Escal-Vigor by Georges Eekhoud


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Page 32

Guidon r�pondait �vasivement, mais de mani�re � ne pas se
compromettre. En effet, le comte s'�tait inform� d'elle comme de
son p�re et m�me des gens, voire des b�tes de la ferme. Mais sans
insister. � la v�rit�, Claudie d�frayait fort peu les causeries du
ma�tre et du disciple, tout entiers � leurs �tudes et � leurs
travaux.

Guidon devint de plus en plus discret. Depuis leur premi�re
conjonction, il avait vou� � son protecteur une fid�lit� aussi
totale et aussi intense que celle de Blandine. � son affection
fanatique se joignait ce quelque chose d'aigu et de lumineux que
l'intelligence et la culture c�r�brale ajoutent au sentiment.
Guidon, ce soi-disant fou, ce simple, ce mauvais rustre,
repr�sentait une valeur morale dans un corps, un moule admirable
qui fortifiait et embellissait chaque jour.

Avec le tact, la seconde vue, cet instinct des natures aimantes,
il se douta de l'assotement de sa soeur pour le Dykgrave, mais il
pressentait aussi que jamais le comte ne la paierait de retour.
Guidon ne connaissait que trop sa soeur Claudie et il savait mieux
que pas un les ab�mes de vulgarit� et les incompatibilit�s totales
existant entre elle et Kehlmark.

L'�l�ve en �tait m�me arriv� � se savoir pr�f�r� par son ma�tre �
�madame l'intendante�, � cette noble Blandine. Toujours est-il que
le comte semblait se pr�occuper beaucoup plus de lui que de son
amante. Guidon s'enorgueillissait int�rieurement de cette
pr�dilection dont il �tait l'objet, et, par ses pr�venances pour
la jeune femme, on aurait dit qu'il voulait se faire pardonner la
part pr�pond�rante qu'il prenait dans la vie de son ma�tre.

Guidon devinait, sentait juste: Henry ne se r�v�lait, ne se
livrait � fond qu'� son disciple. Avec les autres il se tenait sur
la r�serve et ses paroles bienveillantes ne contractaient point la
caresse, l'onction et le velout� de ses �panchements aupr�s de son
prot�g�.

Jamais Blandine ne l'avait vu si enjou�, si radieux que depuis
qu'il s'�tait charg� de l'�ducation et du sort de ce jeune va-nu-
pieds. Quelque d�f�rent et empress� que celui-ci se montr�t �
l'�gard de la dame, il ne parvenait pas � dissimuler sa joie
d'�tre devenu le principal et constant souci du ma�tre de l'Escal-
Vigor. Il n'y mettait point malice, non, il exultait na�vement,
s'attendrissait m�me sur la femme un peu d�laiss�e, et, dans son
�go�sme d'enfant g�t�, de n�ophyte, d'�lu, il ne s'apercevait pas
du mutisme et de la r�serve de Blandine, lorsque le comte le
retenait � d�ner, ou des regards singuliers qu'elle leur lan�ait �
l'un et � l'autre quand ils conversaient en s'�chauffant et en
s'exaltant, accoupl�s dans un m�me lyrisme, sans prendre garde �
la pr�sence de ce t�moin.

Les villageois de Zoudbertinge ne virent pas de mauvais oeil la
faveur particuli�re accord�e par le Dykgrave au fils de Govaertz.

Aussi peu que le bourgmestre et sa fille ils croyaient au talent
et � la vocation du petit.

�C'est une bonne oeuvre et une charit�, se disaient-ils. Le p�re
n'aurait rien su faire de bon de ce petit musard, farouche et
intraitable, ayant m�pris� le travail autant que les distractions
des apprentis de son �ge.�

Les patauds s'�merveillaient m�me que le comte f�t parvenu �
retirer un semblant de service de ce gars qui n'avait jamais su
apprendre jusque-l� qu'� jouer assez proprement du bugle.

D'ailleurs plus le ma�tre et le disciple se ch�rissaient, plus
Kehlmark se montrait accueillant, g�n�reux, m�me prodigue, faisant
largesse aux confr�ries d'agr�ment, multipliant les occasions de
cocagnes et de tournois gymnastiques.

Il institua des r�gates � la voile autour de l'�le, o�, mont� avec
Guidon dans un yacht pavois� � ses couleurs, il faillit l'emporter
sur les meilleurs matelots du pays. Il renouvela de ses deniers
les instruments de la ghilde Sainte-C�cile; assista assid�ment aux
r�p�titions, aux sorties et aux repas de corps de cette confr�rie
de jeunes gars; et il lui arriva m�me plus d'une fois, les belles
nuits d'�t� o� le cr�puscule et l'aube semblent se confondre,
apr�s une veill�e prolong�e � grands renforts d'interm�des
athl�tiques et de pantalonnades d'entra�ner toute la bande dans un
exode � travers l'�le et de ne rendre les turlupins � leurs foyers
conjugaux ou paternels que le lendemain soir, apr�s une
pittoresque caravane illustr�e de saltations, de beuveries, de
ventr�es et de prouesses galantes sous les chaumes et dans les
foins.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sun 21st Dec 2025, 14:19