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Page 40
CASSIUS.--J'en ai l�-dessus appris tout autant que vous, et cependant ma
nature ne pourrait jamais s'y soumettre de m�me.
BRUTUS.--Soit.--A notre t�che qui est vivante.--Si nous marchions �
l'instant vers Philippes? qu'en pensez-vous?
CASSIUS.--Je ne crois pas que ce f�t bien fait.
BRUTUS.--La raison?
CASSIUS.--La voici: il vaut mieux que l'ennemi nous cherche; par-l� il
consumera ses ressources, fatiguera ses soldats, et se nuira ainsi �
lui-m�me; tandis que nous, qui n'aurons pas chang� de place, nous nous
trouverons pleins de repos, entiers et pr�ts � tout.
BRUTUS.--De bonnes raisons doivent n�cessairement c�der � de meilleures.
Les peuples qui sont entre Philippes et ce camp ne sont contenus que
par une affection forc�e, car ils ne nous ont accord� qu'� regret des
subsides. L'ennemi, en traversant leur pays, compl�tera chez eux ses
troupes; il s'avancera rafra�chi, recrut� et plein d'un nouveau courage,
avantages que nous lui interceptons si nous allons le rencontrer �
Philippes, tenant ces peuples sur nos derri�res.
CASSIUS.--Mon bon fr�re, �coutez-moi.
BRUTUS.--Permettez; il faut de plus faire attention � ceci. Nous savons
� pr�sent le compte de nos amis jusqu'au dernier. Nos l�gions sont
compl�tes; notre cause est m�re; de jour en jour l'ennemi s'�l�ve;
tandis que nous, arriv�s � notre plus haut p�riode, nous sommes pr�s de
d�cliner. Les affaires humaines ont leurs mar�es, qui, saisies au moment
du flux, conduisent � la fortune; l'occasion manqu�e, tout le voyage de
la vie se poursuit au milieu des bas-fonds et des mis�res. En ce moment,
la mer est pleine et nous sommes � flot: il faut prendre le courant
tandis qu'il nous est favorable, ou perdre toutes nos chances.
CASSIUS.--Eh bien! vous le voulez, marchez. Nous vous accompagnerons et
nous irons les trouver � Philippes.
BRUTUS.--Les heures les plus profondes de la nuit sont insensiblement
arriv�es sur notre entretien, et la nature doit ob�ir � la n�cessit� �
laquelle nous ne conc�derons qu'un peu de repos. Il ne nous reste rien
de plus � dire?
CASSIUS.--Rien de plus. Bonne nuit. Demain de grand matin nous serons
pr�ts et en marche.
(Entre Lucius.)
BRUTUS.--Lucius, ma robe.--Adieu, digne Messala.--Bonne nuit,
Titinius.--Noble, noble Cassius, bonne nuit et bon repos.
CASSIUS.--O mon cher fr�re, elle a bien mal commenc�, cette nuit.--Que
jamais semblable discorde ne se mette entre nos �mes! Ne le permets pas,
Brutus.
BRUTUS.--Tout est bien.
CASSIUS.--Bonne nuit, mon ma�tre.
BRUTUS.--Bonne nuit, mon bon fr�re.
TITINIUS ET MESSALA.--Bonne nuit, Brutus, notre ma�tre � tous.
BRUTUS.--Adieu, tous. (_Cassius, Titinius et Messala se
retirent._--_Rentre Lucius, avec la robe de Brutus._)--Donne-moi cette
robe. O� est ton instrument?
LUCIUS.--Ici dans la tente.
BRUTUS.--Tu r�ponds d'une voix assoupie. Pauvre gar�on, je ne t'en
fais point un reproche, tu es harass� de veilles. Appelle Claudius et
quelques autres de mes gens: je veux qu'ils restent l�; ils dormiront
sur des coussins dans ma tente.
LUCIUS.--Varron! Claudius!
(Entrent Varron et Claudius.)
VARRON.--Appelez-vous, mon seigneur?
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