Escal-Vigor by Georges Eekhoud


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Page 27

Toutefois, la d�cente Blandine ne laissait pas d'en imposer
quelque peu � cet �pateur de souillons. C'est qu'elle ressemblait
� une vraie dame, la donzelle! Pour s�r qu'elle lui ferait
honneur, se pr�lassant derri�re le zinc d'un bar fashionable et
sportif o� se donneraient rendez-vous les bookmakers et les petits
jobards de la haute!

Mais il fallait commencer, mon gar�on, par te faire bien venir de
la particuli�re. Jusque-l�, partageant l'aversion de feu la
comtesse, elle ne lui avait t�moign� qu'une sympathie bien
relative, mais Thibaut Croque-les-Coeurs n'�tait pas homme � se
laisser rebuter. D'ailleurs, rien ne pressait, il avait le temps.

Peut-�tre se leurrait-elle encore de quelque illusion matrimoniale
� l'endroit de Kehlmark? Thibaut fut assez �tonn� de la voir,
devenue renti�re, accompagner Kehlmark � Smaragdis. C'est m�me ce
qui le d�cida � les y suivre.

�Malheur! se disait-il, si elle reste aupr�s du bourgeois, c'est
qu'elle se flatte de l'engluer. Fichu calcul pourtant. Le petit
semble en avoir pris tout son saoul! Des n�fles, qu'il
t'�pousera!� -- �Mais, j'y suis, ruminait-il, un autre jour en se
tirant le nez ce qui, chez lui, �tait un signe de satisfaction, la
m�tine songe � arrondir sa pelote en prenant la direction du
m�nage! Bon app�tit! Nous ne nous en entendrons que mieux!�

Le dr�le mesurait toute conscience � l'aune de la sienne. Ces
malins manquent totalement de flair lorsqu'il s'agit de d�couvrir
de nobles mobiles.

� l'Escal-Vigor, il r�solut de pousser sa pointe sans plus
d'h�sitation. L'ennui aidant, n�glig�e par le Dykgrave,
Mme l'Intendante ouvrirait peut-�tre l'oreille avec un peu plus de
complaisance aux d�clarations du galant cocher. Si la mijaur�e
continuait � se retrancher derri�re ses grands airs et � se draper
dans sa vertu, le gaillard se flattait d'arriver � ses fins par
d'autres arguments. � bout de patience et d'action persuasive, il
�tait bien d�cid� � la prendre par surprise et par la force. O�
serait le mal? Diantre, elle aurait pu rencontrer un m�le plus
refroidi. En fait d'avantages, le cocher se croyait au moins
l'�gal de son ma�tre. La belle ne perdrait point au change.

Kehlmark continuait donc � s'accommoder du ton et des fa�ons de ce
loustic �grillard, sur le caract�re et le fond duquel il s'�tait
totalement m�pris. Le comte �tait m�me tent� de croire cette
licence et ce cynisme dict�s par un exc�s de franchise, une
largesse de vue presque philosophique et analogue � ses propres
conceptions.

Henry avait �t� touch� aussi par l'empressement avec lequel le
domestique avait consenti � quitter la capitale pour le suivre �
Smaragdis:

-- Eh bien, toi aussi, tu viendras te retirer avec moi sur ce
perchoir � mouettes, mon pauvre Thibaut! C'est gentil, �a!

Il �tait loin de se douter des ressorts de ce ruffian, et il
poussait m�me l'aveuglement jusqu'� assimiler sa fid�lit� et son
d�vouement � ceux de la noble Blandine. Pour tout dire, il se
serait peut-�tre priv� plus difficilement de la pr�sence p�tulante
et tortill�e de ce pitre, que de la caresse et de la ferveur que
la jeune femme entretenait dans ses ambiances.

Par la suite on comprendra mieux pourquoi la gouaillerie, le
sarcasme perp�tuel et les blasph�mes de ce larbin flattaient l'�me
amertum�e du Dykgrave. On s'expliquera comment cette nature
aimante, subtile et passionn�e tol�ra si longtemps le voisinage de
ce simple pourceau incapable de comprendre n'importe quel amour et
n'ayant eu, semblait-il, de rapprochements g�n�siques que dans une
atmosph�re de lupanars et de triperies.



DEUXI�ME PARTIE
LES SACRIFICES DE BLANDINE


I

Le surlendemain de la cr�maill�re, le Dykgrave se rendit � la
ferme des P�lerins. Il y arriva � cheval, pr�c�d� de trois beaux
setters Gordon, aboyants et poudreux. Le fermier qui retournait
une sole dans un champ voisin, jeta loin sa b�che, et n'eut que le
temps de passer sa veste par-dessus sa camisole de flanelle rouge;
mais la fille ne se donna point la peine de rabattre ses manches
sur ses bras qu'elle avait rouges et charnus. Tous deux
accoururent, essouffl�s, � la rencontre du visiteur consid�rable
et, apr�s les compliments de bienvenue, ils se mirent en devoir de
lui faire les honneurs de la ferme.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 20th Dec 2025, 9:14