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Page 60
Les deux camps, les deux sexes ont l'air d'ennemis qui tiraillent,
se tenant sur le qui-vive, gardant leurs positions. On s'observe,
on se h�le, on se d�pr�cie, on marchande, on maquignonne. D�fense
aux amoureux de se joindre avant le soir. Dans les guinguettes,
les hommes fringuent et toupillent entre eux, de m�me les femmes.
Saltations baroques et cyniques. Sauteurs massifs et lascifs...
Si pendant la journ�e une bande de femmes rencontre une colonne de
gars, c'est un feu crois�, une canonnade de propos obsc�nes,
�normes. Les corps � corps se prolongent, le temps de prendre ou
de se laisser d�rober un baiser, parmi les pouss�es, les
pinceries, et autres bagatelles de la porte. Vareuses et corsages,
jupes et culottes, de se froisser et de se r�per sur les
contorsions.
� la tomb�e de la nuit, apr�s le coucher du soleil, et une sorte
de fanfare furieuse sonn�e aux quatre coins de l'�le, s'ouvre
l'�re des engagements de cons�quence.
Les amoureux rejoignent leurs amies et, aussit�t form�s, les
couples de promis ou de partenaires d'une nuit deviennent sacr�s
pour les hordes chasseresses, lesquelles continuent � d�ferler,
clamantes, houleuses, dans la t�n�bre complice.
� chaque collision, des d�fections se produisent de part et
d'autre, des appariements s'op�rent entre transfuges. Aussi
hardies que les hommes, les femmes finissent par se pourvoir.
Les colonnes s'�claircissent � la suite de ces �liminations
r�it�r�es.
Cela dure jusqu'� ce que toutes ou � peu pr�s aient conquis leurs
danseurs et leurs coucheurs pour le reste de la f�te. Les
derni�res, naturellement, sont les plus enrag�es. Parfois la
malice des lurons consiste � esquiver leurs recherches, � se faire
traquer et donner la chasse par ces femelles en folie. Ils
feignent d'abandonner la partie, jouent � cache-cache, semblent
vouloir se d�rober � la galante corv�e.
Alors excit�es par la boisson, la danse, les contacts, les
tortillements, rauques, presque �cumantes, elles errent, comme des
louves en rut, de carrefour en carrefour, ou se tiennent repli�es
dans les taillis, muettes, � l'aff�t de la proie.
Au loin, des chants moqueurs r�pondent � leurs chants tragiques.
Le gibier les nargue, prenant plaisir � d�pister, � frustrer les
chasseresses goulues.
Malheur au tra�nard, � l'isol�: il paie pour les autres.
Malheur m�me au profane ou � l'�tranger qu'elles abordent; il est
somm� de faire son choix ou de suivre, de servir celle � qui le
sort l'adjuge. De sinistres histoires d�fraient depuis longtemps
le r�pertoire des chanteurs de complaintes et ce n'est point le
seul Olfgar qui fut victime de la luxure des lices de Smaragdis.
Henry de Kehlmark n'ignorait point ces traditions violentes.
Aussi, quelque friand qu'il f�t de d�duits originaux, il avait
toujours �vit� de sortir cette apr�s-midi de kermesse. C'�tait
m�me la seule f�te publique, la seule tradition locale qu'il
boud�t. On lui avait pass� jusque-l� cette abstention en raison
des exc�s et de l'�normit� m�me de cette saturnale. Un si haut
personnage ne pouvait d�cemment se commettre avec ces �nergum�nes.
Ce jour-l�, les filles honn�tes aussi se claquemuraient chez
elles, de m�me les jeunes �poux et les fianc�s, partisans
d'effusions moins incendiaires.
La visite de Claudie avait laiss� Kehlmark dans un �tat de
d�pression qu'il n'avait plus connu ces derniers temps. Il se
d�solait de la haine que lui porterait cette virago. Il se
reprochait m�me de ne pas lui avoir confess� la v�rit�. Mais c'e�t
�t� trahir Guidon, le perdre peut-�tre. Non, ce qu'il avait pu
avouer � une sainte comme Blandine, il ne pouvait s'en ouvrir
aupr�s d'une cr�ature aussi grossi�re que Claudie. � plus juste
titre, il se repentait de la com�die amoureuse qu'il avait si
longtemps jou�e aupr�s d'elle.
Guidon, �nerv� par le malaise de son ami qui crut devoir lui taire
cette d�marche de Claudie, avait manifest� l'intention de sortir
et de faire un tour de foire, dans l'espoir que le grand air le
remettrait.
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