Escal-Vigor by Georges Eekhoud


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Page 10

Avec Guidon, Henry se sentait le point de mire de tous ces
narquois. Claudie couvait son fr�re de regards durs et
malveillants. Henry devina que le bourgmestre ravalait et d�criait
ainsi son gar�on pour flatter Claudie, sa pr�f�r�e. Entre cette
fille rude, presque hommasse, et ce petit paysan plut�t affin�,
l'incompatibilit� devait �tre crispante � l'extr�me. Perspicace,
Henry se sugg�ra de violentes querelles au foyer des Govaertz, et
il en eut le coeur singuli�rement �treint. Au surplus Claudie lui
parut visiblement agac�e de l'attention t�moign�e par le Dykgrave
� cet enfant r�pudi�, mis au ban, vivant presque en marge de la
famille.

-- �coutez, bourgmestre, nous en reparlerons! reprit Kehlmark.
Peut-�tre y aura-t-il moyen de faire quelque chose de ce
fantaisiste!

Paroles bien �vasives et qui n'engageaient � rien, mais en les
pronon�ant Henry ne put se d�fendre de tourner un instant les yeux
vers le pastoureau, et dans ce regard celui-ci lut ou du moins
crut lire un engagement bien plus s�rieux que celui contenu dans
les termes m�mes. Le pauvret en ressentit une joie pleine
d'esp�rance et de balsamique augure. Jamais on ne l'avait regard�
ainsi, ou plut�t jamais il n'avait lu tant de bont� dans une
physionomie. Mais le jeune r�fractaire se trompait sans doute! Le
comte aurait �t� bien fou de s'int�resser � un paroissien si
fallacieusement recommand� par le fermier des P�lerins. Qui
songeait encore � s'emp�trer de ce sauvageon, de cette mauvaise
graine?

-- Pourvu que Claudie ne lui dise point trop de mal de moi!
songeait le petit berger, souffrant de voir le Dykgrave entra�n�
et pris � l'�cart par la terrible soeur. Mais Kehlmark se retira
pour donner des ordres � Blandine. On servit � boire aux
musiciens. Lorsque le comte revint trinquer avec eux, comment se
fit-il qu'il omit de choquer son verre contre celui que lui
tendait -- oh si d�votement! -- le fils du bourgmestre Govaertz?
Celui-ci en �prouva un moment de tristesse, mais se reprit
aussit�t � commenter le regard caressant de tout � l'heure. Il
s'�carta des buveurs pour errer dans les salons et admirer � son
tour les tableaux. Occup� ostensiblement � courtiser la
plantureuse Claudie, Henry observait souvent � la d�rob�e le jeune
bugle de la Ghilde. Il surprit l'expression � la fois r�fl�chie et
extatique du petit devant _Conradin et Fr�d�ric, _auxquels la
soeur n'avait accord� tout � l'heure qu'une attention de liseuse
de causes et de supplices c�l�bres.

� pleins verres, le Dykgrave avait fait raison aux rudes donneurs
de s�r�nades. Il leur sembla m�me un tantinet �m�ch�, ce qui
n'�tait point fait pour les choquer, eux les indig�nes de
Smaragdis, solides buveurs comme tous ceux du Nord.

La compagnie, en app�tit d'exercice, se r�pandit dans les jardins
et sur la plage qui retentirent de lourds �bats et de clameurs
luronnes. Le hourvari effara m�me un couple de mouettes dans les
arbres de la Digue, et Kehlmark, qui se promenait avec Claudie sur
la terrasse du c�t� de la mer, vit quelque temps les bestioles
tournoyer avec des cris lamentables autour de la lanterne du phare
et leur accorda un effluve de po�tique commis�ration, dont sa
compagne ne se douta pas un instant. Quelle corr�lation
s'imaginait-il exister entre leur sauvagerie et ses propres
angoisses? Puis il se remit � d�biter des propos badins � la fille
du bourgmestre.

Cependant les confr�res de la Ghilde r�clamaient leur petit bugle,
et comme il s'�ternisait dans les appartements, devant les
peintures, ils s'en furent le relancer et l'entra�n�rent, quoi
qu'il en e�t, au fond du parc. Henry s'exag�ra sans doute leurs
dispositions taquines � l'�gard du jeune Govaertz, car, avec
Claudie, il se porta, �trangement sollicit�, du c�t� de leurs
groupes turbulents. Son approche les intimida et coupa court aux
brimades qu'ils allaient exercer sur leur souffre-douleur.
Toutefois, une sorte de pudeur ou de respect humain emp�chait
Kehlmark d'intervenir directement en faveur de son prot�g�; il se
d�tournait de lui et s'abstint m�me de lui adresser la parole;
mais en batifolant avec Claudie, il �levait la voix et Guidon se
figura tr�s ing�nument que le comte voulait �tre entendu de lui...

Enfin, la bande se d�cida � regagner le village. Le tambour battit
le rappel. Apr�s de derniers cumulets sur l'herbe, les petits va-
nu-pieds de Klaarvatsch coururent rallumer leurs falots. La
musique prit la t�te du cort�ge. Le comte leur donna la conduite
jusqu'� la grille d'honneur et les vit ensuite, aux sons scand�s
de leur marche favorite, s'�vanouir dans la grande ormaie r�gnant
entre le ch�teau et le village.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 5th Apr 2025, 10:57