Escal-Vigor by Georges Eekhoud


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Page 36

-- Que voulez-vous dire? protesta la jeune femme en s'arr�tant sur
la premi�re marche.

-- Inutile de faire la sainte nitouche... On sait ce qu'on sait,
pardine!... Tu as �t� sa ma�tresse, ne t'en d�fends point.

-- Landrillon!

-- Eh, c'est la fable de Zoudbertinge et m�me de tout Smaragdis.
Le r�v�rend Balthus Bomberg ne cesse de tonner contre la catin du
Dykgrave.

Renon�ant � gravir l'escalier, elle revint sur ses pas, se laissa
choir sur une chaise, d�faillante, presque morte de douleur et
d'opprobre.

Un pr�lude de piano troubla le silence qu'ils gardaient tous deux.

Guidon entonnait, l�-haut, de sa voix agreste, fra�chement mu�e,
et encore un peu fruste, mais au timbre singuli�rement magn�tique,
une ballade de naufrageur que Kehlmark accompagnait au piano.

Le corps secou� par des sanglots, Blandine marquait
douloureusement le rythme de cette chanson. On e�t dit que la voix
du jeune gars achevait de la navrer.

En �coutant le petit paysan, un sourire �quivoque parut sur les
l�vres du valet et il couva d'un regard non moins ironique la
malheureuse Blandine:

-- Voyons, dit-il d'un ton patelin, en lui touchant l'�paule, ne
nous f�chons point, la belle. �coutez-moi plut�t. On vous veut du
bien, que diable! Vous auriez bien tort d'aimer encore cet
oublieux et d�daigneux aristo. Quelle duperie! Ne voyez-vous pas
qu'il a cess� de vous ch�rir...

Et comme elle relevait la t�te, il lui fit signe, un doigt sur la
bouche, d'�couter la chanson �trangement passionn�e que le
disciple chantait � son ma�tre et, apr�s un nouveau silence,
durant lequel tous deux pr�taient l'oreille:

-- Tenez, poursuivit-il � mi-voix, il s'occupe bien plus de ce
petit rustre que de vous et moi, notre ma�tre. Aussi, � votre
place, je le planterais l� et le laisserais s'adonner aux
flatteries de ce polisson et de ces autres brutes de paysans...
Ici, Blandine, vous vous consumerez de chagrin, vous s�cherez de
d�pit. Votre beaut� se fanera sans aucun profit pour la moindre
cr�ature du bon Dieu!... Si vous m'en croyez, ma ch�re, nous
retournerons tous deux � la ville. J'en ai assez de la
vill�giature � Smaragdis. C'est � n'y pas croire, mais depuis que
ce jeune sournois est entr� au ch�teau, il n'y en a plus que pour
lui! Vous et moi, nous passons � l'arri�re-plan. Quel assotement
subit! Deux doigts de la m�me main ne sont pas plus ins�parables!

-- Eh bien, qu'avez-vous � reprendre � cet attachement? fit
Blandine en cherchant encore une fois � dominer ses pr�ventions.
Ce Guidon Govaertz est un gentil gar�on, m�connu des siens, bien
sup�rieur, tout nous l'a prouv�, par l'intelligence et les
sentiments, � la masse de ces grossiers insulaires... Le comte a
bien raison de faire un tel cas de ce pauvre enfant qui se rend
d'ailleurs de plus en plus digne de ces bont�s...

-- Oui, d'accord; mais monsieur exag�re son patronage. Il
n'observe pas assez les distances; il t�moigne vraiment trop de
tendresse � ce morveux. Un comte de Kehlmark ne s'affiche point,
que diable! avec un ancien gardeur de vaches et de porcs...

-- Encore une fois, que voulez-vous dire?

Pour toute r�ponse, Landrillon plongea ses mains dans ses poches
et se mit � siffloter, en regardant en l'air, comme une parodie de
la chanson du petit p�tre.

Puis il sortit, estimant qu'il en avait dit assez pour le quart
d'heure.

Blandine, demeur�e seule, se reprit � pleurer. Sans penser � mal,
quoi qu'elle f�t pour s'en remontrer � elle-m�me, elle
s'affligeait du commerce assidu du comte et de son prot�g�. Elle
avait beau se raisonner et vouloir se r�jouir de la m�tamorphose
de Kehlmark, de son activit�, de sa joie de vivre, elle regrettait
que cette gu�rison morale ne f�t pas son oeuvre � elle, mais un
miracle op�r� par ce petit intrus.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 21st Dec 2025, 22:21