Escal-Vigor by Georges Eekhoud


Main
- books.jibble.org



My Books
- IRC Hacks

Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare

External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd

books.jibble.org

Previous Page | Next Page

Page 18

Blandine, pour mieux d�pister les limiers de justice et pallier la
faute du pauvre diable, pr�tendit ne pas avoir essay� de se
d�rober � son attentat.

Mais un moment, la mar�tre persistant � soup�onner l'un ou l'autre
�pays de roses�, la pauvre Blandine avait �prouv� de douloureux
scrupules. En refusant de livrer le vrai coupable, n'exposait-elle
point ces braves gars � �tre inqui�t�s, condamn�s peut-�tre?
Heureusement il leur fut facile, � tous, d'�tablir leur parfaite
innocence.

Les dignes gar�ons �taient extr�mement marris de l'aventure,
surtout celui qui s'�tait propos� de reconduire Blandine et qui
s'en voulait � pr�sent de ne pas l'avoir accompagn�e malgr� elle.

Des fois aussi, la magnanime enfant entretint l'envie de se mettre
� la recherche de celui qui l'avait d�shonor�e, de celui qui
n'oserait pas r�parer sa faute, non seulement parce qu'il avait
commis un crime aux yeux des hommes, mais parce qu'aux yeux de la
foule, la condition d'un b�tard et d'une fille-m�re serait
pr�f�rable � celle du fils l�gal et de la compagne l�gitime du
voleur et du vagabond. Blandine de plus en plus exalt�e se sentait
de taille � marcher � l'encontre de toute convention injuste,
religieuse ou sociale.

Depuis cette fatale SS. Pierre et Paul, une vocation de d�vouement
et de sacrifice s'�tait d�clar�e lancinante et cruelle en son
coeur.

Elle �tait d�cid�e, elle se rendrait � la prison. Elle verrait
Ariaan pour lui pardonner; elle le disculperait par un sublime
mensonge en s'accusant de s'�tre donn�e � lui et de lui avoir
cach� son �ge. Form�e comme elle l'�tait, Ariaan aurait pu croire,
de bonne foi, n'avoir s�duit qu'une fille majeure. C'en �tait
fait. Elle accepterait d'�tre la femme du voleur, du repris de
justice...

Mais quel myst�rieux pressentiment arr�ta la jeune fille dans son
�lan de charit� et lui fit entendre que son heure n'�tait pas
encore venue, qu'un �tre bien autrement malheureux et anath�me que
ce candide voleur de poules l'attendait quelque part?

Pourtant elle h�sitait encore, de sourds combats continuaient � se
livrer en elle, lorsque l'�v�nement rendit pour le quart d'heure
tout sacrifice inopportun: Blandine mit au monde un enfant mort.

Ce d�nouement d�sarmait la vindicte paroissiale et coupait court
au scandale. La faute �tant expi�e de cette fa�on, m�me la mar�tre
traita la pauvresse avec moins de barbarie. Les fr�res et soeurs
cess�rent de molester Blandine et de la tenir � l'�cart comme une
b�te puante. On accepta ses services et elle obtint la gr�ce de
pouvoir s'�vertuer pour le bien de sa famille. � quelque temps de
l�, sa m�re mourut. Blandine, alors �g�e de quinze ans, se montra
d�cid�ment de trempe h�ro�que, quoique toute simple. Elle prit le
gouvernement de la maisonn�e, vaqua aux multiples besognes, fit
face � toutes les charges, dressa les enfants, n'eut de cesse
avant d'avoir plac� avantageusement les uns et les autres, ceux-ci
en apprentissage, celles-l� en condition. La vaillante petite m�re
oeuvra si bien qu'elle se trouva mieux que r�habilit�e. Le cur�,
tout le premier, n'en revenait pas; � son admiration se m�lait une
esp�ce de stupeur. La vaillance et le caract�re de cette mioche le
confondaient.


V

Vers cette �poque la douairi�re de Kehlmark ayant renonc� � son
fastidieux train de maison et � son nombreux domestique pour se
retirer dans une coquette villa du faubourg noble de la capitale,
s'enqu�rait d'une personne de confiance tenant le milieu entre la
dame de compagnie et la cam�riste. Une de ses vieilles amies,
r�sidant l'�t� au village de Blandine, lui vanta � la requ�te m�me
du cur�, cette courageuse fillette, sans omettre l'aventure dont
elle avait �t� autrefois victime. Il se trouva que cette
particularit� des r�f�rences �tait faite pour rallier � la
pauvresse les sympathies de la grand'm�re d'Henry, qui l'engagea
aussit�t qu'elle se fut pr�sent�e.

Mais aussi quelle gentille et accorte villageoise! Elle embaumait
la sant� et la droiture. Un galbe de statue grecque modernis�,
avifi� par des joues roses; des yeux limpides et confiants, du
bleu saphir tr�s clair; une bouche au pli gracieux et
m�lancolique; les cheveux d'un blond cendre, un peu crespel�s,
s�par�s en bandeaux sur un front d'ivoire immacul�. De taille
moyenne, admirablement prise, dans ses v�tements de paysanne, on
e�t dit une fille de qualit� d�guis�e en pastourelle.

Previous Page | Next Page


Books | Photos | Paul Mutton | Tue 16th Dec 2025, 6:04