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Page 9
Un des gars, �l�ve de l'�cole de musique d'Upperzyde, avait
transcrit ce chant pour fanfare. Le petit bugle stridait cette
m�lop�e modulante et un peu rauque, sur un accompagnement de tubas
et de trombones �voquant la basse profonde des flots.
Kehlmark consid�ra le joueur de bugle, un adolescent mieux
d�coupl� et plus �lanc� que les compagnons de son �ge, aux reins
cambr�s, au teint d'ambre, aux yeux de velours sous de longs cils
noirs, � la bouche charnue et tr�s rouge, aux narines dilat�es par
de myst�rieuses sensualit�s olfactives, aux cheveux noirs plant�s
drus, avantageusement moul� dans son m�chant costume qui adh�rait
� ses formes comme leur pelage aux membres �lastiques des f�lins.
Le corps doucement balanc� et tortill� semblait suivre les
ondulations de la musique et ex�cutait sur place une danse tr�s
lente, comparable au fr�missement des trembles, par ces nuits
d'�t� o� la brise se r�duit � la respiration des plantes. La
sculpturale cambrure de ce jeune rustre qui joignait le relief
musculaire de ses pareils � l'on ne sait quel souci de la ligne,
rappelait pr�cis�ment � Kehlmark le _Joueur de chalumeau_ de Frans
Hals. Cet �ph�be lui repr�sentait un merveilleux tableau vivant
d'apr�s la toile du mus�e d'Upperzyde. Son coeur se serra, il
retint sa respiration, en proie � une ferveur trop grande.
Michel Govaertz s'�tant aper�u de l'attention accord�e par le
Dykgrave au jeune soliste, profita de la pause qui suivit pour
aborder celui-ci et l'amener assez brutalement par l'oreille, au
risque de la lui meurtrir, aupr�s de Kehlmark.
Rien ne rendrait l'expression � la fois piteuse, effarouch�e et
extatique du petit sonneur de bugle brusquement confront� avec le
Dykgrave. Il semblait que dans ses yeux et sur sa bouche se
concentrassent toute la sublime d�tresse d'un martyr.
-- Monsieur le comte, voil� mon fils Guidon, le vaurien dont je
vous parlais tout � l'heure, ricana le bourru en faisant pivoter
le gamin sur lui-m�me; voil� le compagnon des sacripants de
Klaarvatsch, un fieff� paresseux, une mauvaise t�te qui r�unit
peut-�tre toutes les qualit�s de gosier des pinsons et des
alouettes, mais qui ne poss�de aucun des m�rites que j'esp�rais
rencontrer chez un gar�on de mon sang. Ah! r�vasser, siffloter,
roucouler dans le vide, b�er aux mouettes, s'�tendre sur le dos ou
se vautrer au soleil, comme les phoques sur un banc de sable,
voil� qui lui convient!... Figurez-vous que depuis sa naissance il
ne nous a encore �t� d'aucune utilit�. Comme il ne nous aidait en
rien � la ferme, j'avais song� � en faire un matelot et je
l'embauchai comme mousse sur une barque de p�che... Bernique!
Apr�s trois jours, un bateau qui rentrait au port nous l'a
ramen�... Au milieu de la manoeuvre, il s'arr�tait court pour
regarder les nuages et les vagues... Sa n�gligence et son
�tourderie lui valurent plusieurs dures corrections, mais les
coups n'avaient pas plus raison de ce m�chant mousse, que les
remontrances et les exhortations. De guerre lasse, il m'a bien
fallu le reprendre et le mettre � une besogne d'endormi: il garde
les vaches et les moutons dans les landes de Klaarvatsch, avec ces
petits pouilleux qui portent ce soir les torches de la Ghilde...
B�ti comme vous le voyez, monsieur, n'est-ce pas une honte? Et
pleurnichard! �a se met � braire, �a se trouve mal quand on tue un
porc � la kermesse ou quand le boucher passe la craie rouge sur le
dos des ouailles � convertir en gigots!... Guidon, c'est une fille
manqu�e... Mon vrai gar�on, c'est notre Claudie... En voil� une
qui abat de la besogne!...
-- C'est dommage, il a pourtant l'air bien intelligent! remarqua
le Dykgrave, avec autant d'indiff�rence que possible. Et c'est
qu'il joue adorablement du bugle. Que n'en faites-vous un musicien
pour de vrai!
-- Ah ben ouiche! Vous vous moquez, monsieur le comte. Il est
incapable de s'appliquer � quoi que ce soit de profitable. Ma
parole, pour m'en d�barrasser, j'ai d�j� voulu le livrer � des
saltimbanques. Peut-�tre e�t-il fait un bon pitre? En attendant,
il ne me vaut que des d�g�ts et des affronts. Ainsi ne s'est-il
pas avis� de barbouiller de charbon les murs fra�chement blanchis
de la ferme, sous pr�texte de repr�senter nos b�tes!
-- Aurait-il aussi des dispositions pour la peinture? prof�ra d'un
air ennuy� Kehlmark, qui alla m�me jusqu'� prendre la contenance
de quelqu'un qui r�prime un b�illement.
Les camarades de Guidon faisaient cercle autour des Govaertz et de
Kehlmark, s'amusant de la confusion du petit p�tre mis ainsi sur
la sellette par son propre p�re. Les drilles se tr�moussaient, se
donnaient l'un � l'autre du coude dans les reins, soulignant, par
des rires et des murmures, les dol�ances que le bourgmestre
faisait sur son fils.
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