La Comédie des Méprises by William. Spurious and doubtful works Shakespeare


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Page 3

�G�ON.--Eh bien! ce qui me console, c'est que, par l'ex�cution de votre
sentence, mes maux finiront avec le soleil couchant.

LE DUC.--Allons, Syracusain, dis-nous bri�vement pourquoi tu as quitt�
ta ville natale, et quel sujet t'a amen� dans �ph�se.

�G�ON.--On ne pouvait m'imposer une t�che plus cruelle que de
m'enjoindre de raconter des maux indicibles. Cependant, afin, que le
monde sache que ma mort doit �tre attribu�e � la nature et non � un
crime honteux[1], je dirai tout ce que la douleur me permettra de
dire.--Je suis n� dans Syracuse, et j'�pousai une femme qui e�t �t�
heureuse sans moi, et par moi aussi sans notre mauvaise destin�e. Je
vivais content avec elle; notre fortune s'augmentait par les fructueux
voyages que je faisais souvent � �pidaure, jusqu'� la mort de mon homme
d'affaires. Sa perte, ayant laiss� le soin de grands biens � l'abandon,
me for�a de m'arracher aux tendres embrassements de mon �pouse. A peine
six mois d'absence s'�taient �coul�s, que pr�te � succomber sous le doux
fardeau que portent les femmes, elle fit ses pr�paratifs pour me suivre,
et arriva en s�ret� aux lieux o� j'�tais. Bient�t apr�s son arriv�e
elle devint l'heureuse m�re de deux beaux gar�ons; et, ce qu'il y a
d'�trange, tous deux si pareils l'un � l'autre, qu'on ne pouvait
les distinguer que par leurs noms. A la m�me heure et dans la m�me
h�tellerie, une pauvre femme fut d�livr�e d'un semblable fardeau, et mit
au monde deux jumeaux m�les qui se ressemblaient parfaitement. J'achetai
ces deux enfants de leurs parents, qui �taient dans l'extr�me indigence,
et je les �levai pour servir mes fils. Ma femme, qui n'�tait pas peu
fi�re de ces deux gar�ons, me pressait chaque jour de retourner dans
notre patrie: j'y consentis � regret, trop t�t, h�las! Nous nous
embarqu�mes.--Nous �tions d�j� �loign�s d'une lieue d'�pidaure avant que
la mer, esclave soumise aux vents, nous e�t menac�s d'aucun accident
tragique; mais nous ne conserv�mes pas plus longtemps grande esp�rance.
Le peu de clart� que nous pr�tait le ciel obscurci ne servait qu'�
montrer � nos �mes effray�es le gage douteux d'une mort imm�diate: pour
moi, je l'aurais embrass�e avec joie, si les larmes incessantes de ma
femme, qui pleurait d'avance le malheur qu'elle voyait venir, et les
g�missements plaintifs des deux petits enfants qui pleuraient par
imitation, dans l'ignorance de ce qu'il fallait craindre, ne m'eussent
forc� de chercher � reculer l'instant fatal pour eux et pour moi; et
voici quelle �tait notre ressource,--il n'en restait point d'autre:--les
matelots cherch�rent leur salut dans notre chaloupe, et nous
abandonn�rent, � nous, le vaisseau qui allait s'ab�mer. Ma femme, plus
attentive � veiller sur son dernier n�, l'avait attach� au petit m�t de
r�serve dont se munissent les marins pour les temp�tes; avec lui �tait
li� un des jumeaux esclaves; et moi j'avais eu le m�me soin des deux
autres enfants. Cela fait, ma femme et moi, les yeux fix�s sur les
objets chers � nos coeurs, nous nous attach�mes � chacune des extr�mit�s
du m�t; et flottant aussit�t au gr� des vagues, nous f�mes port�s par
elles vers Corinthe, � ce que nous juge�mes. A la fin, le soleil, se
montrant � la terre, dissipa les vapeurs qui avaient caus� nos maux;
sous l'influence bienfaisante de sa lumi�re d�sir�e, les mers se
calm�rent par degr�s, et nous d�couvr�mes au loin deux vaisseaux qui
cinglaient sur nous, l'un de Corinthe, l'autre d'�pidaure. Mais avant
qu'ils nous eussent atteints...... Oh! ne me forcez pas de vous dire le
reste; devinez ce qui suivit par ce que vous venez d'entendre.

[Note 1: C'�tait jadis une superstition universelle de croire
qu'un grand revers inattendu �tait l'effet de la vengeance c�leste qui
punissait l'homme d'un crime cach�. �g�on veut persuader � ceux qui
l'entendent que son malheur n'est ici l'effet que de la destin�e
humaine, et non la peine d'un crime. WARBURTON.

D'apr�s cette note, Letourneur traduit:

_That my end
Was wrought by nature and not by vile offense_,

par cette phrase: _Ma perte est l'ouvrage de la nature et non la peine
d'un crime honteux et cach�_. Nous avons adopt� une explication plus
simple de ce mot _nature_. _Nature_ est ici pour affection naturelle...
�g�on est victime de son amour paternel; c'est ce sentiment qui le
conduit � �ph�se et qui cause sa mort.]

LE DUC.--Poursuis, vieillard: n'interromps point ton r�cit: nous pouvons
du moins te plaindre si nous ne pouvons te pardonner.

�G�ON.--Oh! si les dieux nous avaient t�moign� cette piti�, je ne les
aurais pas nomm�s � si juste titre impitoyables envers nous! Avant
que les deux vaisseaux se fussent avanc�s � dix lieues de nous, nous
donn�mes sur un grand rocher; pouss� avec violence sur cet �cueil,
notre navire secourable fut fendu par le milieu; de sorte que, dans cet
injuste divorce, la fortune nous laissa � tous deux de quoi nous r�jouir
et de quoi pleurer. La moiti� qui la portait, la pauvre infortun�e,
et qui paraissait charg�e d'un moindre poids, mais non d'une moindre
douleur, fut pouss�e avec plus de vitesse devant les vents: et ils
furent recueillis tous trois � notre vue par des p�cheurs de Corinthe, �
ce qu'il nous sembla. A la fin, un autre navire s'�tait empar� de nous;
les gens de l'�quipage, venant � conna�tre ceux que le sort les avait
amen�s � sauver, accueillirent avec bienveillance leurs h�tes naufrag�s:
et ils seraient parvenus � enlever aux p�cheurs leur proie, si leur
vaisseau n'avait pas �t� mauvais voilier; ils furent donc oblig�s de
diriger leur route vers leur patrie.--Vous avez entendu comment j'ai �t�
s�par� de mon bonheur, et comment, par malheur, ma vie a �t� prolong�e
pour vous faire les tristes r�cits de mes douleurs.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 23rd Feb 2025, 9:12