de la solitude.
Cette pi�ce est une des plus simples de Shakspeare: contre son
ordinaire, le po�te est s�rieusement occup� de son sujet jusqu'au
dernier acte; et, fid�le � l'unit� de son plan, il ne se permet aucune
excursion qui nous en �loigne. La fable consiste en un seul �v�nement:
l'histoire d'un grand seigneur que ses amis abandonnent en m�me temps
que son opulence, et qui, du plus g�n�reux des hommes, devient le plus
sauvage et le plus atrabilaire. On a beaucoup discut� sur le caract�re
moral de Timon, pour savoir si on devait le plaindre dans son malheur,
ou s'il fallait regarder la perte de sa fortune comme une mortification
m�rit�e. Il nous semble, en effet, que ses vertus ont �t� des vertus
d'ostentation, et que sa misanthropie n'est encore qu'une suite de sa
manie de se singulariser par tous les extr�mes; dans sa g�n�rosit� il
n'est prodigue que pour des flatteurs; sa richesse nourrit le vice au
lieu d'aller secourir l'indigent; une bienfaisance �clair�e ne pr�side
point � ses dons. Cependant sa confiance en ses amis indique une �me
naturellement noble, et leur l�che d�sertion nous indigne surtout quand
ce seigneur, dont ils trahissent l'infortune, a su trouver un serviteur
comme Flavius. La transition subite de la magnificence � la vie sauvage
est bien encore dans le caract�re de Timon, et c'est un contraste
admirable que sa misanthropie et celle d'�p�mantus. Celui-ci a tout le
cynisme de Diog�ne, et son �go�sme et son orgueil, qui percent � travers
ses haillons, trahissent le secret de ses sarcasmes et de ses m�pris
pour les hommes. Une basse envie le d�vore; l'indignation seule s'est
empar�e de l'�me de Timon; ses v�h�mentes invectives sont justifi�es par
le sentiment profond des outrages qu'il a re�us; c'est une sensibilit�
exag�r�e qui l'�gar�, et s'il hait les hommes, c'est qu'il croit
de bonne foi les avoir aim�s; peut-�tre m�me sa haine est-elle si
passionn�e, si id�ale, qu'il s'abuse, lui-m�me en croyant les ha�r plus
qu'Ap�mantus dont l'�me est naturellement l�che et m�chante.
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