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Page 13
Bouviers et gar�ons de charrue, le sarrau bleu festonn� d'un ruban
�carlate, la casquette ceinte d'un rameau feuillu, une branche
pour aiguillon, pr�c�dent le cort�ge en mani�re de postillons, ou
caracolent sur les accotements; d'aucuns affourch�s � la genette,
les jambes tr�s �cart�es tant leurs montures ont le dos large,
d'autres assis en travers de la selle, les jambes ballant du c�t�
du montoir, comme on les rencontre au cr�puscule par les sentiers,
apr�s le labeur.
Leurs voix �clatantes se r�percutent d'un village � l'autre.
-- Voil� encore un _rozenland_! un �pays de roses�! disent les
gamins que leur approche ameute pr�s de l'�glise; car on a d�nomm�
�pays de roses�, ces chars de joie, � cause du refrain de la
ballade que les compagnons ne chantent que ce jour-l�:
_Nous irons au pays des roses,
Au pays des roses d'un jour,
Nous faucherons comme foin les fleurs trop belles
Et en tresserons des meules si hautes et si odorantes
Qu'elles �borgneront la lune
Et feront �ternuer le soleil__[3]__._
Des sarabandes se nouent � la porte des cabarets. Les �pays de
roses� -- le nom a pass� des chars � la charret�e humaine --
envahissent la salle en vacarmant comme un sabbat. � chaque �tape,
on emplit de bi�re et de sucre un �norme arrosoir et, apr�s en
avoir d�tach� la gerbe, on le fait circuler � la ronde de couple
en couple.
La fille, aid�e par son meneur, trempe la premi�re les l�vres au
breuvage, puis, d'un geste retrouv� des temps h�ro�ques, elle se
cambre, son bras nu presque aussi robuste que celui des m�les de
la bande, saisit l'anse de l'original vaisseau, le brandit, le
soul�ve au-dessus de sa t�te et finit par l'incliner vers son
cavalier.
Un genou en terre, le soiffard embouche le tuyau du r�servoir et
pompe sans rel�che avec des mines b�ates que la petite Blandine
comparait, bien malgr� elle, � l'extase des communiants recevant
leur Dieu les jours de f�tes carillonn�es. Les coteries se sont
fait accompagner d'un m�n�trier ou d'un joueur d'orgue, mais,
indiff�rent � la m�lodie et au rythme, racl�s ou moulus, c'est
toujours la m�me saboti�re que dansent les drilles, c'est le m�me
choeur que braillent leurs voix psalmodiantes:
_Nous irons au pays des roses..._
Les serfs sont les seigneurs et les pauvres sont les riches.
Le salaire de toute une ann�e sonne contre leur genou dans la
poche profonde comme un semoir.
Jour de frairie, jour de kermesse r�volutionnant les pr�tres
r�sign�s de la terre! Chaudes matin�es qui font �clore les
idylles: soirs orageux, instigateurs de carnages!
Ce n'est pas sans raison que les gendarmes surveillent � distance
les �pays de roses�.
Ils sont p�les et tortillent nerveusement leur moustache, les
gendarmes, car, vers le tard, � l'heure des r�actions, les
farouches et les jaloux leur en font voir de rouges. Ces bons
drilles qui trinquent avec effusion sont pr�ts, pour un rien, � se
jeter les pintes � la t�te et � se d�chiqueter comme des coqs. �
force d'accoler son voisin, cet expansif comp�re a fini par le
presser si �troitement contre sa poitrine qu'il l'a terrass� et un
peu meurtri.
Tous ces festoyeurs ne s'�baudissent pas, mais tous
s'�tourdissent. Ils noient leur souci dans la bi�re et l'�touffent
dans le tapage. Ils boivent: les uns pour oublier, peut-�tre pour
calmer le regret du toit et des visages familiers qu'ils
d�laissent; les autres, au contraire, pour c�l�brer leur
affranchissement du joug ancien et saluer, pleins de confiance, le
foyer nouveau.
La plupart fraternisent d'embl�e avec leurs camarades de demain et
se d�clarent sur-le-champ aux pataudes embauch�es avec eux.
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