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Page 30
-- Tu comprends... Tu viendras tous les jours au ch�teau. Je
t'apprendrai moi-m�me � lire et � �crire, � dessiner, � peindre, �
brosser de grands tableaux comme ceux que tu admirais l'autre
soir. Et nous ferons aussi de la musique, beaucoup de musique! Tu
verras! Nous ne nous ennuierons point!
L'enfant l'�coutait sans mot dire, si �baubi qu'il en avait l'air
h�b�t�, la bouche ouverte, les yeux �carquill�s et fixes, presque
hagard.
Le comte se tut, interloqu�, croyant avoir fait fausse route, mais
continuant � le d�visager. Tout � coup Guidon changea de couleur,
son visage se contracta, il �clata d'un rire nerveux. En m�me
temps, au profond �moi de Kehlmark, il reculait et s'effor�ait de
retirer sa main de la sienne; on aurait dit qu'il se rebiffait,
qu'il lui tardait de rejoindre ses petits camarades tr�s amus�s
par cette sc�ne. Le comte, d�courag�, le l�cha.
Le petit sauvage prit son �lan vers les autres vachers, mais il
s'arr�ta court, cessa de rire, porta les deux mains devant ses
yeux, et se laissa choir dans l'herbe o� il se vautrait, le corps
secou� par des sanglots, mordillant la bruy�re, et entrechoquant
ses pieds nus.
Le comte, de plus en plus ahuri, courut le relever:
-- Pour l'amour du ciel, petit, calme-toi! Tu ne m'as donc point
compris! C'est � tort que tu t'alarmes. Je ne me pardonnerai
jamais de t'avoir fait de la peine. Au contraire, je voulais ton
bien. Je me flattais de m�riter ta confiance, de devenir ton grand
ami. Et voil� que tu te mets dans cet �tat p�nible! Mettons que je
n'ai rien dit! Sois tranquille... Je ne veux point t'enlever
malgr� toi! Adieu...
Et le comte allait sauter en selle. Mais le jeune Govaertz se
redressa � moiti�, se tra�na � genoux, lui prit les mains, les
embrassa, les mouilla de larmes et �clata enfin, se soulagea en un
flux de paroles jaculatoires comme si, longtemps suffoqu�, il
parvenait � se d�bonder:
-- Oh, monsieur le comte, pardon, je suis fou, je ne sais ce qui
m'arrive, ce qui se passe en moi; j'ai l'air d'�tre triste, mais
je suis trop heureux; je me sentais mourir de joie en vous
�coutant! Si je pleure, c'est que vous �tes trop bon... Et d'abord
je n'ai pas voulu croire... Vous ne vous moquez point, n'est-ce
pas? C'est bien vrai que vous me prenez chez vous?
Le Dykgrave, aussi attir� qu'il f�t par cet impressionnable petit
paysan, n'avait pas cru rencontrer pareille nature amative. Il
l'habitua doucement � l'id�e du bonheur qui allait �tre le sien,
et finit par le laisser ravi, la face illumin�e de joie, apr�s lui
avoir donn� rendez-vous le lendemain m�me � l'Escal-Vigor.
II
Apr�s cet accord, Guidon vint chaque jour au ch�teau. Kehlmark
s'enfermait de longues heures avec lui dans son atelier. Le jeune
paysan mit � s'instruire et � s'initier un z�le et une ardeur de
n�ophyte, dignes aussi de ceux d'un _creato_ ou apprenti des
ma�tres de la Renaissance italienne. Pas de d�lassement comparable
pour tous deux � cette initiation. Guidon �tait � la fois le
mod�le, le rapin et le disciple de Kehlmark. Quand ils �taient
fatigu�s d'�crire, de lire ou de dessiner, Guidon prenait son
bugle, ou bien, de sa voix grave comme l'airain, il chantait des
airs h�ro�ques et primordiaux que lui avaient appris les p�cheurs
de Klaarvatsch.
Kehlmark ne parvenait plus � se passer de son �l�ve et le faisait
appeler s'il tardait � venir. On ne les voyait jamais l'un sans
l'autre. Ils �taient devenus ins�parables. Guidon d�nait
g�n�ralement � l'Escal-Vigor, de sorte qu'il ne rentrait gu�re aux
P�lerins que pour se coucher. � mesure que Guidon se
perfectionnait, s'�panouissait en dons exceptionnels, l'affection
intense de Kehlmark pour son �l�ve devenait exclusive, m�me
ombrageuse et presque �go�ste. Henry s'�tait r�serv� le privil�ge
d'�tre seul � former ce caract�re, � jouir de cette admirable
nature qui serait sa plus belle oeuvre, � respirer cette �me
d�licieuse. Il la cultivait jalousement, comme ces horticulteurs
effr�n�s qui eussent tu� l'indiscret ou le concurrent assez
t�m�raire pour s'introduire dans leur jardin. Ce fut entre eux une
intimit� suave. Ils se suffisaient l'un � l'autre. Guidon,
�merveill�, ne r�vait aucun paradis autre que l'Escal-Vigor. La
gloire, le souci d'�tre applaudi, n'intervenait en rien dans leur
activit� d'artistes absolus.
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