Escal-Vigor by Georges Eekhoud


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Page 25

Et des larmes de reproche tremblaient � ses cils, quoiqu'elle f�t
un effort pour lui sourire comme toujours.

-- Pardonnez-moi, Blandine, balbutia le maladroit... Vous savez
bien que nulle compagnie, nulle pr�sence ne pourrait m'�tre plus
pr�cieuse que la v�tre... Mais encore ne veux-je abuser de votre
abn�gation... Apr�s avoir sacrifi� quelques-unes des plus belles
ann�es de votre jeunesse � soigner ma v�n�rable a�eule, je ne puis
consentir � ce que vous vous enterriez l�-bas, dans un d�sert,
avec moi; dans une situation fausse, expos�e aux m�disances de
rustres malveillants; je le puis d'autant moins aujourd'hui que
vous �tes libre, la ch�re d�funte ayant essay� de reconna�tre vos
d�vou�s services en vous assurant de quoi ne d�pendre de
personne... Vous pourrez donc vous �tablir avantageusement...

Il allait ajouter �et trouver un mari�, mais les yeux de plus en
plus �plor�s de sa ma�tresse lui firent sentir que cette parole
e�t �t� abominable.

-- Oui, poursuivit-il en lui prenant les mains et en la regardant
de ces yeux �nigmatiques dans lesquels il y avait � la fois du
malaise et de l'exaltation, vous m�ritez d'�tre heureuse, tr�s
heureuse, ma bonne Blandine!... Car vous f�tes si affectueuse,
m�me meilleure que moi, son petit-fils, pour la morte bien
aim�e... Ah! moi, je lui occasionnai bien des soucis, -- vous en
savez quelque chose, vous sa confidente, -- je la navrai bien
malgr� moi, mais cruellement tout de m�me... Et peut-�tre par mon
caract�re in�gal et mes nombreuses frasques, ai-je h�t� sa fin...
Mais crois-moi bien, Blandine, ce n'�tait pas de ma faute: non,
non, jamais je ne le faisais expr�s... Il y avait autre chose, des
choses que personne, pas m�me toi, ne pourrait comprendre et
s'imaginer; la fatalit�, l'inexplicable s'en m�lait...

Ici, son regard se fit plus n�buleux encore et, d'un revers de la
main, il s'essuyait la sueur du front, en regrettant sans doute de
ne pouvoir en m�me temps se d�barrasser d'une image obs�dante.

-- Tandis que vous, Blandine, ajouta-t-il, vous ne lui aurez �t�
que baume, sourire et caresse... Ah, laissez-moi, ma pauvre
enfant, c'est le moment de la s�paration... Cela vaudra mieux pour
vous sinon pour moi...

Il se d�tournait tout boulevers�, lui-m�me pr�t � pleurer, et
s'�loignait en faisant le geste de la repousser, mais elle
s'empara avidement de cette main qui se flattait de la bannir:

-- Vous ne le voudrez pas, Henry! s'�cria-t-elle avec un accent de
supplication qui alla au coeur du jeune comte. O� m'en irais-je?
Apr�s votre sainte a�eule, il ne me reste que vous � ch�rir. Vous
�tes ma raison d'�tre. Et surtout ne me parlez pas de sacrifice.
Les ann�es que j'eus le bonheur de passer aupr�s de
Mme de Kehlmark n'auraient jamais pu �tre plus belles!... Je dois
tout � votre grand'm�re, monsieur le comte!... � laissez-moi bien
humblement reporter sur vous la dette que j'ai contract�e envers
elle... Vous aurez besoin d'un intendant, d'un administrateur pour
s'occuper de vos affaires, g�rer votre fortune, diriger votre
maison... Vous entretenez de trop radieuses, de trop nobles id�es
pour vous tracasser � tous ces d�tails prosa�ques et mat�riels.
Compter, chiffrer, n'est pas votre fait; moi, c'est ma vie... Je
ne connais m�me que �a! Allons, monsieur l'artiste, (elle se
faisait adorablement c�line) un bon mouvement, ne me renvoyez pas
cette fois-ci; consentez � me maintenir dans l'emploi que je
remplissais chez la comtesse... Si elle �tait ici, elle-m�me
interc�derait pour moi... � moins que vous ne songiez � vous
marier?

-- Me marier! se r�cria-t-il. Moi, me marier!

Impossible de se m�prendre � l'intonation de ces paroles. Le comte
de Kehlmark devait �tre en effet r�fractaire � tout pacte
conjugal.

Blandine parvint � peine � dissimuler sa joie; du rire traversait
ses larmes.

-- Eh bien, Henry, dans ce cas je ne vous quitte plus. Qui tiendra
votre grand ch�teau l�-bas? Qui prendra soin de vous? Est-il
quelqu'un qui connaisse vos go�ts mieux que moi et qui mette
autant de sollicitude � les flatter? Non, Henry, la s�paration est
impossible... Vous ne pouvez pas plus vous passer de moi que je
pourrais me proscrire de votre pr�sence... Tenez, m�me si vous
vous �tiez mari�, j'aurais voulu vivre � votre foyer dans l'ombre,
obscure, soumise, rien que votre humble servante... Oui, si vous
le d�sirez, je ne serai plus que votre fid�le factotum... Ah!
monsieur Henry, prenez-moi avec vous; vous verrez, je ne serai
gu�re encombrante, je ne vous importunerai pas de ma personne, je
m'effacerai autant que vous l'exigerez... D'ailleurs, je puis bien
vous le dire, Henry, c'�tait le voeu de votre grand'm�re, gardez-
moi au moins, par �gard pour la ch�re en all�e...

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 20th Dec 2025, 5:03